Ndura. Fils De La Forêt. Javier Salazar Calle

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Название Ndura. Fils De La Forêt
Автор произведения Javier Salazar Calle
Жанр Приключения: прочее
Серия
Издательство Приключения: прочее
Год выпуска 0
isbn 9788835411178



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dans l’expectative, désirant voir mon ami. Jusqu’à ce que je réalise qu’Alex était mort et que j’étais tout seul, sans aucune aide, en pleine jungle. Cela me faisait peur de ne pouvoir compter sur l’aide de personne, de n’avoir personne avec qui partager ma douleur, mon désespoir en cet instant. Je ne devais pas céder à la panique, je devais expulser de ma tête les mauvaises pensées pour pouvoir subsister mais j’en étais incapable. Une sensation suffocante de solitude m’obligeait à puiser dans mes peurs.

      – Javier, Javier

      Son appel dura toute la nuit, inquisitif, attrayant.

      Je serais parti avec lui, si j’avais su où aller.

      

      – Non, ne le tuez pas! –criai-je en m’agitant de façon convulsive, provocant ma chute de l’arbre dans un bruit sourd.

      Je me débattis de long en large, fuyant mes propres fantômes, ignorant la douleur de la chute. Je regardai dans toutes les directions, totalement désorienté, et demeurai un moment sans bouger, recroquevillé, gémissant tel un animal blessé. Tandis que je frottais mon dos meurtri, je réalisai que ce n’était qu’un mauvais rêve, un cauchemar bien réel puisque j’avais revécu la mort de Juan, le choc de l’avion, le corps inerte d’Alex, une nouvelle fois, entre mes mains. La sueur perlait à mon front, mes mains tremblaient. Je respirai profondément un instant et me décidai à bouger. Ma seule envie était de m’éloigner le plus possible de l’avion, de m’éloigner d’où j’avais perdu une partie de ma vie. Mon passé était terrible, mon futur, désolant.

      J’avais très mal au dos à cause de la position que j’avais adopté, à cause de la chute ou bien des deux choses à la fois et je me sentais un peu fiévreux. Je grimpai à l’arbre en me plaignant pour récupérer les sacs et remarquai qu’il manquait le sac contenant la nourriture. Le bond que je fis sur le coup me fit presque tomber à nouveau de l’arbre. Je n’arriverais à rien sans ce sac. Je cherchai avec appréhension parmi les branches et, alors que je pensais ne plus jamais le trouver, je vis qu’il était tombé au sol, l’ensemble de son contenu éparpillé. C’était probablement moi qui l’avais fait tomber, l’entraînant dans ma chute ou en remuant pendant la nuit. Je descendis avec précaution, l’autre sac à l’épaule, et récupérai tout ce que j’aperçus: trois canettes de rafraîchissement, un sandwich au saucisson, des biscuits déjà croqués et remplis de fourmis, une boîte de dosettes de sel pour la salade et les deux boîtes qui s’avérèrent être remplies de pâte de coing. Le reste avait disparu, emporté, je supposai, par les animaux. Ceci me fit conclure qu’il était tombé pendant la nuit.

      Je décidai de faire l’inventaire de tout ce que je transportais afin de voir ce qui pourrait m’être utile et de jeter ce qui ne l’était pas. Porter un poids inutile n’avait aucun sens et j’avais besoin de connaître les moyens dont je disposais. Dans mon sac, mis à part la nourriture, j’avais le couteau acheté pour mon père, les figurines en bois, un livre de voyage sur l’Afrique Centrale, un paquet de mouchoirs en papier, des jumelles de 8x30, un chapeau kaki en tissu et un t-shirt où était marqué “I love Namibia”. Il me restait de la trousse à pharmacie une boîte d’aspirines à moitié entamée, une boîte entière d’anti-diarrhéiques, une bande, trois pansements et quelques comprimés contre les nausées. Tout ceci en plus des papiers personnels, bien évidemment. Dans le sac de Juan se trouvaient aussi ses papiers, mais aussi les trois couvertures et le petit coussin de l’avion, un petit livre avec des phrases en swahili, ses lunettes de soleil, une casquette, des petites barres de chocolat, une bouteille d’eau en plastique d’un litre, presque vide, une fourchette, une grande figurine en bois représentant un éléphant et d’autres plus petites, un paquet de cigarettes presque entier et un briquet.

      Je ne pouvais pas porter deux sacs à la fois, je rangeai donc tout dans le mien, en meilleur état, à part une des couvertures et l’oreiller qui prenait beaucoup de place. Les figurines en bois étaient inutiles dans cet environnement. Je les enterrai et les recouvris avec des branchages. Tandis que je me débarrassais de certaines choses, je me rappelais les gens auxquels elles étaient destinées : Elena, ma famille, mes amis, Alex, Juan. Je ne mis pas longtemps à recommencer à pleurer. Je ne reverrais plus jamais aucun d’eux. Enfin, Alex et Juan je les reverrais bientôt, au ciel, ou n’importe-où que l’on aille une fois mort.

      C’est à ce moment-là que je mangeai les petites barres de chocolat fondues par la chaleur, léchant l’emballage jusqu’à ce qu’il ne reste plus aucune trace. Délicieuses. Je bus également le peu d’eau qui restait dans la bouteille. C’est alors que je pris conscience qu’il fallait m’arrêter un moment pour réfléchir aux prochaines étapes à franchir. Quelques questions surgirent dans mon esprit: les rebelles savaient-ils que j’étais en vie? Quelle direction prendre maintenant?

      Je n’avais pas la réponse à la première question. Peut-être avaient-ils réussi à faire dire à l’un des passagers qu’il m’avait vu, peut-être ont-ils fouillé les alentours et trouvé mes empreintes ou la canette que j’avais jetée après avoir bu (une grossière erreur, même si, à cet instant précis, la fuite était ma seule préoccupation). Peut-être étaient-ils partout et finiraient bien par me trouver ou peut-être ne savaient-ils rien du tout. Quoi qu’il en soit, je devais essayer, à partir de maintenant, de faire davantage attention et de laisser le moins de traces possibles de mon passage.

      En ce qui concerne la direction à prendre, je croyais me souvenir que, de l’avion, pendant l’atterrissage vertigineux, j’avais vu un village à l’horizon, au milieu d’une grande clairière de la forêt. Je ne savais pas s’il s’agissait de la base des rebelles, il était fort probable que ce soit le cas car l’avion se trouvait très près de l’endroit où ils nous avaient attaqué. Comme nous allions du sud de l’Afrique vers le nord, je supposai qu’en me dirigeant toujours vers le nord j’atteindrais la fin de la forêt, un autre pays et aurais davantage de chances de trouver de l’aide. Comme mes amis me manquaient! Maintenant, l’enthousiasme, l’optimisme et la bonne humeur d’Alex, la capacité d’analyse, la sérénité et la détermination de Juan à l’heure d’affronter une quelconque situation seraient d’un grand secours. J’avais tellement besoin de leur compagnie pour me donner le courage suffisant d’affronter ce défi que je n’avais pas cherché et qui se présentait à moi de façon inéluctable! Tout cela serait plus simple avec eux, ce serait même une aventure à raconter une fois rentré; mais ils étaient morts, assassinés, exterminés sans pitié comme de vulgaires mouches, fauchés au meilleur de leurs vies… et moi, je devais survivre comme je pouvais. Salauds, fils de…! Du calme, Javier, du calme, je devais essayer de garder mon sang-froid, c’était ma seule chance. Bien, le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest, donc s’il s’était levé de ce côté, à quelque chose près… il devrait aller dans cette direction. Si j’arrivais quelque part grâce à ce système d’orientation, ce ne serait pas de l’habileté mais un miracle. Je grimpai malgré tout à l’un des plus hauts arbres que je pus voir, pour m’en assurer.

      Ce fut facile, l’arbre avait beaucoup de branches et l’on pouvait s’en servir comme d’une échelle. Malgré cela, plus je montais plus les branches devenaient petites et flexibles. Je fis donc très attention à poser le pied juste à la base de la branche, la partie la plus large et résistante. Je surplombais tout et, en arrivant presque tout en haut, je vis un paysage à couper le souffle. Une mer verte s’étendait dans toutes les directions, tel un tapis, montant et descendant, suivant les contours du sol, imitant les vagues, une vaste étendue de vie. Seuls quelques arbres solitaires, beaucoup plus hauts que les autres, ressortaient dans l’immensité de cette tapisserie que formaient les innombrables cimes de la forêt. Je ne voyais que des cimes d’arbres, partout, sans fin. On ne pouvait pas voir quoi que ce soit, d’aucun côté, même à l’aide des jumelles. A vrai dire, cela ne m’aidait pas beaucoup dans ma recherche de direction