Название | Traité de la Vérité de la Religion Chrétienne |
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Автор произведения | Hugo Grotius |
Жанр | Документальная литература |
Серия | |
Издательство | Документальная литература |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066087777 |
Note F: (retour) Cette réflexion étoit couchée en forme de preuve, entre la troisième & quatrième raison; & on l'a mise à la fin de l'article, parce qu'elle ne paroît pas assez considérable pour être mise entre de solides preuves. Le même.
Que toutes les perfections sont en Dieu
IV. Poursuivons, & tâchons de découvrir les autres atributs de Dieu. Tout ce qu'on entend par le mot de perfection est nécessairement en Dieu, & je le prouve ainsi. Toutes les perfections qui sont dans le Monde ont eu un commencement, ou n'en ont pas eu. Celles qui n'ont point eu de commencement, ne peuvent être que celles de Dieu. Celles qui ont commencé d'être, suposent manifestement un principe qui les ait produites. Et comme de toutes les choses qui sont, aucune ne s'est produite elle-même, il s'ensuit que les perfections qu'on découvre dans les éfets sont tellement dans leurs causes, qu'elles les rendent capables d'en produire de pareilles: par conséquent tout ce qu'il y a de perfection au monde, a du se trouver dans la cause premiére. J'ajoûte, que si elles y ont été, elles n'ont jamais pu cesser d'y être, puisqu'on ne peut pas dire que cette cause ait pu en suite en être dépouillée. Je le prouve: ou ce changement viendroit d'ailleurs, ou il viendroit de la cause premiére elle-même. Le premier ne se peut: un Être éternel, ne dépendant d'aucun autre, aucun autre ne peut agir sur lui. Le second n'est pas plus possible, puis que chaque chose tend d'elle-même autant qu'elle peut à se perfectionner, bien loin de travailler à se rendre moins parfaite.
Qu'elles y sont dans un degré infini.
V. Ce premier principe étant posé, il faut en établir un autre, c'est que Toute perfection se doit trouver en Dieu dans un degré infini: en voici la preuve. Ce qui borne l'atribut d'un Être, est, ou que la cause qui a produit cet Être ne lui a communiqué cet atribut, que jusqu'à un certain degré: ou que cet Être même ne le pouvoit recevoir, que dans une certaine mesure. Or ni l'un ni l'autre ne se peut dire de Dieu, par cette seule raison, qu'étant par soi-même & nécessairement, il n'a jamais pu rien recevoir d'ailleurs.
Que Dieu est éternel, tout-puissant, tout bon, & qu'il fait toutes choses.
VI. Voyons, à présent quelles doivent être ces perfections de l'Être suprême. Il est certain que ce qui vit, est plus parfait que ce qui ne vit pas; que ce qui peut agir, l'est plus que ce qui en est incapable; que ce qui est doué d'intelligence, est plus excellent que ce qui ne l'est pas; qu'enfin ce qui a de la bonté, surpasse en perfection ce qui n'en a point. Donc tous ces atributs de vivant, de puissant, d'intelligent, de bon, sont en Dieu. Or par le second principe que nous avons posé, il ne peut y avoir rien en Dieu qui ne soit infini: donc ces atributs y sont dans un degré infini: donc sa vie ne doit être bornée d'aucun tems, c'est à dire, d'aucun commencement ni d'aucune fin: voilà l'Éternité. Son pouvoir est illimité: voilà la Toute-puissance. Je dis le même de la Science & de la Bonté, qui, comme les deux autres atributs, ne se peuvent trouver en Dieu, que par cela même ils ne soient infinis.
Que Dieu est éternel, tout-puissant tout-bon, & qu'il fait toutes choses.
VII. De ce que nous venons d'établir, il résulte que tout ce qui subsiste, tire son origine de Dieu. Car puis que nous avons conclu de ce qu'une chose existe nécessairement, qu'elle est par cela même unique, & exclut tout autre Être de même nature: il est évident que toutes les choses qui sont hors de Dieu ne sont point nécessairement & par elles-mêmes, & qu'elles ont dû être produites par une cause diférente d'elles. Or cette cause ne peut être que celle qui n'a point eu de commencement, puis que, comme nous l'avons vu dès l'entrée, tout ce qui est, doit avoir été produit ou immédiatement, ou médiatement, c'est-à-dire, dans ses causes, par un premier Principe. Et ce premier Principe est ce que nous apellons Dieu.
2 Preuve, tirée de la considération de toutes les parties du Monde, & de leurs diferens usages.
Quand le raisonnement ne nous conduiroit pas à cette derniére vérité, la vûe seule des choses créées nous l'aprendroit sufisamment. En éfet il est impossible de considérer avec atention la structure admirable du corps humain, l'arrangement de ses parties tant extérieures qu'intérieures, la destination des plus petites à de certains usages, le peu de part que les péres & les méres ont à cet arrangement & à cette destination; en un mot, l'artifice exquis que l'on découvre dans cet excellent ouvrage, & qui fait l'admiration de ceux qui s'occupent avec le plus de succès à en étudier les merveilles: l'on ne peut, dis-je, considérer tout cela sans conclurre, que l'Auteur de cet ouvrage est un Être souverainement sage & intelligent. Si dans une chose aussi évidente on ne se contente pas de ses propres lumières, on n'a qu'à lire Galien dans les endroits où il traite de l'usage de la main, & de celui de l'oeil.
Les corps des animaux brutes ne nous fournissent pas une preuve moins solide de cette vérité. La forme & la situation de leurs parties marquent visiblement une certaine intention & de certaines fins, dont une puissance aveugle, telle qu'est celle de la matiére, est absolument incapable. Je dis la même chose des plantes & des herbes, & je le dis après les Philosophes les plus éclairez. La situation des eaux1 a fait fort à propos naître à Strabon la même pensée.G Selon leur nature & la qualité de la matiére qui les compose, elles devroient être placées entre la Terre & l'Air. Si donc la Terre, au lieu d'en être couverte, en est seulement arrosée en diférens endroits, n'est-ce pas afin qu'elle puisse servir de demeure à l'homme, & produire les choses qui lui sont nécessaires? Or qui peut se proposer une certaine fin dans ses actions, sinon un Être sage & intelligent?
Note 1: (retour) La situation des eaux &c. Strabon liv. 17. après avoir distingué les ouvrages de la nature, c'est-à-dire, de la matiére, & ceux de la Providence, ajoûte ces mots. «Mais comme naturellement les eaux devroient environner & couvrir toute la terre, & que d'ailleurs l'homme n'est pas un animal aquatique, mais en partie terrestre & en partie aërien, & capable de jouïr de la lumiére, d'un côté la Providence a fait sur la surface de la terre plusieurs enfoncemens pour recevoir l'eau ou une partie de l'eau, & pour en être cachée: & de l'autre, plusieurs éminences par lesquelles la Terre s'élevant au dessus de l'eau, la couvre & n'en laisse paroître qu'autant qu'il en faut, pour l'usage de l'homme & des animaux, & pour nourrir les plantes.
Note G: (retour) La nature de l'eau ne demande pas qu'elle soit placée entre l'air & la Terre. Il sufit de remarquer, que la distribution qui en a été faite par toute la terre marque une sagesse & une bonté qui ne peut convenir à la matiére. TRAD.
H Pour dire encore un mot des bêtes, quelques-unes, comme les fourmis & les abeilles, font des choses si bien réglées & si bien conduites qu'à peine peut-on se défendre d'y reconnoître de la raison & de la sagesse. On en voit d'autres qui avant que d'avoir éprouvé ce qui leur peut nuire, ou ce qui leur est bon, s'éloignent de l'un & recherchent l'autre. Y auroit-il donc, éfectivement en celles-là, quelque intelligence qui dirigeât leurs actions, & dans celles-ci, quelque discernement qui réglât leur choix? Non sans doute; puis qu'on les voit astreintes à agir toûjours de la même maniére, & que leur capacité est tellement bornée à un certain ordre de choses, qu'elle n'a point de lieu dans d'autres un peu diférentes, quoi qu'aussi peu dificiles. Il faut donc que ces actions partent d'une cause extérieure, intelligente, qui agisse sur ces bêtes, & qui en régle les mouvemens: & cette cause n'est autre chose que Dieu.
Note