Название | Blanche et Bleue ou les deux couleuvres-fées, |
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Автор произведения | Anonymous |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066080426 |
—Monsieur, lui répondit Wang-touan, il faut que nous nous hâtions de nous en retourner, de peur de causer de l'inquiétude à M. Wang.
—Je sais ce que j'ai à faire, repartit Hân-wen.»
Wang-touan partit donc seul, et reporta à la maison la boîte dont il était chargé.
Hân-wen se dirigea vers le lac Si-hou, et, après avoir parcouru plusieurs lis, il se trouva aux bords du fleuve Kiang. Il monta sur une barque, et arriva bientôt au lac Si-hou. Il découvre de loin de riches palais ornés d'élégants pavillons à doubles étages, et le lac Si-hou déroule devant lui ses eaux transparentes que sillonnent des milliers de barques, couvertes de sculptures et étincelant des plus vives couleurs. Des groupes joyeux allaient, venaient, et se croisaient sans interruption.
Hân-wen est transporté de joie, et ne peut suffire à contempler les merveilles qui s'offrent de toutes parts. Soudain il aperçoit deux jeunes filles qui étaient arrêtées au milieu du pont, et se plaisaient à prendre part au spectacle riant et varié que présentait le lac.
A peine Hân-wen a-t-il arrêté ses yeux sur elles, que ses esprits se troublent et sa raison s'égare.
Une coiffure légère, comme un nuage diaphane, caressait leurs noirs cheveux, leur taille était svelte et gracieuse, et leur figure brillait de tous les charmes de la jeunesse et de la beauté. On les eût prises pour les filles de Wang-tsiang et de Si-ché; elles auraient éclipsé les deux Kiao, dont le nom retentit encore à l'orient du fleuve Kiang.
On pouvait juger, d'après leur costume, que l'une était la maîtresse et l'autre sa servante; mais la première éclipsait sa compagne par la grâce et l'éclat de sa figure.
Hân-wen se sent pénétré d'une flamme soudaine; il ne se possède plus, et ressemble, comme dit le proverbe, «à un lion placé devant un brasier ardent.» Des coups d'œil passionnés sont lancés et rendus de part et d'autre. Hân-wen fixe ses regards sur les deux jeunes beautés, et ne peut se lasser de les voir et de les admirer.
Le lecteur demandera sans doute quelles étaient ces deux jeunes filles. C'étaient la Couleuvre blanche et la Couleuvre bleue que nous avons vues naguère dans le jardin fleuri du palais de Kieou-wang.
Cette promenade, sur les bords du lac Si-hou, n'était point un événement fortuit; elle devait fournir à Hân-wen l'occasion de contracter un mariage que le ciel avait arrêté depuis cinq cents ans. Cette première entrevue avait formé entre eux un lien indissoluble.
Les deux fées se sentent émues à leur tour en voyant la figure riante et fleurie de Hân-wen, sa tournure noble et aisée, et les agréments répandus sur toute sa personne; elles le regardent furtivement, et laissent lire dans leurs yeux les sentiments qui les animent.
Mais tandis qu'ils étaient occupés à s'observer tendrement de part et d'autre, tout à coup le ciel se couvre de nuages sombres, le vent et la pluie fondent à la fois sur les joyeux promeneurs; chacun se sépare, et s'enfuit pour chercher un abri contre la tempête.
Hân-wen ne peut oublier l'émotion que lui a causée la vue des deux fées. «J'ignore, se dit-il en lui-même, où demeurent et à quelle famille appartiennent ces deux jeunes filles, si fraîches et si séduisantes! Quel malheur que le maître du ciel ait envoyé cette pluie fatale, qui m'empêche de voler sur leurs pas et de m'informer du lieu de leur naissance! Voici la nuit qui s'approche; il faut que je traverse le fleuve, et que j'aille à Tsien-tang, dans la maison de ma sœur, pour y passer la nuit. Demain matin, je reviendrai ici pour obtenir les renseignements qui m'intéressent.» En ce moment, Hân-wen oublia que M. Wang l'attendait avec anxiété; et, aveuglé par sa passion, il foula aux pieds les bienfaits qu'il avait reçus de lui.
Bientôt il arrive aux bords du fleuve Kiang; il aperçoit une petite barque qui était à l'ancre, et appelle le batelier. «Faites-moi vite passer le fleuve, lui dit-il; je vous donnerai de quoi boire.» A ces mots, le batelier conduit sa barque à bord, et vient prendre Hân-wen.
A peine avaient-ils vogué pendant quelques instants, qu'ils entendent des voix de femmes qui demandaient à passer le fleuve. Hân-wen lève la tête, et reconnaît les deux jeunes filles qu'il avait vues sur le pont du lac Si-hou. Son cœur bondit de joie; il s'approche avec empressement du batelier. «Voyez-vous là-bas ces deux jeunes femmes? lui dit-il; elles vous crient de les recevoir dans votre barque. Hâtez-vous de vous rapprocher du bord, et de leur faire passer le fleuve; il y a de l'argent à gagner.»
A ces mots, le visage du vieux batelier s'épanouit de joie, et en un instant il ramena son bateau au rivage. La petite Bleue donne la main à Blanche pour l'aider à descendre dans la barque, et la prie à plusieurs reprises de marcher avec précaution. Blanche se plaît à faire briller tous ses attraits, et ses joues se colorent d'une feinte rougeur; elle va s'asseoir au bord du bateau. La petite Bleue reconnaît Hân-wen, et le regarde avec un gracieux sourire. Hân-wen n'est plus maître de son émotion; et, leur adressant le premier la parole: «Mesdemoiselles, leur dit-il, quel est votre pays, quel est le nom célèbre de votre famille, quel est votre noble surnom, où désirez-vous aller sur ce bateau?
—Monsieur, lui dit la petite Bleue en souriant, ma maîtresse habite la ville de Tsien-tang; sa maison est située dans la rue des Deux-Thés. Son père était jadis gouverneur général des frontières; il n'eut qu'une fille: c'est elle que vous voyez devant vous. Son père et sa mère tombèrent malades l'un après l'autre, et se suivirent dans la tombe. Nous trouvant à l'époque heureuse qu'on appelle Tsing-ming, je suis allée sur la montagne avec ma maîtresse pour déposer des offrandes funèbres sur les tombes de ses parents. En revenant, nous nous sommes arrêtées sur les bords charmants du lac Si-hou; mais tout à coup est survenue une pluie violente qui a inondé les chemins, et les a rendus impraticables. Voilà le motif qui nous a engagées à monter sur cette barque pour retourner chez nous. A mon tour, monsieur, j'oserai vous demander quel est votre divin pays, votre célèbre nom de famille et votre illustre surnom; je vous prie de daigner satisfaire ma juste impatience.
—Et moi aussi, lui répondit Hân-wen, je suis né dans la ville de Tsien-tang. Mon nom de famille est Hiu; mon surnom est Sien, et mon nom honorifique Hân-wen: j'ai maintenant dix-sept ans accomplis. Il y a long-temps que mon père et ma mère ont quitté ce monde, et je suis resté avec ma sœur aînée, qui a épousé un habitant de la même ville, nommé M. Li. Le mari de ma sœur me comble de bontés; il m'a mis en apprentissage chez M. Wang, qui tient une pharmacie dans la rue de Hoaï-tsing. Aujourd'hui, j'étais sorti pour visiter les tombes de mes parents; et, profitant de cette occasion, je suis allé me promener sur les bords du lac Si-hou. Mais soudain le ciel a laissé tomber des torrents de pluie; et, comme les chemins étaient devenus difficiles, je suis monté sur ce bateau pour m'en retourner chez moi.»
Tout en causant, ils touchèrent promptement le bord, et débarquèrent ensemble; puis ils payèrent le batelier. Celui-ci reçut l'argent d'un air joyeux; et, après les avoir remerciés, il alla attacher son bateau au pied des saules qui ombrageaient le rivage. C'est ici l'occasion de dire, avec le poète:[15]
Songez seulement à enlever la neige qui blanchit le seuil de votre porte, et ne faites nulle attention au givre qui couvre la maison de votre voisin.
Hân-wen voit une pluie fine et pressée qui tombait sans interruption. «Mademoiselle, dit-il à la petite Bleue, votre serviteur a un parapluie; permettez-lui de vous le prêter, afin que vous en couvriez votre maîtresse jusqu'à son hôtel.» A ces mots, il présente son parapluie à la petite Bleue, qui le reçoit avec les marques de la plus vive gratitude.
«Monsieur,