La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung. Рихард Вагнер

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Название La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung
Автор произведения Рихард Вагнер
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066079079



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sans s'y asservir néanmoins, à s'élever finalement, appuyés sur celle-ci, jusqu'à la conception d'une forme aussi complète: neuve, idéale, purement humaine; bien nationale par son branchement, mais affranchie de toute entrave de mœurs nationales contingentes; et par suite accessible,—en Allemagne, hors d'Allemagne, et maintenant, et toujours,—à toute intelligence, à toute âme, à tout homme?

      Que si la variété des langues européennes interdisait, à qui que ce fût, l'espoir de réussir à jamais opérer, par une forme nationale uniquement littéraire, cet international effet, la Musique n'est-elle pas, en revanche, une langue intelligible à tous, sans traduction? Et la Plastique? De même! Et la Mimique? De même! La forme allemande cherchée, nationale par l'idiome, serait donc, en outre, musicale; elle serait encore plastique, dramatique et mimique: car si d'une part, on ne peut le nier, la Musique est «la langue souveraine, qui, résolvant toutes les idées en sentiments, offre un organe universel de ce que l'intuition de l'artiste a de plus intime»,—d'autre part cet organe, quelle qu'en soit la puissance, ne saurait par lui-même atteindre à cette clarté que la représentation théâtrale, comme un privilège exclusif, dispute à l'art de la Peinture[61-2].

      Au Wagner qui rêvait d'instaurer une telle forme, on conçoit quel «poignant ennui»[62-1] devait causer celle de l'opéra (ou plutôt du produit hybride et dévoyé que l'Allemagne avait fait de l'opéra). Désespoir de n'y jamais voir la Musique s'enlacer au Drame, pour constituer un tout vaste, indivisible et continu; désenchantement d'y découvrir, dans des œuvres de premier ordre, certaines choses toutes conventionnelles, déconcertantes d'absurdité[62-2]; stupeur de discerner, jusque chez un Weber, plus d'une prudente concession faite; détresse d'être chaque jour enfermé davantage, comme kapellmeister du théâtre de Dresde, dans le cercle magique du genre où il voyait tout l'opposé de l'idéal qui le remplissait,—tant de sentiments décourageants, loin de rebuter Richard Wagner, avaient fini par l'exalter: quoi! c'était au moment où il apercevait la possibilité de créer, non plus, par quelque «sûr instinct», des à-peu-près de chefs-d'œuvre comme Tannhäuser, mais, avec pleine conscience, des œuvres plus parfaites, c'était à ce moment-là que plus d'un s'avisait de juger excessives ses partielles audaces antérieures, devenues insuffisantes pour lui! L'heure devait venir et vint où bien plus, après tout, que les pires suites éventuelles d'un coup d'éclat définitif, le malaise de l'artiste, à force d'augmenter, lui paraîtrait «insupportable», et lui parut en effet tel: «Enfin je dus comprendre, clairement, dans quel but on cultive le théâtre moderne... en particulier l'opéra»[63-1]; et cette constatation l'emplit d'un tel dégoût, qu'abjurant tout essai de réforme, incapable de transiger, obligé de s'avouer que s'il ne transigeait pas, il lui faudrait tôt ou tard rompre, et rompre sans esprit de retour, avec ce genre «frivole», «équivoque» et mondain, il commença de chercher suivant quelles conditions se devrait consommer cette rupture.

      Car rompre, c'était bien, rompre étant nécessaire: mais ensuite? Rompre n'est pas tout: rompre est un acte négatif, et ce n'est pas négative qu'est la mission de l'Artiste. Qu'il puisse avoir à rompre, à détruire, c'est son droit: son devoir n'en est pas moins de créer, comme la Vie même, qui jusque sur des ruines s'affirme, et d'autant mieux. Or si en général, pour accomplir ce devoir, l'Artiste a peu besoin de réfléchir, c'est qu'aussi n'existe-t-il guère d'antagonisme, en général, entre ses personnelles tendances intuitives et les moyens de les exprimer, qui lui sont fournis par l'étude d'une technique toute constituée[64-1]. Il n'en allait pas de même dans le cas de Richard Wagner; ici l'antagonisme existait péremptoire, et d'autant plus poignant que Wagner, étant un auteur dramatique, ayant besoin, pour réaliser intégralement ses conceptions, non pas seulement d'organes passifs, inanimés, mais encore d'un ensemble actif de forces artistiques vivantes, se sentait davantage à la merci des lois toutes particulières du théâtre, telles qu'il les trouvait établies[64-2]; et, puisqu'il les jugeait mauvaises et les croyait irréformables, se voyait mieux réduit à cette alternative: ou renoncer à l'espoir, pour ses œuvres futures, de la représentation scénique: ou les rendre scéniques en usant, malgré soi, des moyens d'expression convenus, conventionnels, destinés à des fins tout antiwagnériennes. Du moment qu'il n'optait ni pour l'un ni pour l'autre, il fallait bien que Wagner usât d'une forme à soi; pour en user, qu'il la créât; pour la créer, qu'il réfléchît. Au surplus, quelque répugnance qu'il éprouvât,—en dépit des instincts de sa race philosopheuse[64-3],—pour la méditation abstraite, un motif que je vais dire eût été suffisant pour lui faire une nécessité d'arriver à la certitude d'une prompte solution rationnelle: Wagner était d'abord poète; il était d'abord dramaturge: il en résultait que les idées, les sujets, les canevas de poèmes ne lui faisant jamais défaut (dans les quelques années qui suivirent Lohengrin, il en aurait eu plutôt trop[65-1]), certains de ces sujets l'obsédaient, hantaient son imagination, jusqu'à ne lui laisser aucun repos qu'ils n'eussent été dramatisés; et comme, poète et dramaturge, il était encore musicien, comme il ne concevait, n'esquissait, ne versifiait, ne dramatisait, qu'à seule fin de compléter ensuite musicalement, il constatait qu'aussi longtemps qu'il n'aurait trouvé, musicien, une forme musicale nouvelle, il resterait condamné, poète, à mesure que tour à tour ces sujets l'obséderaient, hanteraient son imagination, voudraient être dramatisés, à leur infliger la seule forme textuaire qui fut admise et connue en fait de drame lyrique, la seule qu'il eût, lui-même, pratiquée jusqu'alors: bref, celle de poèmes d'opéras.

      Telle fut bien, en effet, l'aventure du poème, Siegfried's Tod, la Mort de Siegfried, dont, en 1848, l'exécution suivit l'achèvement de Lohengrin: oui, la première des œuvres nouvelles du poète qui, en 1847, doutait que l'opéra fût possible (l'œuvre qui plus tard, remaniée, devint Götterdämmerung, Le Crépuscule-des-Dieux, le quatrième des Drames de la Tétralogie), cette œuvre était encore un «poème d'opéra!» Amer, inacceptable démenti du sort, à trop de pressentiments intimes! Succès trop dérisoire de trop de révoltes sourdes! Rien mieux que ce fait prouve-t-il combien dut, à Wagner, apparaître vital le besoin, dès cet instant, d'une élucidation spéculative complète? Vital! il fallut donc que l'Artiste y satisfît: comment il y parvint, c'est ce qu'il me reste à dire, non sans une préalable digression toutefois.

      J'ai montré[66-1] par quelles causes Wagner, changeant de sujets, à partir du Vaisseau-Fantôme inclusivement, avait abandonné, pour la Légende, l'Histoire. Ce que j'ai tu, c'est qu'assez longtemps cet abandon ne fut que très relatif (les preuves abondent: c'est l'esquisse d'un drame historique, La Sarrazine, tracée après le Vaisseau-Fantôme; c'est Tannhäuser même et jusqu'à Lohengrin, où Wagner, par une très heureuse conciliation des deux tendances de son génie, consentit à laisser l'Histoire intervenir, encadrer la Légende encore, sans l'entraver)... Mais, au reste, Wagner était trop de ceux qui, en toutes choses, considèrent comme un devoir d'appliquer jusqu'au bout, jusqu'aux plus rigoureuses conséquences, leurs principes,—pour qu'un tel abandon de l'Histoire, tout au moins par le musicien, ne devînt, d'ainsi relatif, tôt ou tard absolu. C'est ce qui eut lieu, et, comme on s'y pouvait attendre, au moment même où le musicien, révolté contre l'opéra, travaillait à s'en affranchir. Dès lors Wagner poète ne renonce pas, il est vrai, à toute exploitation de l'Histoire: il projette même un drame, Frédéric Barberousse, dont le titre indique assez le sujet et sa nature; mais aussi le musicien ne s'en embarrasse-t-il plus: à l'Histoire la parole, à la Légende le chant! Frédéric Barberousse n'est plus qu'un drame parlé, qui ne fut jamais achevé d'ailleurs; une épave, dont toute l'importance réside en ce que, contemporaine de Siegfried's Tod, qui est un poème d'opéra, elle révèle à quelle date devint définitive, vers la libre Légende libératrice de l'Art, l'orientation de l'autre Drame, Musical, Poétique, Plastique, en embryon dans Siegfried's Tod. Et l'on est bien en droit de supposer que l'embryon n'avait plus besoin, pour prospérer, que de se déprendre à jamais ainsi, radicalement, des modalités historiques: Siegfried's Tod, La Mort de Siegfried (l'œuvre qui plus tard, remaniée, devint Götterdämmerung, Le Crépuscule-des-Dieux, le quatrième des Drames de la Tétralogie), n'est-elle pas, en effet, de 1848? Or la Tétralogie, quatre ans après, naissait. Longue gestation? D'accord: combien plus longue, pourtant, devait être celle de la musique[67-1]! Mais je n'ai à raconter