Contes de l'empire Primorskoie tsarstvo. Николай Валентинович Одинцов

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Название Contes de l'empire Primorskoie tsarstvo
Автор произведения Николай Валентинович Одинцов
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Год выпуска 2023
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sa maison, or Ivan avait honte d'avouer quel Ivanouchka-L'imbécile il était en réalité et comment il passait sa vie assis près du poêle à ramasser les cendres. Alors la tsarine eut recours à la ruse. Le tsar Agaphon possédait un sceau royal, et il ne s'agissait pas d'un sceau banal mais d'un sceau enchanté. Il permettait à qui s'en servait d'apposer son emblème n'importe où, et pas n'importe comment, mais en lettres d'or. Elena subtilisa le sceau impérial en cachette et s'en vint trouver Ivanouchka. Sans qu'il le sache, elle réussit à lui imprimer le sceau d'or sur la main gauche. Le soir venu, Ivan s'aperçut de cette marque étincelante. Il la couvrit de boue et se cacha près du poêle. La tsarine le matin suivant partit de village en village escortée de soldats. En arrivant dans chaque village, elle passe en revue les mains gauches de tous les hommes dans l'espoir d'y découvrir le signe d'or. Elle arrive finalement au village d'Ivanouchka-L'imbécile. Mais elle a inspecté les mains de chacun sans trouver trace du sceau.

      – Ne reste-t-il vraiment pas encore un homme dans ce village? – demanda-t-elle.

      – Si, – lui répond-on, – il y a encore notre Ivanouchka-L'imbécile, mais il doit ramasser les cendres assis près du feu.

      La tsarine ordonna de le faire venir. Et l'on amena Ivanouchka. Vêtu de vieilles nippes, il est couvert de boue et de cendres. Non, vraiment pas la moindre ressemblance avec le jeune homme que recherchait la tsarine. Pourtant, on lui lave la main gauche et l'on découvre le sceau d'or tsarial plus aveuglant que le soleil. La tsarine ordonne alors de faire prendre un bain à ce jeune homme et de lui passer une tunique neuve. Dès qu'elle le revoit tout astiqué et vêtu de propre, Elena reconnaît l'élu de son coeur. Elle prend Ivan par la main et le conduit à son père au palais en le nommant son heureux élu. Le tsar Agaphon n'avait pas du tout envie d'un tel gendre. Mais aucune de ses tentatives ne parvint à la faire changer d'avis. Il lui promettait pourtant des cadeaux de grande valeur, ou encore il la menaçait de l'enfermer à double tour. Mais Elena Prekrasnaia s’en tenait à son choix.

      – Je me marierai avec Ivan et avec lui seul. Et si tu m'amènes un seul autre prétendant, je préviens que je lancerai nos chiens contre lui!

      Le tsar, malgré son tempérament brutal et capricieux, ne put rien faire du tout. Longtemps, cela le tourmenta, puis après tout, décida-t-il enfin, qu'il advienne ce que pourra. Les noces furent proclamées. Le royaume fêta trois jours durant l'événement.

      Désormais, Ivan ne vivait plus caché derrière le poêle mais dans les appartements du palais tsarial. Personne ne l'appelait plus jamais Ivanouchka-L'imbécile, on ne s'adressait plus à lui qu'avec respect en le nommant de son prénom et patronyme Ivan Timoféevitch.

      III

      Conte de l'epee enchantee

      Ivan se faisait sans se plaindre à sa nouvelle vie. Au début, il avait fort peu à faire. Mais par la suite, le tsar s'avisa qu'il n'était pas si bête que ça. Simplement, il avait fort peu d'instruction. Agaphon envoya donc son gendre étudier. Ivan se montra très doué pour les études. Il apprit très vite à lire et écrire et se mit à dévorer livre sur livre. Il fit des prodiges en diverses sciences et excella particulièrement en mathématiques et en navigation. Il apprit à diriger un navire, à tracer son chemin en se guidant sur les étoiles. Il se prit aussi de passion pour la chasse. Dès qu'il trouvait un moment, il courait dans la forêt traquer quelque gibier.

      Tout le monde était très satisfait d'Ivan. Il apparut bientôt intelligent et instruit. Il n'offensait jamais personne. Les gens l'aimaient. Et tous se mirent à l'appeler désormais Ivan Tsarévitch.

      Un jour, Ivan Tsarévitch partit à la chasse. Il s'élança imprudemment à la poursuite d'un renne et s'égara. Le soir le surprit perdu en pleine forêt. Ivan tenta bien d'appeler son cheval enchanté, mais Zlatibor n'entendit pas son appel étouffé par l'épaisseur des fourrés. Il lui fallut donc dormir dans les bois. Durant la nuit, son cheval soudainement effrayé par quelque bruit brisa les sangles et s'enfuit. Ivan perdit soudain courage.

      Ivan vit le jour poindre et erra au hasard. Il pensait: "Si seulement je pouvais trouver un semblant d'allée ou croiser quelqu'un en chemin", – pensait-il. Il aperçoit au même moment au beau milieu de la forêt une petite izba. Aucune allée, aucun sentier n'y mène. Ivan approche de cette izba, jette un oeil par la fenêtre et reste pétrifié. Un énorme ours assis à table face au samovar prend tranquillement son thé!

      Epouvanté, Ivan a le réflexe de fuir, mais l'ours l'a aperçu, l'a rattrapé et le traîne à l'intérieur de l'izba. Il dépose Ivan sur un banc et lui parle d'une voix très humaine:

      – N'aie pas peur de moi, passant, et raconte-moi plutôt comment tu t'es retrouvé au fin fond de cette forêt profonde?

      Surpris de ce qu'il entendait, Ivan raconta quand même comment il était arrivé à cet endroit de la forêt. L'ours, tout content d'avoir un visiteur, lui sert du thé, lui offre des confitures de framboises et du miel des bois. Plus il observe cet ours hospitalier, plus Ivan est étonné. Certes, il a l'apparence d'un ours, mais il se comporte tout comme un homme. Quand Ivan lui a tout raconté, il lui demande à son tour:

      – Mais toi, quelle drôle d'animal es-tu donc? Pourquoi ne vis-tu pas dans une grotte plutôt que dans cette izba, comment se fait-il que tu boives du thé au lieu de te lécher les pattes?

      A ces mots, l'ours s'assombrit et soupira, tête baissée:

      – Tu as raison Ivan Tsarévitch. J'étais un homme autrefois, on m'appelait Vassilii. Je travaillais au service d'un magicien qu'il y avait dans la région. C'était un très bon magicien qui ne souhaitait de mal à personne. Son rêve secret était de réussir à fabriquer une épée à laquelle pas un seul ennemi ne pourrait jamais résister. De longues années durant, il a surveillé la cuisson de la potion magique. Où ne m'a-t-il seulement pas envoyé chercher pour lui ses chères herbes et racines! Ces expéditions étaient semées de dangers et d'aventures. Mais un beau jour, le magicien se mit à l'oeuvre pour réaliser la fameuse épée. Il saisit l'épée, voulut la plonger dans le chaudron, mais l'épée s'éparpilla en poussière! "Visiblement, c'est un mauvais artisan qui l'a fabriquée!" – conclut-il. Des quantités d'épées finirent ainsi dans son chaudron, jusqu'au moment tant attendu où l'une d'elles résista et ne s'effrita pas. Alors sa mixture se mit à faire d'énormes bulles, à bouillir et à donner sa force enchantée à l'épée. Trois jours durant la mixture resta en ébullition. Et tout ce temps le magicien resta à prononcer des formules secrètes au-dessus de ses chaudrons. La première formule pour que la lame soit solide et ne se brise jamais. La seconde pour que le tranchant reste toujours finement aiguisé. La troisième pour que jamais un point de rouille ne vienne souiller l'épée enchantée. Le magicien prononçait ces formules et bien d'autres encore. Il les répéta l'une après l'autre pendant trois jours sans arrêt. Il avait tellement envie d'avoir réalisé une très bonne épée. Au bout de trois jours, il sortit le chaudron du feu. L'épée devait avoir reçu toute la force enchantée. Le magicien la sortit du chaudron et comprit que sa magie avait pleinement réussi. L'épée s'était chargée de tant d'énergie qu'elle volait elle-même dans les mains. Le magicien brandit l'épée et fendit d'un geste un énorme chêne. C'était effectivement une excellente épée! mais le magicien comprit bientôt qu'il avait fait cuire beaucoup trop longtemps sa mixture, qu'entretemps il était devenu déjà si vieux et qu'il ne pourrait jamais venir à bout d'une si forte épée. Qu'il aurait été pourtant content, mais ses forces à lui avaient hélas déjà tant baissé! Il réfléchit donc à ce qu'il pourrait faire. Puis il décida d'offrir cette merveille d'épée à qui saurait l'utiliser à de nobles fins. Mais voilà, toute la question était à présent de trouver la bonne personne! Alors le magicien se rendit au pied d'un immense chêne qui se trouvait au coeur même de la forêt. Et il planta l'épée dans le tronc jusqu'à la garde. Puis il appliqua une formule terrible et très puissante. Dès lors, seul celui qui se servirait de cette épée à de nobles fins réussirait à la sortir du tronc. Mais celui qui tenterait de s'en saisir à des fins mauvaises serait changé en bête sauvage et serait condamné à passer la fin de sa vie dans la forêt. Nombreux ceux qui vinrent ici bien résolus à repartir avec l'épée, mais aucun n'y parvint jamais. De toute évidence, certains étaient faibles