Название | Les voyageurs du XIXe siècle |
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Автор произведения | Jules Verne |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066074371 |
Réception de la mission.
(Fac-simile. Gravure ancienne.) (Page 84.)
En six jours furent parcourus les cent quatre-vingts milles qui séparaient Mora de Kouka. Denham reçut dans cette dernière ville un bienveillant accueil du cheik El-Khanemi, qui lui envoya, pour remplacer sa garde-robe perdue, un vêtement à la mode du pays.
A peine le major était-il remis de ses blessures et de ses fatigues qu'il prenait part à une nouvelle expédition que le cheik envoyait dans le Monga, pays situé à l'ouest du lac Tchad, dont les habitants n'avaient jamais complètement reconnu sa suprématie et refusaient de payer tribut.
Lancier du sultan de Begharmi.
(Fac-simile. Gravure ancienne.)
Denham et le docteur Oudney partirent de Kouka le 22 mai, traversèrent le Yeou, rivière presque à sec en cette saison, mais très grosse au moment des pluies, visitèrent Birnie et les ruines du vieux Birnie, ancienne capitale du pays, qui pouvait contenir jusqu'à deux cent mille individus. Ce furent ensuite les restes de Gambarou, aux édifices magnifiques, résidence favorite de l'ancien sultan, détruite par les Felatahs, puis Kabchary, Bassecour, Bately, et tant d'autres villes ou villages, dont la nombreuse population se soumit sans résistance au sultan du Bornou.
L'hivernage ne fut pas favorable aux membres de la mission. Clapperton avait une fièvre terrible. L'état du docteur Oudney, déjà malade de la poitrine au départ d'Angleterre, empirait tous les jours. Le charpentier Hillman était dans un état désespéré. Seul, Denham résistait encore.
Dès que la saison des pluies tira vers sa fin, le 14 décembre, Clapperton partit avec le docteur Oudney pour Kano. Nous aurons bientôt à le suivre dans cette partie si intéressante du voyage.
Sept jours après, un enseigne nommé Toole arrivait à Kouka, n'ayant mis que trois mois et quatorze jours pour venir de Tripoli.
Au mois de février 1824, Denham et Toole firent une course dans le Loggoun, à l'extrémité méridionale du lac Tchad. Toute la partie voisine du lac et de son affluent, le Chary, est marécageuse et inondée pendant la saison des pluies. Le climat excessivement malsain de cette région fut fatal au jeune Toole, qui mourut le 26 février, à Angala; il n'avait pas encore vingt-deux ans. Persévérant, intrépide, gai, obligeant, doué de sang-froid et de prudence, Toole possédait les qualités qui distinguent le véritable voyageur.
Le Loggoun était alors un pays très peu connu, que ne parcouraient pas les caravanes, et dont la capitale, Kernok, ne comptait pas moins de quinze mille habitants. C'est un peuple plus beau, plus intelligent que les Bornouens,—cela est vrai surtout pour les femmes,—très laborieux, qui fabrique des toiles très belles et du tissu le plus serré.
La présentation obligée au sultan se termina, après un échange de bonnes paroles et l'acceptation de riches présents, par cette offre singulière de la part d'un sultan à un voyageur: «Si tu es venu pour acheter des femmes esclaves, ce n'est pas la peine que tu ailles plus loin, je te les vendrai aussi bon marché que qui que ce soit.» Denham eut grand'peine à faire comprendre à ce souverain industriel que tel n'était pas le but de son voyage et que le seul amour de la science avait dirigé ses pas.
Le 2 mars, Denham était de retour à Kouka, et, le 20 mai, il voyait arriver le lieutenant Tyrwhit, qui, porteur de riches présents pour le cheik, devait résider au Bornou en qualité de consul.
Après une dernière razzia vers Manou, la capitale du Kanem, et chez les Dogganah, qui habitaient autrefois dans les environs du lac Fitri, le 16 août, le major reprenait avec Clapperton la route du Fezzan, et il rentrait à Tripoli, après un long et pénible voyage dont les résultats géographiques, déjà considérables, avaient été singulièrement augmentés par Clapperton.
Il est temps, en effet, de raconter les incidents de voyage et les découvertes de cet officier. Parti, le 14 décembre 1823, avec le docteur Oudney pour Kano, grande ville des Felatahs située à l'ouest du Tchad, Clapperton avait suivi le Yeou jusqu'à Damasak, et visité le vieux Birnie, Bera, située sur les bords d'un lac superbe formé des débordements du Yeou, Dogamou, Bekidarfi, cités qui font presque toutes partie du Haoussa. Les habitants de cette province, qui étaient très nombreux avant l'invasion des Felatahs, sont armés d'arcs et de flèches, et font le commerce de tabac, de noix, de gouro, d'antimoine, de peaux de chèvres tannées, de toile de coton en pièces ou en vêtements.
La caravane abandonna bientôt le cours du Yeou ou Gambarou pour s'avancer dans une contrée boisée, qui doit être complètement inondée pendant la saison des pluies.
Les voyageurs entrèrent ensuite dans la province de Katagoum, dont le gouverneur les reçut avec beaucoup d'affabilité, leur assurant que leur arrivée était une véritable fête pour lui et qu'elle serait on ne peut plus agréable au sultan des Felatahs, qui n'avait jamais vu d'Anglais. Il leur affirmait en même temps qu'ils trouveraient chez lui, comme à Kouka, tout ce qui leur serait nécessaire.
La seule chose qui l'étonnât profondément, c'était de savoir que les voyageurs ne voulaient ni esclaves, ni chevaux, ni argent, qu'ils ne demandaient, avec son amitié, que la permission de cueillir des fleurs et des plantes et l'autorisation de visiter le pays.
Katagoum est située par 12° 17´ 11´´ de latitude et environ 12° de longitude, d'après les observations de Clapperton. Cette province formait la frontière du Bornou avant la conquête des Felatahs. Elle peut mettre sur pied quatre mille hommes de cavalerie et deux mille fantassins armés d'arcs, d'épées et de lances. Elle produit du grain et des bœufs, qui sont, avec les esclaves, les principaux articles de commerce. Quant à la ville même, c'était la plus forte que les Anglais eussent vue depuis Tripoli. Percée de portes qu'on fermait tous les soirs, elle était défendue par deux murs parallèles et trois fossés à sec, un intérieur, un autre extérieur, et un troisième creusé entre les deux murailles hautes de vingt pieds et larges de dix à la base. D'ailleurs, aucun autre monument qu'une mosquée en ruines dans cette ville aux maisons de terre, qui peut renfermer sept à huit mille habitants.
C'est là que, pour la première fois, les Anglais virent les cauris servir de monnaie. Jusqu'alors, la toile du pays ou quelque autre article avait été l'unique terme des échanges.
Au sud de la province de Katagoum est situé le pays de Yacoba, que les musulmans désignent sous le nom de Mouchy. D'après les rapports que Clapperton reçut, les habitants de cette province, hérissée de montagnes calcaires, seraient anthropophages. Cependant, les musulmans, qui ont une invincible horreur pour les Kaffirs, ne donnent d'autre preuve à cette accusation que d'avoir vu des têtes et des membres humains pendus aux murs des habitations.
C'est dans le Yacoba que prendrait sa source l'Yeou, rivière complètement à sec pendant l'été, mais dont les eaux, pendant la saison des pluies, au dire des habitants, croissent et diminuent alternativement tous les sept jours.
«Le 11 janvier, dit Clapperton, nous continuâmes notre voyage, mais, à midi, il fallut nous arrêter à Mourmour. Le docteur était dans un tel état de faiblesse et d'épuisement que je n'espérais pas qu'il pût y résister un jour de plus. Il dépérissait journellement depuis notre départ des montagnes d'Obarri, dans le Fezzan, où il avait été attaqué d'une inflammation à la gorge pour s'être exposé à un courant d'air pendant qu'il était en transpiration.
«12 janvier.—Le docteur prit, au point du jour, une tasse de café et, d'après son désir, je fis charger les chameaux. Je l'aidai ensuite à s'habiller et, soutenu par son domestique, il sortit de la tente. Mais, à l'instant où l'on allait le placer sur le chameau, j'aperçus dans tous ses traits l'affreuse empreinte de la