Название | Plus fort que Sherlock Holmès |
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Автор произведения | Марк Твен |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
Je m'imagine qu'il restera ici, jusqu'à ce que nous le délogions de nouveau. Puisque vous le voulez, je continuerai à le persécuter, mais je ne vois pas en quoi il peut être plus malheureux qu'à présent. Je retournerai à Denver, m'accorder une saison de repos et d'agrément; je m'offrirai une nourriture meilleure, un lit plus confortable et des vêtements plus propres; puis je prendrai mes bagages et ferai déménager le malheureux Wilson.
Denver, 19 juin.
Tout le monde le regrette ici. On espère qu'il fait fortune à Mexico; les vœux qu'on forme pour lui sont très sincères, et viennent du cœur. Je m'en rends parfaitement compte: je m'attarde à plaisir ici, je l'avoue; mais si vous étiez à ma place vous auriez pitié de moi. Je sens bien ce que vous allez penser de moi; vous avez cent fois raison au fond. Si j'étais à votre place, et si je portais dans mon cœur une cicatrice aussi profonde !! !.. C'est décidé. Je prendrai demain le train de nuit.
Denver 20 juin.
Dieu me pardonne, mère! nous sommes sur une fausse piste; nous pourchassons un innocent! Je n'en ai pas dormi de la nuit; le jour commence à poindre et j'attends impatiemment le train du matin !.. Mais que les minutes me semblent longues, longues…
Ce Jacob Fuller est un cousin du coupable! Comment n'avons-nous pas supposé plus tôt que le criminel ne porterait plus jamais son vrai nom après son méfait? Le Fuller de Denver a quatre ans de moins que l'autre; il est venu ici à vingt et un ans, en 1879, et était veuf un an avant votre mariage; les preuves à l'appui de ce que j'avance sont innombrables. Hier soir, j'ai longuement parlé de lui à des amis qui le connaissaient depuis le jour de son arrivée. Je n'ai pas bronché, mais mon opinion est bien arrêtée: dans quelques jours, je le rapatrierai en ayant soin de l'indemniser de la perte qu'il a subie en vendant sa mine; en son honneur je donnerai un banquet, une retraite aux flambeaux et une illumination dont les frais retomberont sur moi seul; on me traitera peut-être « d'esbrouffeur », mais cela m'est égal. Je suis très jeune, vous le savez bien, et c'est là mon excuse. Dans quelque temps on ne pourra plus me traiter en enfant.
Silver Gulch, 2 juillet.
Mère! Il est parti! Parti sans laisser aucun indice. Sa trace était refroidie à mon arrivée; je n'ai pu la retrouver. Je me lève aujourd'hui pour la première fois depuis cet événement. Mon Dieu! comme je voudrais avoir quelques années de plus pour mieux supporter les émotions. Tout le monde croit qu'il est parti pour l'Ouest; aussi vais-je me mettre en route ce soir; je gagnerai en voiture la gare la plus voisine à deux ou trois heures d'ici; je ne sais pas bien où je vais, mais je ne puis plus tenir en place; l'inaction en ce moment me met à la torture.
Bien entendu, il se cache sous un faux nom et un nouveau déguisement. Ceci me fait supposer que j'aurai peut-être à parcourir le monde entier pour le trouver! C'est du moins ce que je crois. Voyez-vous, mère! le Juif errant, en ce moment: c'est moi. Quelle ironie! Et dire que nous avions réservé « ce rôle à un autre » !
Toutes ces difficultés seraient aplanies si je pouvais placarder une nouvelle affiche. Mais je me sens incapable de trouver dans mon cerveau un procédé qui n'effraye pas le pauvre fugitif. Ma tête est prête à éclater. J'avais songé à cette affiche :
« Si le Monsieur qui a dernièrement acheté une mine à Mexico et en a vendu une à Denver veut bien donner son adresse » (mais à qui la donner ?) « il lui sera expliqué comment il y a eu méprise à son sujet; on lui fera des excuses et on réparera le tort qui lui a été causé en l'indemnisant aussi largement que possible. »
Mais comprenez-vous la difficulté? Il croira à un piège; c'est tout naturel, d'ailleurs! Je pourrais encore écrire: « Il est maintenant avéré que la personne recherchée n'est pas celle qu'on a trouvée; il existait une similitude de nom; mais il y a eu échange pour des raisons spéciales. » Cela pourrait-il aller? Je crains que les soupçons des gens de Denver ne soient éveillés. Ils ne manqueront pas de dire en se rappelant les particularités de son départ: Pourquoi s'est-il enfui s'il n'était pas coupable? Si je ne réussis pas à le trouver, il sera perdu dans l'estime des gens de Denver qui le portent très haut. Vous qui avez plus d'expérience et d'imagination que moi, venez à mon aide, ma chère mère !
Je n'ai qu'une clef, une clef unique, je connais son écriture; s'il inscrit son nouveau nom sur un registre d'hôtel sans prendre le soin de la contrefaire très bien, je pourrai la reconnaître, mais il faut pour cela que le hasard me fasse rencontrer le fugitif.
San-Francisco, 28 juin 1898.
Vous savez avec quel soin j'ai fouillé tous les États du Colorado au Pacifique, et comment j'ai failli toucher au but. Eh bien! je viens encore d'éprouver un nouvel échec et cela pas plus tard qu'hier. J'avais retrouvé dans la rue sa trace encore chaude qui me conduisit vers un hôtel de second ordre. Je me suis trompé; j'ai dû suivre le contre-pied; les chiens le font bien! Mais je ne possède malheureusement qu'une partie des instincts du chien, et souvent je me laisse induire en erreur par mes facultés d'homme. Il a quitté cet hôtel depuis dix jours, m'a-t-on dit. Je sais maintenant qu'il ne séjourne plus nulle part depuis les six ou huit derniers mois, qu'il est pris d'un grand besoin de mouvement et ne peut plus rester tranquille. Je partage ce sentiment et sais combien il est pénible! Il continue à porter le nom qu'il avait inscrit au moment où j'étais si près de le pincer, il y a neuf mois: « James Walker »; c'est aussi celui qu'il avait adopté en fuyant Silver Gulch. Il ne fait pas d'effort d'imagination et a décidément peu de goût pour les noms de fantaisie. Il m'a été facile de reconnaître son écriture très légèrement déguisée.
On m'assure qu'il vient de partir en voyage sans laisser d'adresse et sans dire où il allait; qu'il a pris un air effaré lorsqu'on le questionnait sur ses projets; il n'avait, paraît-il, qu'une valise ordinaire pour tout bagage et il l'a emportée à la main. « C'est un pauvre petit vieux, a-t-on ajouté, dont le départ ne fera pas grand tort à la maison. »
Vieux! Je suppose qu'il l'est devenu maintenant, mais n'en sais pas plus long, car je ne suis pas resté assez longtemps. Je me suis précipité sur sa trace; elle m'a conduit à un quai. Mère! La fumée du vapeur qui l'emportait se perdait à l'horizon! J'aurais pu gagner une demi-heure en prenant dès le début la bonne direction; mais il était même trop tard pour fréter un remorqueur et courir la chance de rattraper son bateau! Il est maintenant en route pour Melbourne !
Hope Canyon, Californie.
3 octobre 1900.
Vous êtes en droit de vous plaindre. Une lettre en un an: c'est trop peu, j'en conviens; mais comment peut-on écrire lorsqu'on n'a à enregistrer que des insuccès? Tout le monde se laisserait démonter; pour ma part, je n'ai plus de cœur à rien.
Je vous ai raconté, il y a longtemps, comment je l'avais manqué, à Melbourne, puis comment je l'avais pourchassé pendant des mois en Australie. Après cela, je l'ai suivi aux Indes, je crois même l'avoir aperçu à Bombay; j'ai refait derrière lui tout son voyage, à Baroda, Rawal, Pindi, Lucknow, Lahore, Cawnpore, Allahabad, Calcutta, Madras, semaine par semaine, mois par mois, sous une chaleur torride et dans une poussière! Je le traquais de près, et croyais le tenir; mais il s'est toujours échappé. Puis, à Ceylan, puis à…
Mais je vous raconterai tout cela en détail. Il m'a ramené en Californie, puis à Mexico, et de là il retourna en Californie. Depuis ce moment-là, je l'ai pourchassé dans tous les pays, depuis le 1er janvier jusqu'au mois dernier. Je suis presque certain qu'il se tient près de Hope Canyon. J'ai suivi sa trace jusqu'à trente milles d'ici, mais je l'ai perdue; pour moi, quelqu'un a dû l'enlever en voiture.
Maintenant