5, 31) rapporte aussi que «Σωκρατης επηνει οχολην, ως καλλιοτον κρηματων» (Socrate vantait le loisir comme étant la plus belle des richesses). C'est encore ce qu'entend Aristote (
Mor. à Nic., X, 7, 8, 9) quand il déclare que la vie la plus belle est celle du philosophe. Il dit pareillement dans la
Politique (IV, 11): «Τονευδαιμοναβιον εινχι τον χατ' αρετχν ανεμποδιστον» (exercer librement son talent, voilà le vrai bonheur). Gœthe aussi dit dans
Wilhelm Meister: «Wer mit einem Talent, zu einem Talent geboren ist, findet in dem selben sein schoenstes Daseyn» (Celui qui est né avec un talent, pour un talent, trouve en celui-là la plus belle existence). Mais posséder du loisir n'est pas seulement en dehors de la destinée ordinaire mais aussi de la nature ordinaire de l'homme, car sa destination naturelle est d'employer son temps à acquérir le nécessaire pour son existence et pour celle de sa famille. Il est l'enfant de la misère; il n'est pas une intelligence libre. Aussi le loisir arrive bientôt à être un fardeau, puis une torture, pour l'homme ordinaire, dès qu'il ne peut pas le remplir par des moyens artificiels et fictifs de toute espèce, par le jeu, par des passe-temps ou par des dadas de toute forme. Par là même, le loisir entraîne aussi pour lui des dangers, car on a dit avec raison: «
difficilis in otio quies.» D'autre part, cependant, une intelligence dépassant de beaucoup la mesure normale est également un phénomène anormal, par suite contre nature. Lorsque toutefois elle est donnée, l'homme qui en est doué, pour trouver le bonheur, a précisément besoin de ce loisir qui, pour les autres, est tantôt importun et tantôt funeste; quant à lui, sans loisir, il ne sera qu'un Pégase sous le joug; en un mot, il sera malheureux. Si cependant ces deux anomalies, l'une extérieure et l'autre intérieure, se rencontrent réunies, leur union produit un cas de suprême bonheur, car l'homme ainsi favorisé mènera alors une vie d'un ordre supérieur, la vie d'un être soustrait aux deux sources opposées de la souffrance humaine: le besoin et l'ennui; il est affranchi également et du soin pénible de se démener pour subvenir à son existence et de l'incapacité à supporter le loisir (c'est-à-dire l'existence libre proprement dite); autrement, l'homme ne peut échapper à ces deux maux que par le fait qu'ils se neutralisent et s'annulent réciproquement.