Les vrais mystères de Paris. Eugène François Vidocq

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Название Les vrais mystères de Paris
Автор произведения Eugène François Vidocq
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066080952



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Satan, à ses pompes et à ses œuvres.

      —C'est très-édifiant, reprit Mina.

      —Et tout à fait pastoral, ajouta la danseuse.

      —Tiendrez-vous à la main, lorsque vous serez aux champs, une houlette enjolivée de petits rubans roses?

      —Mais certainement, j'aurai une houlette, une pannetière, un troupeau de jolis moutons, et peut-être bien une Philis, si j'en puis trouver une.

      —Oh! M. de Courtivon, emmenez-moi, je vous prie, dit une femme qui n'avait pas encore parlé; je vous assure que je vous serai fidèle, et que je ne me laisserai pas séduire par les bergers d'alentour.

      —Je ne veux pas priver le quartier Notre-Dame-de-Lorette de son plus bel ornement.

      —Vous n'êtes pas très-galant, mon cher.

      —Assez de phébus comme cela, dit le docteur Delamarre... A boire!

      —A boire! s'écrièrent tous les convives, et que l'on nous apporte d'autres verres que ceux-ci.

      Des verres d'une capacité monstrueuse furent apportés, remplis jusqu'aux bords de vin de Champagne, et religieusement vidés. Le docteur remplit son verre une seconde fois, et avala d'un trait, sans en laisser une seule goutte, la liqueur qu'il contenait; sa face était horriblement injectée, ses yeux paraissaient hagards, il ne sortait plus de sa poitrine que des sons rauques et inarticulés.

      —Ce pauvre Delamarre est déjà ivre, dit le vicomte de Lussan, il n'en fait jamais d'autres. Delamarre, lui cria-t-il aux oreilles, est-ce parce que les fantômes de tous ceux que tu as envoyés dans les limbes viennent de t'apparaître, que tu es si triste et si morose?

      —A boire, répondit le docteur qui tomba la tête sur la table.

      —Cela commence bien, dit Salvador à de Pourrières.

      —Ce n'est rien, répondit celui-ci; puis il fit un signe aux garçons de service qui quittèrent discrètement le salon.

      L'ivresse prématurée du docteur avait produit sur les convives un effet à peu près semblable à celui que produisait sur les jeunes Lacédémoniens, la vue des malheureux Ilotes, que l'on exposait à leurs yeux après leur avoir fait boire outre mesure; du vin de Syracuse; personne ne paraissait disposé à achever dignement une fête si bien commencée.

      —Est-ce parce que ce pauvre diable qui ne sait pas ménager le peu de force qu'il possède, est tombé avant d'avoir combattu, que nous paraissons redouter le combat? dit le vicomte de Lussan. De Préval, viens m'aider à transporter dans un coin ce malappris dont la vue nous attriste.

      De Préval s'empressa de faire ce que désirait le vicomte de Lussan; le docteur fut transporté dans l'embrasure d'une fenêtre, et l'on laissa retomber sur lui les draperies de lampas rouge dont elle était ornée.

      —Maintenant que nous sommes chez nous, dit l'abbé, et que monsieur le vicomte a bien voulu nous débarrasser de la vue de cet ivrogne, j'aurai l'honneur, messieurs, de vous proposer la santé des dames.

      —Vive monsieur l'abbé! et buvons à ces dames, répondit le député patriote; je vois avec plaisir, mon cher monsieur, que votre dévotion n'est pas intolérante.

      —Monsieur l'abbé est un très-aimable homme, reprit la danseuse, et ce n'est jamais à lui, je vous l'assure, que l'on chantera la fameuse chanson:

      Où allez-vous, monsieur l'abbé,

       Vous allez vous casser le nez.

      —Monsieur l'abbé est très-indulgent.

      —Il est tolérant.

      —Il excuse, parce qu'il les pratique, toutes les faiblesses de la pauvre humanité.

      —L'esprit est prompt et la chair est faible.

      —Hé l'abbé! quand serez-vous nommé curé de l'une des paroisses de Paris? dit le député patriote.

      —Quand vous reprendrez votre place à la chambre élective, répondit l'abbé, qui venait de s'apercevoir que l'on se moquait de lui.

      —Bien répondu, s'écrièrent tous les convives, bien répondu; à boire!

      De nouvelles rasades furent versées et vidées à la ronde.

      —Pas de personnalités, messieurs, ou notre festin finira aussi tristement que celui des Lapithes, dit le comte palatin du saint-empire romain.

      —Monsieur le comte a raison; ne nous cherchons pas des poux à la tête.

      —Ah! quelle ignoble comparaison, s'écria la majestueuse Mina. On voit bien, mon cher, que vous êtes devenu tout à fait limonadier! Ne pouviez-vous employer une expression plus convenable!

      —Garçon, une demi-tasse.

      —Une bouteille de bière.

      —Un petit verre.

      Le limonadier à moustaches grises qui se trouvait au nombre des convives, paraissait en proie à une violente colère; son visage ordinairement très-pâle, était successivement passé du blanc au rouge, du rouge au bleu, et du bleu au vert.

      —Eh! eh! monsieur, si vous vous mettez en colère, je vais raconter à ces messieurs l'anecdote du lingot, dit le vicomte de Lussan.

      —C'est ça, racontez-nous l'anecdote du lingot; cela nous aidera à passer le temps.

      —Faut-il? demanda Lussan au malheureux limonadier.

      Celui-ci fit un signe négatif.

      —Prions plutôt ces dames de nous raconter leur histoire, dit un jeune homme dont les regards langoureux, les longs cheveux blonds, toutes les allures annonçaient un poëte incompris.

      —Ce monsieur a besoin d'un sujet de vaudeville, répondit la lorette.

      —De roman, ajouta la danseuse.

      —Vous brûlez toutes du désir de nous raconter votre histoire, dit l'avocat; et de notre coté, nous brûlons du désir de vous entendre; n'est-il pas vrai, messieurs.

      —Sans doute, répondirent en même temps de Pourrières, Salvador et Roman.

      —Qu'entendrons-nous d'abord, continua l'avocat, le vaudeville ou le roman?

      —Le vaudeville, dit l'abbé.

      —Le roman, dit Salvador.

      —Les avis sont partagés, ajouta Mina; si, pour mettre tout le monde d'accord, nous écoutions un drame?

      —Va pour le drame; mais qui nous le racontera? dit Roman.

      —Eh parbleu! Félicité Beaupertuis, répondit Mina; son histoire, j'en suis sûre, est très-attendrissante.

      —Voyons! Félicité, exécute-toi, ma chère, ajouta la danseuse.

      Félicité hésita quelques minutes avant de se déterminer à prendre la parole; mais Salvador lui ayant versé un verre de vin de Champagne qu'elle but lentement:

      —C'est une bien bonne chose que le vin de Champagne, dit-elle; lorsque l'on a bu quelques rasades de ce vin généreux, tous les événements de la vie nous apparaissent couleur de rose.

      —Vide encore un verre et commence ton histoire, dit la danseuse.

      Félicité repoussa de la main le verre qu'on lui présentait.

      —Je n'ai plus soif, dit-elle.

      Puis s'étant affermie sur son siége, elle commença ainsi:

      —Vous voulez que je vous raconte mon histoire, je vais vous satisfaire; ne faut-il pas que je paye le dîner que vous venez de me donner?

      —Félicité, vous êtes méchante ce soir, dit le vicomte de Lussan.

      —C'est