Derniers Contes. Эдгар Аллан По

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Название Derniers Contes
Автор произведения Эдгар Аллан По
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066089443



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DEUXIÈME CONTE DE SCHÉHÉRAZADE

       Table des matières

      «La vérité est plus étrange que la fiction.» (Vieux dicton.)

      J'eus dernièrement l'occasion dans le cours de mes recherches Orientales, de consulter le Tellmenow Isitsoornot, ouvrage à peu près aussi inconnu, même en Europe, que le Zohar de Siméon Jochaïdes, et qui, à ma connaissance, n'a jamais été cité par aucun auteur américain, excepté peut-être par l'auteur des Curiosités de la Littérature américaine. En parcourant quelques pages de ce très remarquable ouvrage, je ne fus pas peu étonné d'y découvrir que jusqu'ici le monde littéraire avait été dans la plus étrange erreur touchant la destinée de la fille du vizir, Schéhérazade, telle qu'elle est exposée dans les Nuits Arabes, et que le dénoûment, s'il ne manque pas totalement d'exactitude dans ce qu'il raconte, a au moins le grand tort de ne pas aller beaucoup plus loin.

      Le lecteur, curieux d'être pleinement informé sur cet intéressant sujet, devra recourir à l'Isitsoornot lui-même; mais on me pardonnera de donner un sommaire de ce que j'y ai découvert.

      On se rappellera que, d'après la version ordinaire des Nuits Arabes, un certain monarque, ayant d'excellentes raisons d'être jaloux de la reine son épouse, non seulement la met à mort, mais jure par sa barbe et par le prophète d'épouser chaque nuit la plus belle vierge de son royaume, et de la livrer le lendemain matin à l'exécuteur.

      Après avoir pendant plusieurs années accompli ce voeu à la lettre, avec une religieuse ponctualité et une régularité méthodique, qui lui valurent une grande réputation d'homme pieux et d'excellent sens, une après-midi il fut interrompu (sans doute dans ses prières) par la visite de son grand vizir, dont la fille, paraît-il, avait eu une idée.

      Elle s'appelait Schéhérazade, et il lui était venu en idée de délivrer le pays de cette taxe sur la beauté qui le dépeuplait, ou, à l'instar de toutes les héroïnes, de périr elle-même à la tâche.

      En conséquence, et quoique ce ne fût pas une année bissextile (ce qui rend le sacrifice plus méritoire), elle députa son père, grand vizir, au roi, pour lui faire l'offre de sa main. Le roi l'accepta avec empressement: (il se proposait bien d'y venir tôt ou tard, et il ne remettait de jour en jour que par crainte du vizir) mais tout en l'acceptant, il eut soin de faire bien comprendre aux intéressés, que, pour grand vizir ou non, il n'avait pas la moindre intention de renoncer à un iota de son voeu ou de ses privilèges. Lors donc que la belle Schéhérazade insista pour épouser le roi, et l'épousa réellement en dépit des excellents avis de son père, quand, dis-je, elle l'épousa bon gré mal gré, ce fut avec ses beaux yeux noirs aussi ouverts que le permettait la nature des circonstances.

      Mais, paraît-il, cette astucieuse demoiselle (sans aucun doute elle avait lu Machiavel) avait conçu un petit plan fort ingénieux.

      La nuit du mariage, je ne sais plus sous quel spécieux prétexte, elle obtint que sa soeur occuperait une couche assez rapprochée de celle du couple royal pour permettre de converser facilement de lit à lit; et quelque temps avant le chant du coq elle eut soin de réveiller le bon monarque, son mari (qui du reste n'était pas mal disposé à son endroit, quoiqu'il songeât à lui tordre le cou au matin)—elle parvint, dis-je, à le réveiller (bien que, grâce à une parfaite conscience et à une digestion facile, il fût profondément endormi) par le vif intérêt d'une histoire (sur un rat et un chat noir, je crois), qu'elle racontait à voix basse, bien entendu à sa soeur. Quand le jour parut, il arriva que cette histoire n'était pas tout à fait terminée, et que Schéhérazade naturellement ne pouvait pas l'achever, puisque, le moment était venu de se lever pour être étranglée—ce qui n'est guère plus plaisant que d'être pendu, quoique un tantinet plus galant.

      Cependant la curiosité du roi, plus forte (je regrette de le dire) que ses excellents principes religieux mêmes, lui fit pour cette fois remettre l'exécution de son serment jusqu'au lendemain matin, dans l'espérance d'entendre la nuit suivante comment finirait l'histoire du chat noir (oui, je crois que c'était un chat noir) et du rat.

      La nuit venue, madame Schéhérazade non seulement termina l'histoire du chat noir et du rat (le rat était bleu), mais sans savoir au juste où elle en était, se trouva profondément engagée dans un récit fort compliqué où il était question (si je ne me trompe) d'un cheval rose (avec des ailes vertes), qui donnant tête baissée dans un mouvement d'horlogerie, fut blessé par une clef indigo. Cette histoire intéressa le roi plus vivement encore que la précédente; et le jour ayant paru avant qu'elle fût terminée (malgré tous les efforts de la reine pour la finir à temps) il fallut encore remettre la cérémonie à vingt-quatre heures. La nuit suivante, même accident et même résultat, puis l'autre nuit, et l'autre encore;—si bien que le bon monarque, se voyant dans l'impossibilité de remplir son serment pendant une période d'au moins mille et une nuits, ou bien finit par l'oublier tout à fait, ou se fit relever régulièrement de son voeu, ou (ce qui est plus probable) l'enfreignit brusquement, en cassant la tête à son confesseur. Quoi qu'il en soit, Schéhérazade, qui, descendant d'Eve en droite ligne, avait hérité peut-être des sept paniers de bavardage que cette dernière, comme personne ne l'ignore, ramassa sous les arbres du jardin d'Eden, Schéhérazade, dis-je, finit par triompher, et l'impôt sur la beauté fut aboli.

      Or cette conclusion (celle de l'histoire traditionnelle) est, sans doute, fort convenable et fort plaisante: mais, hélas! comme la plupart des choses plaisantes, plus plaisante que vraie; et c'est à l'Isitsoornot que je dois de pouvoir corriger cette erreur. «Le mieux», dit un Proverbe français, «est l'ennemi du bien»; et en rappelant que Schéhérazade avait hérité des sept paniers de bavardage, j'aurais dû ajouter qu'elle sut si bien les faire valoir, qu'ils montèrent bientôt à soixante-dix-sept.

      «Ma chère soeur,» dit-elle à la mille et deuxième nuit, (je cite ici littéralement le texte de l'Isitsoornot) «ma chère soeur, maintenant qu'il n'est plus question de ce petit inconvénient de la strangulation, et que cet odieux impôt est si heureusement aboli, j'ai à me reprocher d'avoir commis une grave indiscrétion, en vous frustrant vous et le roi (je suis fâchée de le dire, mais le voilà qui ronfle—ce que ne devrait pas se permettre un gentilhomme) de la fin de l'histoire de Sinbad le marin. Ce personnage eut encore beaucoup d'autres aventures intéressantes; mais la vérité est que je tombais de sommeil la nuit où je vous les racontais, et qu'ainsi je dus interrompre brusquement ma narration—grave faute qu'Allah, j'espère, voudra bien me pardonner. Cependant il est encore temps de réparer ma coupable négligence, et aussitôt que j'aurai pincé une ou deux fois le roi de manière à le réveiller assez pour l'empêcher de faire cet horrible bruit, je vous régalerai vous et lui (s'il le veut bien) de la suite de cette très remarquable histoire.»

      Ici la soeur de Schéhérazade, ainsi que le remarque l'Isitsoornot, ne témoigna pas une bien vive satisfaction; mais quand le roi, suffisamment pincé, eut fini de ronfler, et eut poussé un «Hum!» puis un «Hoo!»—mots arabes sans doute, qui donnèrent à entendre à la reine qu'il était tout oreilles, et allait faire de son mieux pour ne plus ronfler,—la reine, dis-je, voyant les choses s'arranger à sa grande satisfaction, reprit la suite de l'histoire de Sinbad le marin:

      «Sur mes vieux ans,» (ce sont les paroles de Sinbad lui-même, telles qu'elles sont rapportées par Schéhérazade) «après plusieurs années de repos dans mon pays, je me sentis de nouveau possédé du désir de visiter des contrées étrangères; et un jour, sans m'ouvrir de mon dessein à personne de ma famille, je fis quelques ballots des marchandises les plus précieuses et les moins embarrassantes, je louai un crocheteur pour les porter, et j'allai avec lui sur le bord de la mer attendre l'arrivée d'un vaisseau de hasard qui pût me transporter dans quelque région que je n'aurais pas encore explorée.

      »Après avoir déposé les ballots sur le sable, nous nous assîmes sous un bouquet d'arbres et regardâmes au loin sur l'océan, dans l'espoir de découvrir un vaisseau; mais nous passâmes plusieurs heures sans rien apercevoir. A la fin, il me sembla entendre comme un bourdonnement