Название | Mémoires du comte Reynier: Campagne d'Égypte |
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Автор произведения | Berthier Louis-Alexandre |
Жанр | Документальная литература |
Серия | |
Издательство | Документальная литература |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066081072 |
Obligé de suppléer à cet affreux dénûment, Reynier sut trouver, assembler des ressources. Il mit à contribution le patriotisme des campagnes; il obtint des vêtemens, réunit des subsistances, attacha des bœufs aux pièces, et l'armée, dont il avait adouci la misère, put enfin se porter sur Kayserlautern. Heureusement l'ennemi ne nous attendit pas. La victoire de Lodi s'était fait sentir sur les bords du Rhin; Wurmser fut obligé d'accourir au secours de Beaulieu. Jourdan s'était avancé sur la Sieg; les Autrichiens affaiblis, battus dans deux rencontres successives, avaient évacué le Palatinat. Ils ne conservaient plus sur la rive gauche que la position retranchée de la Rehute, en avant de la tête de pont de Manheim, et quelques postes autour de Mayence. On les suivit, on emporta une partie des ouvrages; on eût voulu franchir le fleuve et troubler le mouvement que le prince Charles dirigeait sur l'armée de Sambre-et-Meuse; mais on n'avait ni équipages de pont ni moyens de s'en procurer. On fut obligé de perdre un temps précieux à les chercher. Cette opération regardait plus spécialement le général Reynier; il mit à la préparer, une prévoyance, une habileté peu commune. Sans fonds, sans moyens, obligé de recourir au patriotisme qui lui avait déjà fourni des ressources abondantes, il sut l'animer, le stimuler, et lui arracher encore les sacrifices qu'exigeait l'opération secrète qu'il méditait. Il s'adressa aux administrations, aux villages; demanda des bateaux aux unes, des nacelles aux autres, couvrit ces apprêts de mouvemens de troupes, d'artillerie, et groupant tout à coup à Strasbourg et à Gambsem les corps qui devaient tenter le passage du fleuve, il l'effectua avant que l'ennemi eût vent de son dessein. Le général Latour essaya de nous refouler sur la rive gauche; mais battu dans deux actions consécutives, il fut obligé de s'éloigner en abandonnant des prisonniers et une artillerie nombreuse.
À la nouvelle de ces revers, le prince Charles s'arrêta. Il chargea le général Vartensleben de suivre l'armée de Sambre-et-Meuse, et, rassemblant tout ce qu'il avait de forces disponibles, il accourut avec l'intention de reprendre en sous-œuvre ce que n'avait pu faire son lieutenant. Il ne fut pas plus heureux. Arrêté sur les bords de la Murg, obligé de céder le terrain et les villages où il s'était établi, il se retira dans l'espérance de reprendre, dans une action générale, les avantages qu'il avait perdus. Il se déploya dans la plaine qui sépare Malsch de Memkenstram, jeta des corps dans les montagnes du Rosenthal, et attendit les Français dans cette formidable position. Ils ne tardèrent pas à paraître. Leurs masses étaient moins épaisses, leur cavalerie ne s'élevait pas au quart de celle qu'ils avaient à combattre, mais le courage, de bonnes manœuvres, la nécessité de vaincre, suppléèrent aux forces qui leur manquaient, et fixèrent la victoire. Battus le 21 messidor, à Rosenthal, les Autrichiens le furent encore le 22 à Friedberg par l'armée de Sambre-et-Meuse. Hors d'état désormais de contenir les deux armées qu'il avait sur ses ailes, l'archiduc prit le parti de sortir de la position périlleuse où il s'était placé; il nous abandonna Stuttgard, et se retira sur le Danube. Reynier profita de sa retraite pour se mettre en relation avec le duc de Wurtemberg, le margrave de Baden, qu'il réussit à détacher de la coalition. Il ne fut pas moins heureux avec le cercle de Souabe, et parvint ainsi, par d'adroites ouvertures, à affaiblir une armée dont ses conseils et ses dispositions ne tardèrent pas à accroître les revers. Elle s'était retirée derrière les montagnes d'Alb, et se flattait d'accabler les Français au moment où ils déboucheraient dans la plaine. Mais Reynier disposa les colonnes avec tant d'art, leur marche fut si bien coordonnée, si compacte, qu'elles culbutèrent l'archiduc, et le forcèrent, malgré l'obstination avec laquelle il revenait à la charge, à nous abandonner le champ de bataille. La défaite qu'il venait d'essuyer à Neresheim détermina le prince Charles à tenter un mouvement qui lui réussit. Il passa le Danube, rassembla tout ce qu'il avait de troupes lestes, aguerries, et profitant de la pénurie des Français, qui, dépourvus d'agrès, d'équipages de pont, ne pouvaient de sitôt tenter le passage du fleuve, il courut à la rencontre de l'armée de Sambre-et-Meuse. Il la joignit, la culbuta devant Amberg. Il reporta aussitôt un corps de douze mille hommes d'élite sur la ligne qu'il venait de quitter et se mit sur les traces de l'armée battue. Il l'atteignit à Wurtzbourg, l'attaqua, la défit encore, et menaça les communications de celle qui s'étendait dans la Bavière. Latour avait déjà marché contre les corps qu'elle avait devant la tête de pont d'Ingolstadt. Culbuté à Gessenfeld, taillé en pièces à Freiseing, il avait recueilli ses forces, et s'avançait de nouveau sur nous. D'une autre part, les garnisons que le prince Charles avait jetées dans les places qu'il conservait sur le Rhin, s'étaient réunies sur nos derrières. Le corps du Tyrol se portait sur la droite; notre position devenait critique. Moreau résolut néanmoins de tenter un dernier effort pour dégager l'armée de Sambre-et-Meuse. Il voulut à son tour donner des inquiétudes à l'archiduc sur ses derrières, et chargea le général Reynier de faire les dispositions qu'exigeait le mouvement. L'armée se rassembla vers Friedberg. Desaix passa le Danube; nos troupes s'avancèrent dans toutes les directions. Elles joignirent Latour, qui marchait à leur rencontre, le culbutèrent après un combat des plus vifs, et se répandirent jusqu'à Heidek. Mais rien n'arrivait par la route de Nuremberg; le prince Charles tirait tout de la Bohême; Desaix replia ses troupes, et la retraite de l'armée commença. Elle fut calme, sans désordre, telle qu'on pouvait l'attendre d'un homme froid, méthodique, comme celui qui en arrêtait les dispositions. En vain l'archiduc abandonnant les traces de l'armée de Sambre-et-Meuse, qui précipitait sa marche sur Neuwied, essaya-t-il d'intercepter nos derrières; en vain le général Saint-Julien chercha-t-il à nous déborder sur la droite; l'armée regagna les bords du Rhin, sans perte, sans échec. Ni les troupes descendues du Tyrol, ni celles qui la pressaient de front ne purent l'entamer. Reynier, que la confiance de son chef avait en quelque sorte investi du commandement, régla, disposa les marches, les mouvemens, avec une sagacité, un ensemble, qui lui méritèrent