Название | Les Mystères du Louvre |
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Автор произведения | Féré Octave |
Жанр | Историческая литература |
Серия | |
Издательство | Историческая литература |
Год выпуска | 0 |
isbn |
– En vérité?..
Mais quelque froideur qu'eût mise la princesse dans ces deux mots, le chancelier s'aperçut aisément qu'une certaine émotion avait pénétré en elle en même temps que ses paroles.
– L'article quatrième ajoute une faveur immense à la restitution de cinq provinces à monseigneur de Bourbon; il lui accorde la main d'une princesse de sang royal, madame Renée, la sœur de Votre Altesse.
La princesse n'intervint plus par aucune interjection, elle sentait le piège.
– Enfin, poursuivit Duprat après un temps d'arrêt adroitement ménagé, le cinquième article concerne Votre Altesse elle-même… Madame la princesse régente, se rappelant un vœu exprimé naguère par l'empereur8, et que les circonstances ne permettaient pas alors d'exaucer, met fin à la guerre de la manière la plus heureuse et la plus sincère, elle cimente une alliance de famille entre le trône d'Espagne et celui de France… Le traité offre votre main à l'empereur.
– Oui, répondit lentement Marguerite, c'est un plan ingénieux, qui fait honneur à la sagacité de madame ma mère.
– Certes, reprit le serpent, et Votre Altesse comprend qu'on ait tenu à le lui laisser ignorer jusqu'à sa réalisation…
L'astuce et le triomphe diaboliques incrustés dans le sourire de Duprat ravivèrent la fierté de la sœur de François Ier.
Portant sur lui ce même regard dont elle avait déjà foudroyé son audace:
– Vous vous trompez, messire; madame la duchesse régente était sûre de mon obéissance, en tous les cas.
– Quoi! Votre Altesse consentirait?..
– A tout, pour être à l'abri de tentatives indignes de moi, pour punir l'insolence de mes ennemis et protéger efficacement ceux que j'aime…
– C'est là, je le proclame, parler en grande princesse, fit le chancelier avec une déférence pleine de contrainte. Et puis, protéger ses amis tout en devenant impératrice, c'est un espoir qui séduirait plus d'une sœur de roi.
– Messire, vous oubliez que deux fois je vous ai prié de sortir!..
En même temps, le visage animé par l'indignation, elle porta à ses lèvres le sifflet d'argent, qui fit accourir mademoiselle de Tournon et Michel Gerbier, portant chacun un flambeau.
– Éclairez à messire le grand-chancelier, ordonna sèchement la princesse.
Il s'approcha cependant encore audacieusement d'elle, et feignant de la saluer:
– Madame la régente avait raison, lui dit-il, de faire mystère de son projet; pour qu'il réussît, il eût fallu qu'il ne tombât pas dans mon oreille.
Soulagé par cette déclaration de guerre, il se redressa et sortit, sans accorder une marque d'attention à Hélène, qui lui tenait soulevée la tenture de la porte.
– Qu'on me laisse seule… dit la princesse à sa favorite. Ma chère Hélène, j'ai le feu dans le cerveau.
Tout bruit s'étant alors éloigné, Marguerite laissa aller sa tête contre le dossier de velours de son siège, et, les paupières closes, les mains jointes, elle s'abandonna au tumulte de ses impressions, comme le naufragé se laisse, à bout de résistance, étourdir par la tempête.
Lorsqu'elle secoua enfin cet engourdissement, ce fut pour être saisie par une surprise nouvelle.
Devant elle, à genoux, dans l'attitude la plus humble, elle vit le bouffon de la cour, Triboulet.
D'un geste suppliant, il arrêta la parole indignée qu'il lisait déjà au bord de ses lèvres:
– Écoutez-moi, Altesse! s'écria-t-il, écoutez-moi!..
– Qui t'a permis d'entrer? d'où sors-tu? Ce n'est point ici un lieu pour tes quolibets ni pour tes noirceurs!
– Écoutez-moi, madame! répéta-t-il. J'étais là pendant que le grand chancelier vous parlait…
Et il montrait le dessous de la table couverte d'un tapis.
– Tu as osé!.. Et tu as entendu?..
– Tout ce qui s'est dit, oui, madame.
Elle prit pour la seconde fois son sifflet.
– Arrêtez!.. exclama le bouffon, ne me chassez pas sans m'entendre!
Il prononça ces mots d'un accent si persuasif et si douloureux, que le terrible sifflet s'arrêta en chemin.
– Le chancelier est un infâme, poursuivit-il avec entraînement; ce que j'ai souffert à l'entendre, ce que j'ai éprouvé d'admiration et de joie en présence de vos réponses, Votre Altesse ne le saura jamais!
– Pourquoi étais-tu là? demanda-t-elle, peu sensible à l'enthousiasme de ce gnome odieux.
– Pour vous offrir mon concours et mes services.
– Toi, reptile!..
– Oh! injuriez, frappez; vous n'irez jamais aussi loin que je le mérite; mais quelque jour laissez-moi vous expliquer mes douleurs, mes tourments…
– Ceci sort de votre rôle, maître fou, dit-elle, implacable à son tour; et si je ne m'égaye pas de vos sottises, je ne suis pas davantage d'humeur à m'apitoyer sur vos ennuis. Ça donc!..
Et elle tourna le sifflet dans ses doigts, prête à le porter à sa bouche.
– Eh bien, non, dit-il; je suis insensé, je ne vous parlerai pas de moi, mais de ce qui vous intéresse…
– Créature du chancelier, quel personnage jouez-vous ici?
– Votre Altesse croit-elle donc que je sois obligé d'aimer messire Duprat en raison des gages qu'il me paye?.. Je le sers, c'est vrai, mais je le hais!
– La distinction est heureuse. En sorte que vous pouvez conclure que moi, que vous entourez de votre honteux espionnage…
– Je ne demande qu'à vous témoigner mon dévouement, oui, Altesse; c'est là, non pas un sophisme, mais une vérité, et c'est pour cela que je me suis glissé ici et que vous me voyez à vos pieds.
– Décidément, c'est une scène de comédie… Assez, maître fou; relevez-vous, et estimez-vous heureux de sortir sans le châtiment que vous mériteriez…
– Madame, insista-t-il à deux genoux, acceptez mes services! Ne me jugez pas sur mes actions, sur mes méfaits accomplis… Vous ne me permettez pas de vous entretenir de mes tortures; hélas! elles vous expliqueraient tout, et si courroucée que vous soyez, elles atténueraient mes torts devant vous.
– Eh mais, attendez donc, il me semble que votre patron le chancelier m'a déjà dit quelque chose comme cela… Vous êtes à la fois son serviteur et son écho…
– Madame, je n'ai pas l'audace ni l'ambition du chancelier… Que votre bouche me sourie une fois, que votre main me permette un de ces baisers que je l'ai vue accorder au chancelier lui-même, et je suis à vous corps et âme, et vous vous servirez de moi à votre discrétion et merci; et pour cette faveur qui me réhabilitera et m'élèvera au rang d'homme, moi, l'avorton ridicule, le vil histrion; pour cette grâce, pour ce rayon de soleil dans mes ténèbres, je tenterai, j'accomplirai des choses impossibles!
Il s'était traîné en rampant jusqu'aux pieds de la princesse, qui se reculait au plus profond de son siège, ainsi qu'à l'approche de ces êtres hideux qui inspirent une répulsion invincible.
– Arrière! lui dit-elle, arrière, misérable! Tu oses implorer ma bienveillance, quand c'est toi qui as trahi et perdu l'homme que j'aime!.. Ah! si je ne te méprisais tant, combien je te haïrais!..
Ces paroles foudroyèrent un instant le bouffon. Il se releva d'abord, par un ressort nerveux; puis ses jambes torses flageolèrent, et il étendit les bras pour chercher un point d'appui. Ses yeux ne voyaient plus, un spasme étreignait sa poitrine.
Il
8
Charles-Quint, n'étant encore que duc de Luxembourg, avait fait demander Marguerite de Valois en mariage. (Du Radier,