Les Merveilles de la Locomotion. E. Deharme

Читать онлайн.
Название Les Merveilles de la Locomotion
Автор произведения E. Deharme
Жанр Документальная литература
Серия
Издательство Документальная литература
Год выпуска 0
isbn 4064066080563



Скачать книгу

échantillons mis en contact, et n'est-il pas permis de supposer à ces atomes matériels et inertes une impressionnabilité que nous constatons chez les êtres vivants et matériels aussi?

      Lorsque nous modifions, par l'interposition d'un nouveau corps ou par une altération quelconque des surfaces en contact, les conditions de ces expériences, nous obtenons les résultats les plus divers. Des aspérités, des stries, la juxtaposition sur l'une des surfaces de bandes de cuir ou de caoutchouc, en multipliant les points de connexion et d'enchevêtrement, créent un obstacle au mouvement, tandis que l'interposition d'un corps gras, de plombagine, de suif ou de telle ou telle huile, en unissant et en polissant les surfaces rapprochées, diminue le frottement. De là, l'avantage que l'on retire de l'emploi des matières lubrifiantes.

      Le cri strident des chars catalans, dont nous avons parlé, celui de toutes les voitures dont les roues sont insuffisamment graissées, résultent d'une attaque plus ou moins profonde des surfaces en contact. Ce grincement est accompagné d'un échauffement de ces surfaces, qui, s'il n'y est porté remède, peut avoir les conséquences les plus graves.

      Les faits que l'on constate dans l'étude du frottement de glissement s'observent dans celle du frottement de roulement, mais avec cette différence qu'ils sont moins accusés. Les aspérités de la surface roulante s'engrènent dans les cavités de la surface fixe et réciproquement, et le mouvement s'opère sans déterminer ces arrachements et ces érosions particulaires qui constituent, en grande partie, le frottement et qui exigent sans cesse, de la part du moteur, une production de force additionnelle. Les deux surfaces s'épousent successivement l'une l'autre, les petites aspérités abandonnent leur mutuelle étreinte avec d'autant plus de facilité qu'elles se sont plus facilement réunies, et que la pénétration a eu lieu dans une direction plus normale à la surface fixe, ou que le diamètre de la surface roulante a été choisi de plus grande dimension.

      L'accroissement du diamètre des roues des véhicules, est, en effet, le but vers lequel tendent les constructeurs, mais divers obstacles les arrêtent, entre autres l'instabilité de la machine de transport, accrue par l'élévation de son centre de gravité. Ils cherchent alors des artifices pour abaisser la charge, ils la placent parfois en dessous des essieux, ainsi que cela s'est fait pour certaines voitures et pour quelques fardiers, destinés au transport des matériaux de construction, réalisant ainsi des combinaisons plus ou moins ingénieuses, et qui répondent d'une manière plus ou moins satisfaisante à des besoins déterminés.

      C.—La Voie. — Chaussées empierrées, pavées, à ornières de bois et de métal. — Les anciennes voies de communication. — Les chaussées romaines, les chaussées de Brunehaut. — Les rues sous Philippe Auguste et les voies sous Colbert. — Les routes impériales, départementales; les chemins vicinaux et ruraux. — Importance de la circulation. — Le personnel des ponts et chaussées et celui des chemins de fer. — Ce que coûte un ingénieur des ponts et chaussées et des mines, d'après M. Flachat.

      Des préoccupations de l'ingénieur, la principale est celle qui a pour objet la diminution des aspérités des deux surfaces en contact. Tel est le but que remplissent les cercles garnissant les roues des véhicules, les semelles métalliques fixées aux patins des traîneaux. Pour diminuer les aspérités de la surface de roulement, on emploie les pavés de granit ou de grès ou les cailloux fichés dans une forme incompressible en sable et que les lourdes charges et les temps alternativement secs et pluvieux ne peuvent facilement déformer. On choisit les cailloux de la meilleure qualité pour les chaussées empierrées ou macadamisées, et avant de les livrer à la circulation des voitures, on a soin d'en comprimer la surface à l'aide de ces rouleaux tantôt en pierre, tantôt en métal, chargés de sable, de pavés ou d'eau et que remorquent péniblement de longs attelages de chevaux, ou, plus aisément, une machine à vapeur superposée. À cette chaussée imparfaite, aux ornières, aux aspérités ou aux dépressions plus ou moins profondes, on substitue des poutres ou longrines en bois, des morceaux de fonte ou des lames de fer et d'acier, et on a le merveilleux moyen de transport qui s'appelle un chemin de fer.

      Adieu les durs cahots avec les vieilles pataches dans les mauvais chemins! adieu la musique des grelots au collier des chevaux, interrompue de temps en temps par les coups de fouet du postillon ou par la trompette du conducteur! adieu ces relations qui se nouaient au cours du voyage et se prolongeaient parfois après lui! On ne met plus que dix heures au lieu de onze jours, pour aller de Paris à Strasbourg. Quelques coups de sifflet et, comme en un songe, durant une nuit, on passe du Nord au Sud ou du Levant au Couchant.

      Voyez-vous ce tombereau qui ne contient qu'une tonne de cailloux? Un cheval a peine à le tirer sur cette route bien entretenue. Voyez à côté: un même cheval fait avancer sur ces rails un wagon chargé de 8 à 10 tonnes.

      Mais les rails de fer n'offrent pas de garanties de durée suffisantes lorsque la voie est très-inclinée et doit résister à l'usage réitéré des freins ou au passage fréquent de lourdes charges. Dans ce cas, on a recours aux rails d'acier. Les progrès de la carrosserie et du charronnage, nous le verrons plus loin, sont contemporains des progrès apportés à la construction des chemins et des routes, et le degré de civilisation d'un peuple est en rapport intime avec l'état de ses voies de communication. Que l'on considère les pays excentriques de notre Europe: la Russie, la Turquie, et, sans aller chercher si loin, l'Espagne, dont nous connaissons les chemins par les récits de Théophile Gautier et les dessins de Gustave Doré, ne trouve-t-on pas les mêmes ornières à l'esprit qu'à la chaussée? Le chemin de fer a contribué à faire le dix-neuvième siècle. Sans lui, nous n'aurions pas accompli ces progrès rapides que tout le monde admire.

      Qu'on ne se méprenne pas cependant sur l'importance du rôle que peut jouer un chemin de fer et qu'on ne le croie pas capable d'opérer des transformations dans un pays qui n'offre des ressources ni par l'esprit ou l'industrie de ses habitants, ni par la richesse ou la fertilité de son sol. C'est pour avoir cru à la possibilité de semblables transformations que de nombreux chemins de fer, construits en pays étranger, n'ont produit d'autre résultat que la ruine de ceux qui les avaient construits, sans changer d'une manière notable la face des pays déshérités qui en avaient été dotés. Nous ne nous arrêterons pas, d'ailleurs, à cette question économique qui nous ferait sortir de notre sujet et n'a d'ailleurs rien que de très-facile à expliquer.

      Les anciens avaient bien compris tout l'intérêt que peuvent offrir de bonnes voies de communication. Ils employaient à leur construction les peuples vaincus, et les établissaient avec une telle solidité qu'on en retrouve encore aujourd'hui quelques-unes en parfait état de conservation. Les voies romaines étaient remarquables par leur beauté et leur solidité. Elles étaient formées de blocs énormes de pierre de taille, parfois superposés, reposant sur une couche épaisse de béton, c'est-à-dire de pierres cassées réunies entre elles par un ciment très-résistant. Si nos pères ne connaissaient pas les causes de l'hydraulicité des chaux et des ciments révélées par Vicat, ils connaissaient du moins les mélanges capables d'acquérir par le temps une dureté comparable à celle de la pierre la plus résistante.

      Les plus célèbres voies qui nous restent de l'antiquité sont celles qu'on connaît sous les noms de voies Appienne, Aurélienne, Flaminienne, etc. La première doit son nom au censeur Appius Claudius (311 avant J.-C.), qui la prolongea jusqu'au delà de Capoue, pendant environ 142 milles. La voie Flaminienne allait de Rome à Ariminum (aujourd'hui Rimini). Elle avait 360 milles de longueur. Commencée par le consul Flaminius, en 222 avant J.-C., elle fut prolongée ensuite jusqu'à Aquilée, au fond de l'Adriatique.

      Dans le nord de la France, en Belgique et en Bourgogne, on rencontre encore de belles chaussées, auxquelles on a donné le nom de Brunehaut, mais dont la construction remonte sans doute aux Romains. Il est peu probable que cette reine, à travers les troubles qui ont agité son règne, ait pu donner ses soins à l'exécution des grands travaux qu'on lui attribue.

      Ce qui est certain, c'est que les chaussées dont nous venons de parler, dues ou non à Brunehaut, remontent à une date très-ancienne. Leur existence actuelle ne fait que mieux prouver l'excellence de leur construction.

      Mais ce que pouvaient faire