La chasse aux lions. Alfred Assollant

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Название La chasse aux lions
Автор произведения Alfred Assollant
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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par un de ces os bien-aimés… Qu’est-ce que je pouvais lui faire avec mon bâton ?

      – Ça, dit Pitou, c’est vrai. On fait ce qu’on peut, on ne fait pas ce qu’on veut… Allons, Dumanet, allons-nous-en.»

      Mais moi, je n’étais pas pressé. Pendant que l’Arabe parlait, j’avais senti, comme dit l’autre, pousser une idée sous mon képi… Les idées, vous savez, ça ne pousse pas tous les jours ; c’est comme le blé, il y a des saisons pour ça. Mais quand elles sont mûres, il faut les cueillir tout de suite. Au bout d’un mois, elles ne valent plus rien.

      Je dis donc à l’Arabe :

      «Comment t’appelles-tu ?

      – Ibrahim, de la tribu des Ouled-Ismaïl.

      – Eh bien, Ibrahim, qu’est-ce que tu vas faire, maintenant que tu as perdu ta femme et ton bourricot ?»

      L’Arabe leva les mains au ciel.

      «Est-ce que je sais, moi ?… Ce qu’Allah voudra… Pauvre Fatma ! Pauvre Ali ! Elle m’avait coûté vingt-cinq douros, et lui cinq seulement ; mais il faisait autant d’ouvrage qu’elle ; seulement, elle valait mieux pour le couscoussou.»

      Je dis encore :

      «Pitou, qu’est-ce que tu as d’argent dans ton sac ?

      – Sept francs, Dumanet.

      – Les mêmes sept francs que la mère Pitou et sa fille t’envoyèrent le mois dernier ?

      – Les mêmes, Dumanet, avec deux portraits.

      – Le sien et celui de sa fille ?

      – Mais non, Dumanet, mais non ! que tu es bête… Le portrait de Louis-Philippe sur la pièce de cinq francs et le portrait de Charles X sur la pièce de quarante sous.

      – Tu regardes donc le portrait de tes rois ?

      – Parbleu ! quand j’ai fini d’astiquer, qu’est-ce que tu veux que je fasse ?… J’observe.

      – Ah ! tu observes ! Ah ! bigre ! tu ne m’avais jamais dit ça, Pitou !

      – Parce que tu ne me l’avais jamais demandé.

      – Alors, Pitou, puisque tu es un observateur, tu dois avoir observé que j’ai quelque chose à te proposer.»

      Il secoua la tête.

      «Dumanet, Dumanet, je me méfie. Toutes les fois que tu m’as proposé quelque chose, c’était un nouveau moyen de nous casser le cou. Te rappelles-tu le jour où tu voulais faire avec moi le tour du Panthéon, à Paris, debout sur la balustrade, qui est à six cent cinquante pieds du pavé ?

      – Six cent cinquante pieds, Pitou ?

      – Ou trois cent cinquante ; est-ce que je sais, moi ? Enfin on mettrait cent cinquante Pitou bout à bout, chacun le pied droit sur la tête d’un autre Pitou et les bras étendus comme le génie de la Bastille, avant que le dernier Pitou pût poser sa main sur la balustrade : ça suffit, n’est-ce pas ?… Enfin, tu dis qu’il fallait monter, que les autres n’y montaient pas ; que le sergent Merluchon du 6e léger n’avait jamais osé, qu’il fallait oser ce que n’osait pas Merluchon ; qu’il fallait montrer au 6e léger ce que le 7e de ligne savait faire… est-ce que je sais, moi ? Quand il s’agit de faire une bêtise, tu parles comme un livre. Alors moi, qui suis bon enfant, je voulus faire comme toi et pas comme le sergent Merluchon ; nous montâmes tous deux sur la balustrade et nous commençâmes la tournée… Jolie tournée, ma foi ! Mon Dumanet, dès le premier pas, faisait le seigneur et l’homme d’importance ; on aurait dit un colonel de carabiniers ; il chantait de toutes ses forces la jolie chanson :

      Y avait un conscrit de Corbeil

      Qui n’eut jamais son pareil.

      «Moi, pendant ce temps, je regardais la place du Panthéon, où les hommes me faisaient l’effet d’être gros comme des rats et les chevaux comme des chats, et je pensais entre moi : “Tonnerre de mille bombardes ! que c’est haut !” Les trois cent cinquante pieds que tu dis me faisaient l’effet d’avoir soixante pouces de hauteur. Tout à coup, je vois mon Dumanet, qui chantait toujours en regardant de quel côté la lune se lèverait le soir, et qui va poser son pied dans le vide… Ah ! tiens, Dumanet, ça me fait frémir quand j’y pense !…»

      Je répliquai :

      «Oh ! toi, Pitou, quand tu frémis, ça ne compte pas ; tu es par nature aussi frémissant qu’une langouste… et même j’ai connu des langoustes qui ne te valaient pas pour la frémissure… Et puis, veux-tu que je te dise la fin de ton histoire ? Eh bien, voilà, tu n’as fait ni une ni deux, et comme j’allais tomber en dehors sur la place et m’écraser comme un fromage mou, tu m’as poussé si fort en dedans contre la muraille, que je me suis cogné le nez, qui en a saigné pendant cinq minutes, et que ma tunique s’est déchirée au coude, ce qui m’a fait donner quatre jours de salle de police en rentrant… moyennant quoi tu as sauvé la vie d’un chrétien et d’un ami, mon vieux Pitou. Eh bien ! est-ce que tu en as des regrets ?»

      Pitou répondit :

      «Je ne regrette rien, Dumanet : tu es un mauvais cœur de me dire que je regrette d’avoir fait saigner le nez d’un ami et déchiré sa tunique… Ce n’est pas moi qui t’aurais jamais dit ça, Dumanet !… D’ailleurs, ce n’est pas pour toi que j’ai fait ça…

      – Et pour qui donc, Pitou ?»

      Il se gratta la tête d’un air embarrassé.

      «Pour moi, Dumanet ! pour le fils de la mère Pitou ! Est-ce que tu crois que ça aurait été une chose à dire en rentrant à la caserne : “J’ai perdu Dumanet. – Qu’est-ce que tu en as fait ? – Je l’ai laissé tomber du haut du Panthéon sur la place. – Tu ne pouvais donc pas le retenir ? Tu es donc une moule ?…” – Tu comprends, ça m’aurait embêté. Toute ma vie, j’aurais pensé : C’est vrai, je suis une moule, et Dumanet, qui est là-haut en purgatoire, où certainement il doit s’ennuyer sans moi, doit se dire : “C’est la faute de Pitou : si Pitou n’était pas une moule, je ne serais pas là tout seul à tourner mes pouces en l’attendant !” Tu comprends, Dumanet, savoir qu’un ami va tourner ses pouces vingt-quatre heures par jour en vous attendant pendant trente ans et peut-être davantage, ce n’est pas régalant, pas vrai ?»

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