Название | Han d'Islande |
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Автор произведения | Victor Hugo |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
Quant à l'observation que plusieurs amateurs d'oreille délicate lui ont soumise touchant la rudesse sauvage de ses noms norvégiens, il la trouve tout à fait fondée; aussi se propose-t-il, dès qu'il sera nommé membre de la société royale de Stockholm ou de l'académie de Berghen, d'inviter messieurs les norvégiens à changer de langue, attendu que le vilain jargon dont ils ont la bizarrerie de se servir, blesse le tympan de nos parisiennes, et que leurs noms biscornus, aussi raboteux que leurs rochers, produisent sur la langue sensible qui les prononce l'effet que ferait sans doute leur huile d'ours et leur pain d'écorce sur les houppes nerveuses et sensitives de notre palais.
Il lui reste à remercier les huit où dix personnes qui ont eu la bonté de lire son ouvrage en entier, comme le constate le succès vraiment prodigieux qu'il a obtenu; il témoigne également toute sa gratitude à celles de ses jolies lectrices qui, lui assure-t-on, ont bien voulu se faire d'après son livre un certain idéal de l'auteur de Han d'Islande; il est infiniment flatté qu'elles veuillent bien lui accorder des cheveux rouges, une barbe crépue et des yeux hagards; il est confus qu'elles daignent lui faire l'honneur de croire qu'il ne coupe jamais ses ongles; mais il les supplie à genoux d'être bien convaincues qu'il ne pousse pas encore la férocité jusqu'à dévorer les petits enfants vivants; du reste, tous ces faits seront fixés lorsque sa renommée sera montée jusqu'au niveau de celles des auteurs de Lolotte et Fanfan ou de Monsieur Botte, hommes transcendants, jumeaux de génie et de goût, Arcades ambo; et qu'on placera en tête de ses oeuvres son portrait, terribiles visu formae, et sa biographie, domestica facta. Il allait clore cette trop longue note, lorsque son libraire, au moment d'envoyer l'ouvrage aux journaux, est venu lui demander pour eux quelques petits articles de complaisance sur son propre ouvrage, ajoutant, pour dissiper tous les scrupules de l'auteur, que son écriture ne serait pas compromise, et qu'il les recopierait lui-même. Ce dernier trait lui a semblé touchant. Comme il paraît qu'en ce siècle tout lumineux chacun se fait un devoir d'éclairer son prochain sur ses qualités et perfections personnelles, chose dont nul n'est mieux instruit que leur propriétaire; comme, d'ailleurs, cette dernière tentation est assez forte; l'auteur croit, dans le cas où il y succomberait, devoir prévenir le public de ne jamais croire qu'à demi tout ce que les journaux lui diront de son ouvrage.
Avril 1823.
I
L'avez-vous vu? qui est-ce qui l'a vu?– Ce n'est pas moi.– Qui donc?– Je n'en sais rien.
– Voilà où conduit l'amour, voisin Niels, cette pauvre Guth Stersen ne serait point là étendue sur cette grande pierre noire, comme une étoile de mer oubliée par la marée, si elle n'avait jamais songé qu'à reclouer la barque ou à raccommoder les filets de son père, notre vieux camarade. Que saint Usuph le pêcheur le console dans son affliction!
– Et son fiancé, reprit une voix aiguë et tremblotante, Gill Stadt, ce beau jeune homme que vous voyez tout à côté d'elle, n'y serait point, si, au lieu de faire l'amour à Guth et de chercher fortune dans ces maudites mines de Roeraas, il avait passé sa jeunesse à balancer le berceau de son jeune frère aux poutres enfumées de sa chaumière.
Le voisin Niels, à qui s'adressait le premier interlocuteur, interrompit:– Votre mémoire vieillit avec vous, mère Olly; Gill n'a jamais eu de frère, et c'est en cela que la douleur de la pauvre veuve Stadt doit être plus amère, car sa cabane est maintenant tout à fait déserte; si elle veut regarder le ciel pour se consoler, elle trouvera entre ses yeux et le ciel son vieux toit, où pend encore le berceau vide de son enfant, devenu grand jeune homme, et mort.
– Pauvre mère! reprit la vieille Olly, car pour le jeune homme, c'est sa faute; pourquoi se faire mineur à Roeraas?
– Je crois en effet, dit Niels, que ces infernales mines nous prennent un homme par ascalin de cuivre qu'elles nous donnent. Qu'en pensez-vous, compère Braal?
– Les mineurs sont des fous, repartit le pêcheur. Pour vivre, le poisson ne doit pas sortir de l'eau, l'homme ne doit pas entrer en terre.
– Mais, demanda un jeune homme dans la foule, si le travail des mines était nécessaire à Gill Stadt pour obtenir sa fiancée?…
– Il ne faut jamais exposer sa vie, interrompit Olly, pour des affections qui sont loin de la valoir et de la remplir. Le beau lit de noces en effet que Gill a gagné pour sa Guth.
– Cette jeune femme, demanda un autre curieux, s'est donc noyée en désespoir de la mort de ce jeune homme?
– Qui dit cela? s'écria d'une voix forte un soldat qui venait de fendre la presse. Cette jeune fille, que je connais bien, était en effet fiancée à un jeune mineur écrasé dernièrement par un éclat de rocher dans les galeries souterraines de Storwaadsgrube, près Roeraas; mais elle était aussi la maîtresse d'un de mes camarades; et comme avant-hier elle voulut s'introduire à Munckholm furtivement pour y célébrer avec son amant la mort de son fiancé, la barque qui la portait chavira sur un écueil, et elle s'est noyée.
Un bruit confus de voix s'éleva:– Impossible, seigneur soldat, criaient les vieilles femmes; les jeunes se taisaient; et le voisin Niels rappelait malignement au pêcheur Braal sa grave sentence: «Voilà où conduit l'amour!»
Le militaire allait se fâcher sérieusement contre ses contradicteurs femelles; il les avait déjà appelées vieilles sorcières de la grotte de Quiragoth, et elles n'étaient pas disposées à endurer patiemment une si grave insulte, quand une voix aigre et impérieuse, criant paix, paix, radoteuses! vint mettre fin au débat. Tout se tut, comme lorsque le cri subit d'un coq s'élève parmi les glapissements des poules.
Avant de raconter le reste de la scène, il n'est peut-être pas inutile de décrire le lieu où elle se passait; c'était— le lecteur l'a sans doute déjà deviné— dans, un de ces édifices lugubres que la pitié publique et la prévoyance sociale consacrent aux cadavres inconnus, dernier asile de morts qui la plupart ont vécu malheureux; où se pressent le curieux indifférent, l'observateur morose ou bienveillant, et souvent des amis, des parents éplorés, à qui une longue et insupportable inquiétude n'a plus laissé qu'une lamentable espérance. A l'époque déjà loin de nous, et dans le pays peu civilisé où j'ai transporté mon lecteur, on n'avait point encore imaginé, comme dans nos villes de boue et d'or, de faire de ces lieux de dépôt des monuments ingénieusement sinistres et élégamment funèbres. Le jour n'y descendait pas à travers une ouverture de forme tumulaire, le long d'une voûte artistement sculptée, sur des espèces de couches où l'on semble avoir voulu laisser aux morts quelques-unes des commodités de la vie, et où l'oreiller est marqué comme pour le sommeil. Si la porte du gardien s'entr'ouvrait, l'oeil, fatigué par des cadavres nus et hideux, n'avait pas, comme aujourd'hui, le plaisir de se reposer sur des meubles élégants et des enfants joyeux. La mort était là dans toute sa laideur, dans toute son horreur; et l'on n'avait point encore essayé de parer son squelette décharné de pompons et de rubans.
La salle où se trouvaient nos interlocuteurs était spacieuse et obscure, ce qui la faisait paraître plus spacieuse encore; elle ne recevait de jour que par la porte carrée et basse qui s'ouvrait sur le port de Drontheim, et une ouverture grossièrement pratiquée dans le plafond, d'où une lumière blanche et terne tombait avec la pluie, la grêle ou la neige, selon le temps, sur les cadavres couchés directement au-dessous. Cette salle était divisée dans sa largeur par une balustrade de fer à hauteur d'appui. Le public pénétrait dans la première partie par la porte carrée; on voyait dans la seconde six longues dalles de granit noir, disposées de front et parallèlement. Une petite porte latérale servait, dans chaque section, d'entrée au