La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung. Рихард Вагнер

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Название La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung
Автор произведения Рихард Вагнер
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066079079



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du trop pur génie mort est seul à se défendre contre eux! Quelle conspiration tacite, instinctive, pour faire ou pour laisser descendre à leur portée les conceptions de Richard Wagner, pour se spécialiser, pour se clapir chacun dans sa propre incompréhension, pour se congratuler entre eux d'admirer sans avoir compris, et de nous avoir—tel est leur crime, et l'inconscience est leur excuse,—proposé comme fidèles, et souvent imposé, leurs caricatures bien intentionnées!

      Que si tonnent ou détonnent des voix pour objecter: «Après tout, jeune énergumène, ces conceptions de votre Wagner sont des conceptions dramatiques: et, pourvu donc qu'on les représente...»—Oui! répliquera l'«énergumène», oui, des conceptions dramatiques! Des conceptions dramatiques certes! Mais c'est donc pour ne pas entendre que vous aviez des oreilles, lorsqu'à l'instant l'énergumène vous parlait nettement d'Art Nouveau (d'Art renouvelé, sans doute, eût été mieux exact)? Des oreilles, ah! vous en aviez pour entendre, ah! vous entendiez; mais écouter, voilà de quoi vous vous êtes passés: serait-ce que vous n'en êtes plus capables? Vous imaginez-vous qu'il s'agisse, par hasard, de je ne sais quel ronron sonore de paradoxe pour parade, agrémenté de sonneries de clairon, d'éternûments de cymbales et de canonnades de gong! Il s'agit de vérité, d'une vérité sérieuse, à dégager des «ouï-dire»: des falbalas de poupée, des fards de carnaval, et des corsets de prostituée, dont on a tour à tour cherché à déguiser, à maquiller, à déformer son éblouissante nudité de Belle-au-Drame-dormant sans défense. Il s'agit de vérité, d'une vérité sérieuse: vitalement, mortellement sérieuse! Car, pour dramatiques qu'elles soient en effet, les conceptions de Richard Wagner, à dater de la Tétralogie, y compris la Tétralogie, n'en demeurent pas moins inséparables de ses idées personnelles sur l'essence de l'Art, sur le but de l'Art; inséparables, affirmerai-je, de ses efforts pour démontrer que l'Art est la plus sacrée des choses, et, sous la forme du Théâtre, investissant d'une intense vie les plus cachés des sentiments, des émotions ou des passions, peut arracher un peuple d'hommes aux vulgaires intérêts qui les occupent tout le jour[19-1], pour rendre intelligibles, à ce peuple rassemblé, les plus hautes comme les plus profondes parmi les fins de l'humanité[19-2].

      Et que nul a priori n'ose ici chuchoter les inopportuns mots de «système» ou de pièces-à-thèse: supposer qu'après la lecture, et surtout après la représentation de n'importe quel Drame de Richard Wagner, n'importe quel homme pourrait classer ce Drame au nombre des pièces dites à thèse, enfantines anecdotes soufflées dignes de toute indignité, jamais d'un tel excès d'honneur,—ce serait faire à l'esprit critique ou bien à la bonne foi des uns, comme à l'intuition des autres, une injure gratuite autant qu'inutile. S'obstiner systématiquement à radoter du «système» de Richard Wagner, ce serait oublier que toute sa vie Wagner, avec une légitime fureur, s'est proclamé du monde l'homme le plus ignorant de ce que peut être ce «système». Et comment ne l'en croirait-on pas sur sa parole? Comment, lui qui toujours fut Artiste, et rien de plus (et qu'est-ce qu'on peut être de plus?), comment n'eût-il pas ignoré ce que peut bien être ce «système»? «Système» est vite dit, mais qu'est-ce que «système»? Par déduction, par induction, par toute quelconque méthode logique, arbitraire et présomptueuse, un esprit didactique, en son futile dédain des révélations inspirées, saura jour après jour édifier un «système», au moyen de matériaux choisis, cimentés par des raisonnements, sur un fonds de plausibilités phénoménales: après quoi sa royale raison condescendante voudra bien faire l'honneur au monde,—Choses, Nature, Vie Universelle,—de l'adapter, à son «système»! Maintenant donc, si c'est cela «système», nommera-t-on de ce vocable odieux les idées d'un Richard Wagner, en dépit d'un Richard Wagner? des idées issues, comme l'Artiste même, comme sa Musique et comme ses Drames, de la Réalité des Choses, des Profondeurs de la Nature, et du Cœur palpitant de la Vie Universelle! Plutôt dire que l'Art (qui, toujours, sait ce que souvent l'Artiste ignore)[20-1] lui révéla progressivement les horizons d'un nouveau monde, pressenti mais inexploré,—où Wagner lui-même éprouva le besoin de s'orienter et de se recueillir, pour son propre compte et tout seul, avant de révéler à son tour, aux hommes sceptiques de l'ancien monde, la merveille de sa découverte.

      Or je pose que révélateurs de cette merveille, ses Drames le sont! Ils le sont—à la condition sine qua non d'être exécutés comme il sied. Ils le sont—à la condition que les interprètes, à force de renoncement et de foi, méritent la descente, sur leurs têtes, des apostoliques langues de flamme, afin de pouvoir parler au Peuple[21-1], au cœur du Peuple, inconsciemment, l'idiome spirituel qui les en rendrait maîtres. Ils le sont—à la condition que ces interprètes, les acteurs comme les musiciens, les décorateurs comme les machinistes, ainsi devenus dignes du Drame, trouvent alors devant eux des gens rassemblés pour se «distraire», soit, mais pour se noblement «distraire», au sens le plus élevé du mot: c'est-à-dire pour s'abandonner sans réticences, sans infatuation critique, à l'ingénuité de leurs propres impressions, au lieu de chercher dans l'Œuvre d'Art tout autre chose que l'Œuvre d'Art, tout,—excepté cette Œuvre elle-même! Ces représentations idéales, par des interprètes idéals, devant un Public idéal, pour un Public dont le goût n'ait pas été faussé, tour à tour, par des habitudes, seconde nature contre nature, et par des conventions, et par des prétentions, et par des perversions, et par des concessions: ces représentations idéales, devant un Public idéal, pour un Public de Foule et de Peuple[22-1] si l'on veut, connaisseur,—mais de son ignorance, et par là propre à tout recevoir, à tout admettre, à tout sentir, à tout comprendre, à tout écouter jusqu'au bout la bouche béante, mais l'âme aussi, à ne se jamais scandaliser si le musicien comme le poète le veulent intéresser au Drame plutôt qu'aux interprètes du Drame; ces représentations idéales, révélatrices de l'Art nouveau découvert par Richard Wagner, révélatrices de ses idées mieux que toutes ses œuvres théoriques,—il n'y a plus à les espérer pour le moment.

      Non qu'elles soient irréalisables, et la preuve, c'est qu'il est au monde une ville où l'effort des Barbares, l'hostilité des scènes allemandes, la vanité des interprètes, l'inintelligence des publics et le scepticisme de la presse n'empêchent point qu'elles se réalisent! Réalisables, elles le seraient donc, en Allemagne, en France et partout, mais il faudrait que certains, pour les organiser, consentissent d'abord à s'instruire, à toutes grandes ouvrir leurs petites cervelles au souci de savoir de quoi il s'agit. Il faudrait que fût voulu, par tout un peuple d'âmes, l'Art nouveau qu'a voulu Wagner: et comment voudront-ils, s'ils ne savent pas d'abord? et comment sauront-ils, s'ils ne veulent pas savoir? Ah! s'ils voulaient savoir, seulement! Car tout est là. Quand ils auraient appris qu'il fallut à Wagner des années pour s'orienter, pour prendre conscience de son but, pour pouvoir arriver lui-même, minorité d'un contre tous, à la volonté d'y viser,—sans doute se résigneraient-ils à poser leurs pieds dans ses pas, à suivre, vestige à vestige, l'âpre sentier qu'il a frayé; par la connaissance de sa vie, ils s'initieraient peu à peu à l'évolution de ses idées; par l'évolution de ses idées, aux causes de cette évolution; par l'intelligence de ces causes, à l'incompatibilité qui définitivement existe entre d'une part l'aménagement de nos représentations dramatiques, et d'autre part l'économie, formelle, foncière et générale, des conceptions de Richard Wagner à dater de la Tétralogie. Et alors, ils comprendraient bien et reconnaîtraient: que jamais, en bafouant Wagner, on n'a fait à Wagner un plus indigne outrage qu'en l'admirant de certaine manière, en représentant, de certaine manière, tel Drame inutile à nommer; alors, peut-être voudraient-ils des représentations idéales, par des interprètes idéals, ailleurs qu'en une ville bavaroise, où tout le monde, à la fin du compte, ne peut pas se rendre!

      Mais quoi! nous en sommes au même point qu'à l'époque où sollicité d'exposer ses idées sur l'Art, désireux d'éviter toute phrase trop didactique, Wagner, en 1860, vit surtout dans une traduction (qu'on lui réclamait en même temps) de ses Quatre Poèmes d'«opéras», le moyen de compléter cet exposé d'idées; de faciliter à des Français l'intelligence de ses principes,—sur le Drame-Musical-Poétique et Plastique,—en rendant possible, à ces mêmes Français, la lecture, l'étude, la méditation de quatre exemples de ce Drame, applications concrètes de ses principes abstraits. Quand je dis que nous en sommes au même point, c'est de notre ignorance que je parle; car, si cette ignorance des principes