Le Cabinet des Fées. Шарль Перро

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Название Le Cabinet des Fées
Автор произведения Шарль Перро
Жанр Сказки
Серия
Издательство Сказки
Год выпуска 0
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l'autre.

      Le lendemain, l'Oiseau Bleu retourna dans son royaume. Il alla à son palais; il entra dans son cabinet par la vitre rompue, et il en apporta les plus riches bracelets que l'on eût encore vus: ils étaient d'une seule émeraude, taillés en facettes, creusés par le milieu, pour y passer la main et le bras. «Pensez-vous, lui dit la princesse, que mes sentiments pour vous aient besoin d'être cultivés par des présents? Ah! que vous les connaîtriez mal! – Non, madame, répliqua-t-il, je ne crois pas que les bagatelles que je vous offre soient nécessaires pour me conserver votre tendresse; mais la mienne serait blessée si je négligeais aucune occasion de vous marquer mon attention; et quand vous ne me voyez point, ces petits bijoux me rappellent à votre souvenir.» Florine lui dit là-dessus mille choses obligeantes, auxquelles il répondit par mille autres qui ne l'étaient pas moins.

      La nuit suivante, l'Oiseau amoureux ne manqua pas d'apporter à sa belle une montre d'une grandeur raisonnable, qui était dans une perle: l'excellence du travail surpassait celle de la matière. «Il est inutile de me régaler 110 d'une montre, dit-elle galamment: quand vous êtes éloigné de moi, les heures me paraissent sans fin; quand vous êtes avec moi, elles passent comme un songe: ainsi je ne puis leur donner une juste mesure. – Hélas! ma princesse, s'écria l'Oiseau Bleu, j'en ai la même opinion que vous, et je suis persuadé que je renchéris encore sur la délicatesse. – Après ce que vous souffrez pour me conserver votre coeur, répliqua-t-elle, je suis en état de croire que vous avez porté l'amitié et l'estime aussi loin qu'elles peuvent aller.»

      Dès que le jour paraissait, l'Oiseau volait dans le fond de son arbre, où des fruits lui servaient de nourriture. Quelquefois encore il chantait de beaux airs: sa voix ravissait les passants, ils l'entendaient et ne voyaient personne; aussi il était conclu que c'était des esprits. Cette opinion devint si commune, que l'on n'osait entrer dans le bois: on rapportait mille aventures fabuleuses qui s'y étaient passées, et la terreur générale fit la sûreté particulière de l'Oiseau Bleu.

      Il ne se passait aucun jour sans qu'il fît un présent à Florine; tantôt un collier de perles, ou des bagues des plus brillantes et des mieux mises en oeuvre, des attaches de diamants, des poinçons, des bouquets de pierreries qui imitaient la couleur des fleurs, des livres agréables, des médailles; enfin, elle avait un amas de richesses merveilleuses: elle ne s'en paraît jamais que la nuit pour plaire au roi, et le jour, n'ayant point d'endroit à les mettre, elle les cachait soigneusement dans sa paillasse.

      Deux années s'écoulèrent ainsi sans que Florine se plaignit une seule fois de sa captivité. Et comment s'en serait-elle plainte? elle avait la satisfaction de parler toute la nuit à ce qu'elle aimait: il ne s'est jamais tant dit de jolies choses. Bien qu'elle ne vit personne et que l'Oiseau passât le jour dans le creux d'un arbre, ils avaient mille nouveautés à se raconter; la matière était inépuisable, leur coeur et leur esprit fournissaient abondamment des sujets de conversation.

      Cependant la malicieuse reine, qui la retenait si cruellement en prison, faisait d'inutiles efforts pour marier Truitonne. Elle envoyait des ambassadeurs la proposer à tous les princes dont elle connaissait le nom: dès qu'ils arrivaient, on les congédiait brusquement. «S'il s'agissait de la princesse Florine, vous seriez reçus avec joie, leur disait-on; mais pour Truitonne, elle peut rester vestale sans que personne s'y oppose.» A ces nouvelles, sa mère et elle s'emportaient de colère contre l'innocente princesse qu'elles persécutaient. «Quoi! malgré sa captivité, cette arrogante nous traversera! 111 disaient-elles. Quel moyen de lui pardonner les mauvais tours qu'elle nous fait? Il faut qu'elle ait des correspondances secrètes dans les pays étrangers: c'est tout au moins une criminelle d'État; traitons-là sur ce pied, et cherchons tous les moyens possibles de la convaincre.»

      Elles finirent leur conseil si tard, qu'il était plus de minuit lorsqu'elles résolurent de monter dans la tour pour l'interroger. Elle était avec l'Oiseau Bleu à la fenêtre, parée de ses pierreries, coiffée de ses beaux cheveux, avec un soin qui n'est pas naturel aux personnes affligées; sa chambre et son lit étaient jonchés de fleurs, et quelques pastilles d'Espagne qu'elle venait de brûler répandaient une odeur excellente. La reine écouta à la porte; elle crut entendre chanter un air à deux parties: car Florine avait un voix presque céleste. En voici les paroles, qui lui parurent tendres:

      Que notre sort est déplorable,

      Et que nous souffrons de tourments

      Pour nous aimer trop constamment!

      Mais c'est en vain qu'on nous accable:

      Malgré nos cruels ennemis,

      Nos coeurs seront toujours unis.

      Quelques soupirs finirent leur petit concert.

      "Ah! ma Truitonne, nous sommes trahies, s'écria la reine en ouvrant brusquement la porte, et se jetant dans la chambre. Que devint Florine à cette vue? Elle poussa promptement sa petite fenêtre, pour donner le temps à l'Oiseau royal de s'envoler. Elle était bien plus occupée de sa conservation que de la sienne propre; mais il ne se sentit pas la force de s'éloigner: ses yeux perçants lui avaient découvert le péril auquel sa princesse était exposée. Il avait vu la reine et Truitonne; quelle affliction de n'être pas en état de défendre sa maîtresse! Elles s'approchèrent d'elle comme des furies qui voulaient la dévorer."

      "L'on sait vos intrigues contre l'État, s'écria la reine; ne pensez pas que votre rang vous sauve des châtiments que vous méritez. – Et avec qui, madame? répliqua la princesse. N'êtes-vous pas ma geôlière depuis deux ans? Ai-je vu d'autres personnes que celles que vous m'avez envoyées?" Pendant qu'elle parlait, la reine et sa fille l'examinaient avec une surprise sans pareille: son admirable beauté et son extraordinaire parure les éblouissaient. "Et d'où vous vient, madame, dit la reine, ces pierreries qui brillent plus que le soleil? Nous ferez-vous accroire qu'il y en a des mines dans cette tour? – Je les y ai trouvées, répliqua Florine; c'est tout ce que j'en sais." La reine la regardait attentivement pour pénétrer jusqu'au fond de son coeur ce qui s'y passait. "Nous ne sommes pas vos dupes, dit-elle, vous pensez nous en faire accroire; 112 mais, princesse, nous savons ce que vous faites depuis le matin jusqu'au soir. On vous a donné tous ces bijoux dans la seule vue de vous obliger à vendre le royaume de votre père. – Je serais fort en état de le livrer, répondit-elle avec un sourire dédaigneux; une princesse infortunée, qui languit dans les fers depuis si longtemps, peut beaucoup dans un complot de cette nature. – Et pour qui donc, reprit la reine, êtes-vous coiffée comme une petite coquette, votre chambre pleine d'odeurs, et votre personne si magnifique, qu'au milieu de la cour vous seriez moins parée? – J'ai assez de loisir, dit la princesse: il n'est pas extraordinaire que j'en donne quelques moments à m'habiller; en passe tant d'autres à pleurer mes malheurs, que ceux-là ne sont pas à me reprocher. – Çà, çà, voyons, dit la reine, si cette innocente personne n'a point quelque traité fait avec les ennemis." Elle chercha elle même partout; et venant à la paillasse, qu'elle fit vider, elle y trouva une si grande quantité de diamants, de perles, de rubis, d'émeraudes et de topazes, qu'elle ne savait d'où cela venait. Elle avait résolu de mettre en quelque lieu des papiers pour perdre la princesse; dans le temps qu'on n'y prenait pas garde, elle en cacha dans la cheminée: mais par bonheur l'Oiseau Bleu était perché au-dessus, qui voyait mieux qu'un lynx, et qui écoutait tout; il s'écria: "Prends garde à toi, Florine, voilà ton ennemie qui veut te faire une trahison." Cette voix si peu attendue épouvanta à tel point la reine, qu'elle n'osa faire ce qu'elle avait médité. "Vous voyez, madame, dit la princesse, que les esprits qui volent en l'air me sont favorables. – Je crois, dit la reine, outrée de colère, que les démons s'intéressent pour vous; mais malgré eux votre père saura se faire justice. – Plût au ciel, s'écria Florine, n'avoir à craindre que la fureur de mon père! Mais la vôtre, madame, est plus terrible."

      La reine la quitta, troublée de tout ce qu'elle venait de voir et d'entendre. Elle tint conseil sur ce qu'elle devait faire contre la princesse: on lui dit que si quelque fée ou quelque enchanteur la prenaient sous leur protection, le vrai secret pour les irriter serait de lui faire de nouvelles peines, et qu'il serait mieux d'essayer de découvrir



<p>110</p>

De me régaler, to present me.

<p>111</p>

Traversera, shall vex.

<p>112</p>

Vous pensez nous en faire accroire, you think to deceive us.