Voyage musical en Allemagne et en Italie, I. Hector Berlioz

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Название Voyage musical en Allemagne et en Italie, I
Автор произведения Hector Berlioz
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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aux Champs seulement trouvèrent, je crois, grâce devant elle. Quant au public proprement dit, il se laissa entraîner au courant musical, et applaudit plus chaudement la Marche au Supplice et le Sabbat que les trois autres morceaux. Cependant il était aisé de voir, en somme, que cette composition, si bien accueillie à Stuttgardt, si parfaitement comprise à Weymar, tant discutée à Leipzig, était peu dans les mœurs musicales et poétiques des habitants de Dresde, qu'elle les désorientait par sa dissemblance avec les symphonies à eux connues, et qu'ils en étaient plus surpris que charmés, moins émus qu'étourdis.

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      Le nom de Strauss est célèbre aujourd'hui dans toute l'Europe dansante; il est attaché à une foule de valses capricieuses, piquantes, d'un rythme neuf, d'une desinvoltura gracieusement originale, qui ont fait le tour du monde. On conçoit donc qu'on tienne beaucoup à ne pas voir de telles valses contrefaites, un pareil nom contreporté.

      Or, voici ce qui arrive. Il y a un Strauss à Paris, ce Strauss a un frère; il y a un Strauss à Vienne, mais ce Strauss n'a point de frère; c'est la seule différence qui existe entre les deux Strauss. De là des quiproquos fort désagréables pour notre Strauss, qui dirige avec une verve digne de son nom les bals de l'Opéra-Comique et tous les bals particuliers donnés par l'aristocratie fashionnable. Dernièrement, à l'ambassade d'Autriche, un Viennois, quelque faux Viennois, à coup sûr, aborde Strauss et lui dit en langue autrichienne: «Eh bonjour, mon cher Strauss; que je suis aise de vous voir! Vous ne me reconnaissez pas? – Non, Monsieur. – Oh! je vous reconnais bien, moi, quoique vous ayez un peu engraissé; il n'y a d'ailleurs que vous pour écrire de pareilles valses. Vous seul pouvez diriger et composer ainsi un orchestre de danse; il n'y a qu'un Strauss. – Vous êtes bien bon; mais je vous assure que le Strauss de Vienne a aussi du talent. – Comment! le Strauss de Vienne? Mais c'est vous; il n'y en a pas d'autre. Je vous connais bien; vous êtes pâle, il est pâle; vous parlez autrichien, il parle autrichien; vous faites des airs de danse ravissants: – Oui. – Vous accentuez toujours le temps faible dans la mesure à trois temps. – Oh! le temps faible, c'est mon fort! – Vous avez écrit une valse intitulée le Diamant? – Etincelante! – Vous parlez hébreu? —Very well.– Et anglais? —Not at all.– C'est cela même, vous êtes Strauss; d'ailleurs votre nom est sur l'affiche? – Monsieur, encore une fois, je ne suis pas le Strauss de Vienne; il n'est pas le seul qui sache syncoper une valse et rhythmer une mélodie à contre-mesure. Je suis le Strauss de Paris; mon frère qui joue très bien du violon et que voilà là-bas, est également Strauss; le Strauss de Vienne est Strauss. Ce sont trois Strauss. – Non, il n'y a qu'un Strauss, vous voulez me mystifier.» Là-dessus le Viennois incrédule, de laisser notre Strauss fort irrité et très en peine de faire constater son identité; tellement qu'il est venu me trouver afin que je le débarrasse de cette sosimie. Donc, pour cela faire, j'affirme que le Strauss de Paris, très-pâle, parlant à merveille l'autrichien et l'hébreu, et assez mal le français, et pas du tout l'anglais, écrivant des valses entraînantes, pleines de délicieuses coquetteries rhythmiques, instrumentées on ne peut mieux, conduisant d'un air triste, mais avec un talent incontestable, son joyeux orchestre de bal; j'affirme, dis-je, que ce Strauss habite Paris depuis fort longtemps qu'il a, depuis dix ans, joué de l'alto à tous mes concerts; qu'il fait partie de l'orchestre du Théâtre-Italien; qu'il va tous les étés gagner beaucoup d'argent à Aix, à Genève, à Mayence, à Munich, partout excepté à Vienne, où il s'abstient d'aller par égard pour l'autre Strauss, qui pourtant, lui, est venu une fois à Paris.

      En conséquence, les Viennois n'ont qu'à se le tenir pour dit, garder leur Strauss et nous laisser le nôtre. Que chacun rende enfin à Strauss ce qui n'est pas à Strauss, et qu'on n'attribue plus à Strauss ce qui

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Le nom de Strauss est célèbre aujourd'hui dans toute l'Europe dansante; il est attaché à une foule de valses capricieuses, piquantes, d'un rythme neuf, d'une desinvoltura gracieusement originale, qui ont fait le tour du monde. On conçoit donc qu'on tienne beaucoup à ne pas voir de telles valses contrefaites, un pareil nom contreporté.

Or, voici ce qui arrive. Il y a un Strauss à Paris, ce Strauss a un frère; il y a un Strauss à Vienne, mais ce Strauss n'a point de frère; c'est la seule différence qui existe entre les deux Strauss. De là des quiproquos fort désagréables pour notre Strauss, qui dirige avec une verve digne de son nom les bals de l'Opéra-Comique et tous les bals particuliers donnés par l'aristocratie fashionnable. Dernièrement, à l'ambassade d'Autriche, un Viennois, quelque faux Viennois, à coup sûr, aborde Strauss et lui dit en langue autrichienne: «Eh bonjour, mon cher Strauss; que je suis aise de vous voir! Vous ne me reconnaissez pas? – Non, Monsieur. – Oh! je vous reconnais bien, moi, quoique vous ayez un peu engraissé; il n'y a d'ailleurs que vous pour écrire de pareilles valses. Vous seul pouvez diriger et composer ainsi un orchestre de danse; il n'y a qu'un Strauss. – Vous êtes bien bon; mais je vous assure que le Strauss de Vienne a aussi du talent. – Comment! le Strauss de Vienne? Mais c'est vous; il n'y en a pas d'autre. Je vous connais bien; vous êtes pâle, il est pâle; vous parlez autrichien, il parle autrichien; vous faites des airs de danse ravissants: – Oui. – Vous accentuez toujours le temps faible dans la mesure à trois temps. – Oh! le temps faible, c'est mon fort! – Vous avez écrit une valse intitulée le Diamant? – Etincelante! – Vous parlez hébreu? —Very well.– Et anglais? —Not at all.– C'est cela même, vous êtes Strauss; d'ailleurs votre nom est sur l'affiche? – Monsieur, encore une fois, je ne suis pas le Strauss de Vienne; il n'est pas le seul qui sache syncoper une valse et rhythmer une mélodie à contre-mesure. Je suis le Strauss de Paris; mon frère qui joue très bien du violon et que voilà là-bas, est également Strauss; le Strauss de Vienne est Strauss. Ce sont trois Strauss. – Non, il n'y a qu'un Strauss, vous voulez me mystifier.» Là-dessus le Viennois incrédule, de laisser notre Strauss fort irrité et très en peine de faire constater son identité; tellement qu'il est venu me trouver afin que je le débarrasse de cette sosimie. Donc, pour cela faire, j'affirme que le Strauss de Paris, très-pâle, parlant à merveille l'autrichien et l'hébreu, et assez mal le français, et pas du tout l'anglais, écrivant des valses entraînantes, pleines de délicieuses coquetteries rhythmiques, instrumentées on ne peut mieux, conduisant d'un air triste, mais avec un talent incontestable, son joyeux orchestre de bal; j'affirme, dis-je, que ce Strauss habite Paris depuis fort longtemps qu'il a, depuis dix ans, joué de l'alto à tous mes concerts; qu'il fait partie de l'orchestre du Théâtre-Italien; qu'il va tous les étés gagner beaucoup d'argent à Aix, à Genève, à Mayence, à Munich, partout excepté à Vienne, où il s'abstient d'aller par égard pour l'autre Strauss, qui pourtant, lui, est venu une fois à Paris.

En conséquence, les Viennois n'ont qu'à se le tenir pour dit, garder leur Strauss et nous laisser le nôtre. Que chacun rende enfin à Strauss ce qui n'est pas à Strauss, et qu'on n'attribue plus à Strauss ce qui est à Strauss; autrement on finirait, telle est la force des préventions, par dire que le stras de Strauss vaut mieux que le Diamant de Strauss, et que le Diamant de Strauss n'est que du stras.