Название | Le Chevalier de Maison-Rouge |
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Автор произведения | Dumas Alexandre |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
Sophie Tison passa à l'instant entre le municipal et sa compagne.
– Oui, citoyen, merci, dit-elle. Maurice aurait voulu voir l'amie de la jeune fille, ou tout au moins entendre sa voix; mais elle était enveloppée dans sa mante, et semblait décidée à ne pas prononcer une seule parole. Il lui sembla même qu'elle tremblait.
Cette crainte lui donna des soupçons. Il remonta précipitamment, et, en arrivant dans la première pièce, il vit, à travers le vitrage, la reine cacher dans sa poche quelque chose qu'il supposa être un billet.
– Oh! oh! dit-il, aurais-je été dupe? Il appela son collègue.
– Citoyen Agricola, dit-il, entre chez Marie-Antoinette et ne la perds pas de vue.
– Ouais! fit le municipal, est-ce que…?
– Entre, te dis-je, et cela sans perdre un instant, une minute, une seconde. Le municipal entra chez la reine.
– Appelle la femme Tison, dit-il à un garde national. Cinq minutes après, la femme Tison arrivait rayonnante.
– J'ai vu ma fille, dit-elle.
– Où cela? demanda Maurice.
– Ici même, dans cette antichambre.
– Bien. Et ta fille n'a point demandé à voir l'Autrichienne?
– Non.
– Elle n'est pas entrée chez elle?
– Non.
– Et, pendant que tu causais avec ta fille, personne n'est sorti de la chambre des prisonnières?
– Est-ce que je sais, moi? Je regardais ma fille, que je n'avais pas vue depuis trois mois.
– Rappelle-toi bien.
– Ah! oui, je crois me souvenir.
– De quoi?
– La jeune fille est sortie.
– Marie-Thérèse?
– Oui.
– Et elle a parlé à ta fille?
– Non.
– Ta fille ne lui a rien remis?
– Non.
– Elle n'a rien ramassé à terre?
– Ma fille?
– Non, celle de Marie-Antoinette?
– Si fait, elle a ramassé son mouchoir.
– Ah! malheureuse! s'écria Maurice. Et il s'élança vers le cordon d'une cloche qu'il tira vivement. C'était la cloche d'alarme.
XI
Le billet
Les deux autres municipaux de garde montèrent précipitamment. Un détachement du poste les accompagnait. Les portes furent fermées, deux factionnaires interceptèrent les issues de chaque chambre.
– Que voulez-vous, monsieur? dit la reine à Maurice, lorsque celui-ci entra. J'allais me mettre au lit, lorsqu'il y a cinq minutes le citoyen municipal (et la reine montrait Agricola) s'est précipité tout à coup dans cette chambre sans me dire ce qu'il désirait.
– Madame, dit Maurice en saluant, ce n'est pas mon collègue qui désire quelque chose de vous, c'est moi.
– Vous, monsieur? demanda Marie-Antoinette en regardant Maurice, dont les bons procédés lui avaient inspiré une certaine reconnaissance; et que désirez-vous?
– Je désire que vous vouliez bien me remettre le billet que vous cachiez tout à l'heure quand je suis entré.
Madame Royale et Madame Élisabeth tressaillirent. La reine devint très pâle.
– Vous vous trompez, monsieur, dit-elle, je ne cachais rien.
– Tu mens, l'Autrichienne! s'écria Agricola.
Maurice posa vivement la main sur le bras de son collègue.
– Un moment, mon cher collègue, lui dit-il; laisse-moi parler à la citoyenne. Je suis un peu procureur.
– Va, alors, mais ne la ménage pas, morbleu!
– Vous cachiez un billet, citoyenne, dit sévèrement Maurice; il faudrait nous remettre ce billet.
– Mais quel billet?
– Celui que la fille Tison vous a apporté, et que la citoyenne votre fille (Maurice indiqua la jeune princesse) a ramassé avec son mouchoir.
Les trois femmes se regardèrent épouvantées.
– Mais, monsieur, c'est plus que de la tyrannie, dit la reine; des femmes! des femmes!
– Ne confondons pas, dit Maurice avec fermeté. Nous ne sommes ni des juges ni des bourreaux; nous sommes des surveillants, c'est-à-dire vos concitoyens chargés de vous garder. Nous avons une consigne; la violer, c'est trahir. Citoyenne, je vous en prie, rendez-moi le billet que vous avez caché.
– Messieurs, dit la reine avec hauteur, puisque vous êtes des surveillants, cherchez, et privez-nous de sommeil cette nuit comme toujours.
– Dieu nous garde de porter la main sur des femmes. Je vais faire prévenir la Commune et nous attendrons ses ordres; seulement, vous ne vous mettrez pas au lit: vous dormirez sur des fauteuils, s'il vous plaît, et nous vous garderons… S'il le faut, les perquisitions commenceront.
– Qu'y a-t-il donc? demanda la femme Tison en montrant à la porte sa tête effarée.
– Il y a, citoyenne, que tu viens, en prêtant la main à une trahison, de te priver à jamais de voir ta fille.
– De voir ma fille!.. Que dis-tu donc là, citoyen? demanda la femme Tison, qui ne comprenait pas bien encore pourquoi elle ne verrait plus sa fille.
– Je te dis que ta fille n'est pas venue ici pour te voir, mais pour apporter une lettre à la citoyenne Capet, et qu'elle n'y reviendra plus.
– Mais, si elle ne revient plus, je ne pourrai donc pas la revoir, puisqu'il nous est défendu de sortir?..
– Cette fois, il ne faudra t'en prendre à personne, car c'est ta faute, dit Maurice.
– Oh! hurla la pauvre mère, ma faute! que dis-tu donc là, ma faute? Il n'est rien arrivé, j'en réponds. Oh! si je croyais qu'il fût arrivé quelque chose, malheur à toi, Antoinette, tu me le payerais cher?
Et cette femme exaspérée montra le poing à la reine.
– Ne menace personne, dit Maurice; obtiens plutôt par la douceur que ce que nous demandons soit fait; car tu es femme, et la citoyenne Antoinette, qui est mère elle-même, aura sans doute pitié d'une mère. Demain, ta fille sera arrêtée; demain, emprisonnée… puis, si l'on découvre quelque chose, et tu sais que, lorsqu'on le veut bien, on découvre toujours, elle est perdue, elle et sa compagne.
La femme Tison, qui avait écouté Maurice avec une terreur croissante, détourna sur la reine son regard presque égaré.
– Tu entends, Antoinette?.. Ma fille!.. C'est toi qui auras perdu ma fille!
La reine parut épouvantée à son tour, non de la menace qui étincelait dans les yeux de sa geôlière, mais du désespoir qu'on y lisait.
– Venez, madame Tison, dit-elle, j'ai à vous parler.
– Holà! pas de cajoleries, s'écria le collègue de Maurice; nous ne sommes pas de trop, morbleu! Devant la municipalité, toujours devant la municipalité!
– Laisse faire, citoyen Agricola, dit Maurice à l'oreille de cet homme; pourvu que la vérité nous vienne, peu importe de quelle façon.
– Tu as raison, citoyen Maurice; mais…
– Passons derrière le vitrage, citoyen Agricola, et, si tu m'en crois, tournons le dos; je