Мои воспоминания. Под властью трех царей. Елизавета Нарышкина

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Название Мои воспоминания. Под властью трех царей
Автор произведения Елизавета Нарышкина
Жанр
Серия Россия в мемуарах
Издательство
Год выпуска 0
isbn 9785444820988



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mais voilà trois jours que je cherche en vain à le voir; on me dit toujours qu’il est en ville. Faites-moi la grâce de me dire, si la grande-duchesse doit passer par cette allée, je l’attends depuis plusieurs heures pour me jeter à ses pieds et lui exposer ma demande”. Ce récit fait avec l’accent de la vérité nous toucha tous beaucoup. Fredro parla au malheureux officier avec une bienveillance qui me donna une bien bonne opinion de son coeur. Il lui dit de venir le lendemain le trouver au palais et d’y demander m-r Fredro. “Le c[om]te Fredro?” – demanda le pauvre aveugle en se decouvrant. “Oui, monsieur”, répondit Fredro en rendant son salut au malheureux qui cependant ne pouvait pas le voir. Maman promit de parler de lui à la grande-duchesse, Fredro, de faire de même à l’égard de Numers, et j’espère que ce pauvre homme sera consolé. Nous continuâmes notre promenade en silence; cette rencontre nous avait attristés. Moi pour ma part, j’y réfléchis longuement et douloureusement. A coté du luxe et de l’insouciance d’une vie heureuse, que de misères inconnues! Quel contraste avec la manière dont nous avions passé la journée avec les angoisses du pauvre homme pendant qu’il épiait la grande-duchesse pour lui adresser sa requête. Quand nous rentrâmes on se rendait aux parterres, où le thé était servi. La fraicheur de la soirée nous fit rentrer au salon. On fit de la musique, je jouai, la grande-duchesse chanta.

      Lundi 15 Juillet. Enfin, enfin, la surprise prend des formes définies. Voici ce qu’on a arrêté. Premièrement, on aura Mignon de Goethe en trois tableaux. Un air de Beethoven se trouve parfaitement adapté aux délicieuses paroles: “Kennst Du das Land”352. – Mignon sera représenté par Hélène Strandman, le barde par Jorry, Wilhelm-Meister par Jean Rumine, dont on ne verra que le chapeau caché comme il doit l’être par les arbres. Sur une estrade un tableau Italien imité du repos de Winterhalter353, sera formé par la grande-duchesse, m-me Timachef, la c[omte]sse Pouchkine354, Schérémétieff355, Sacha et moi en fait de dames et quelques hommes. Dans le second tableau, toutes les italiennes deviendront des statues à l’aide de draps de lit, de gaze roulée autour des cheveux et de force poudre de riz, sur la figure. Un clair de lune doit les éclairer d’une lumière fantastique. Enfin pour le 3-me tableau, la lumière rose de l’aurore remplacera la bleuâtre clarté de la lune, une colline sera simulée par un banc deguisé par un massif de fleurs. C’est l’arrivée des voyageurs qui appellent Mignon vers eux. Les tableaux seront suivis d’une pantomime inventée par Fredro. Une jeune personne (m-me Weymarn) aime et est aimée d’un jeune homme (Fredro), le grand-père (m-r Weymarn) consent à leur union. De joie ils exécutent une danse. La grand-mère (le c[om]te Dmitry Nesselrode) bourrue et grondeuse entre en fureur de les trouver ensemble, elle chasse le soupirant, gronde sa petite fille, bat son mari et finit par avoir une attaque de nerfs. Pour la calmer on fait venir un magnétiseur qui reussit à l’endormir. Alors le rideau du fond se lève et on voit apparaître les songes qui la bercent dans son sommeil en lui retraçant son passé. Le premier tableau la montre enfant (Sacha) jouant avec un compagnon de son âge (Jean Rumine), derrière eux leur ange gardien (la grande-duchesse) les protège et veille sur eux. Puis plusieurs tableaux représentant des scènes de la jeunesse lorsqu’un tuteur barbare veut la condamner à un mariage contre son inclination. Alors elle sera représentée par Hélène. La vieille femme sera réveillée par une sérénade, adressée à sa petite fille et chantée par Sokoloff. La grande-duchesse у répondra pour m-me Weymarn par cette délicieuse romance du c[om]te Vielhorsky “Je ne mens pas”. L’effet en sera charmant. L’influence du rêve amollit le coeur de la vieille mégère qui consent à tout et le résultat final sera une styrienne dansée par tous les personnages, et que la grande-duchesse doit nous apprendre. Pendant toute la durée de la pantomime une musique adaptée au sujet se fera entendre. Voilà le programme detaillé de la surprise qui doit être exécutée après-demain. Nous répétons avec zèle jusque-là.

      Samedi 20. Je n’écrirai qu’un mot ce soir. Je reviens de la soirée de la grande-duchesse. On a joué an secrétaire356, je m’y suis excessivement amusée. On a dit beaucoup de jolies choses, surtout Fredro, la grande-duchesse, le p[rin]ce Wiasemsky et m-r Titoff. Moi aussi j’étais en veine et plusieurs de mes réponses ont eu du succès. Aprés le secrétaire le duc mit le feu à tous les billets. Heureusement que j’ai reussi à en dérober quelques uns. Ceux-là je les garde en souvenir de cette charmante soirèe.

      Dimanche 21. Je viens de traverser un moment des plus énivrants, un moment de triomphe de jouissance dont je me rappellerai toute ma vie. Nous dinâmes aujourd’hui à la Кавалерская avec Boris, Jorry et Numers. Le reste de la société avait été engagé chez la grande-duchesse. Aprés le dîner, Boris trouva mes vers sur le bal, que j’avais copiés pour maman et qu’elle avait laissés sur sa table de toilette. S’en emparer, s’enfuir avec ne fut pour lui que l’affaire d’un instant. Le moment suivant me vit courir après lui pour lui enlever le papier. Nous arrivâmes ainsi, moi le poursuivant sur le balcon, juste au moment où la société revenant en bande du dîner de la grande-duchesse passait devant nous. “Comte Fredro, comte Fredro, voulez vous lire les vers de ma soeur?” – cria Boris à tue-tête. Et dans un moment Fredro attrappait le papier et se disposait à le lire. “C[om]te Fredro, je vous en supplie, ne le lisez pas! rendez-le moi”, – criai-je de toutes mes forces. Mais Fredro ne voulut rien entendre et et se mit à lire tout haut le reste de la société en cercle autour de lui. Je ne pouvais rien faire! J’étais au comble de la confusion, je me tus, je fis comme les autres, j’écoutai. Fredro lisait cependant, il lisait avec expression d’approbation, qu’un murmure confirmait. Je suivais avec avidité chacune des paroles, qui sortaient de sa bouche. Mes vers me semblèrent mélodieux, un horizon sans bornes s’ouvrait devant moi, une jouissance pure enivrante faisait frémir mon âme, je me sentais poète enfin! Et cette conviction descendit sur moi avec son auréole que le monde ne connait pas, car il ne donne rien qui у ressemble. Le сiel, le soleil couchant, dont les rayons jouaient avec les arbres, la brise qui caressait mon visage tout semblait m’inviter à un commerce doux fraternel, car l’âme poetique et les merveilles de la nature vivent dans un accord plein d’harmonie. Pendant que j’éprouvais ces différents sentiments Fredro avait fini de lire. II monta chez nous. “Princesse, me dit il, je ne puis pas vous remercier de m’avoir laissé lire vos vers, car assurément il est impossible d’avoir mis plus de mauvaise grâce à accorder cette permission, que vous ne l’avez fait, mais je remercie votre frère pour la jouissance qu’il vient de me procurer”. Fredro me dit encore bien des choses du même genre, j’en fus enivrée, j’en fus heureuse et je m’enfuis pour le confier à l’heure même à ce cher et discret confident. Suis-je vraiment poète? Ah! Сe don serait trop divin pour mon âme!

      Lundi 28 Juillet. Fredro nous parle de sa tristesse de quitter Oranienbaum. “Je ne puis vous exprimer, – nous dit-il, – la peine que j’éprouve à quitter cet Eldorado ce paradis sur la terre, où on est à l’abri de toutes les préoccupations de la vie, de toute inimitié de la part des hommes, où les plus graves soucis qu’on ait sont les craintes de n’avoir pas assez de fleurs pour les tableaux”. La tristesse de Fredro me gagna, je me sentis d’une mélancolie vague, qui me suivit dans mes lectures. En effet c’est avec chagrin, que je vois la fin des bonnes relations, qui nous ont unis cet été. Deux jours restent encore, car le 25 la grande-duchesse part pour Strelitz et nous pour la ville d’abord et puis pour Stepanowsky. “Adieu, – me dit Fredro, en partant,– conservez moi un bon souvenir, et cultivez votre bien bien beau talent. N’arrêtez jamais l’essor de votre inspiration, lorsqu’elle se fera sentir et dans ces moments pensez un peu à moi”. Ce soir nous eûmes une longue conversation très confiante avec Hélène Strandman. Elle me dit que j’étais très dissimulée que je cachais avec soin mes sentiments et mes actions même les plus simples, que j’étais énormément exaltée et qu’il у avait dans mon caractère de quoi souffrir beaucoup. Elle a peut être raison, mais je m’étonne qu’elle l’ait compris.

      Jeudi 25. Je reviens dans notre Кавалерский корпус, après avoir reconduits



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Песня Миньоны из романа Гете «Ученические годы Вильгельма Мейстера».

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Речь идет о картине Ф.К. Винтергальтера 1836 г. «Il dolce far niente» («Сладостное ничегонеделание»), где изображены итальянские крестьяне, отдыхающие в полдень.

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Графиня О.А. Мусина-Пушкина, родная сестра Е.А. Тимашевой.

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Графиня С.А. Шереметева.

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Игра в секретаря (фр.) заключалась в том, что каждый участник записывал на отдельном листе названия двух предметов или явлений; записки складывали в коробку, тщательно перемешивали и тащили по жребию. Нужно было указать сходство и различия между понятиями, написанными на доставшемся игроку листе. Тот, кто придумывал самый остроумный ответ, избирался «королем секретарей» и распоряжался вечером. Об увлечении этой игрой в кругу великой княгини Елены Павловны сообщает графиня М.Э. Клейнмихель: «Иногда играли в “секретаря”, и в этой игре большей частью принимали участие жена португальского посла, графиня Мойра, французский посол Карл де Талейран, Щербачев, граф Фредро и сама великая княгиня, отличавшаяся блестящим остроумием. Император Александр II, очень уважавший свою тетку, любил эту игру, но не принимал в ней участия. Он добродушно улыбался, и его очень забавляли остроумные надписи на маленьких записках, в которых, конечно, не встречалось ничего двусмысленного, ничего, могущего кого-либо задеть» (Клейнмихель М.Э. Из потонувшего мира. Мемуары. Берлин, б.г. С. 57).