Correspondance, 1812-1876. Tome 1. Жорж Санд

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Название Correspondance, 1812-1876. Tome 1
Автор произведения Жорж Санд
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
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que l'on ait jamais vus au bois de Boulogne.

      Voilà une lettre éternelle, ma chère maman; mais vous me demandez des détails et je vous obéis avec d'autant plus de plaisir que je cause avec vous. Clotilde m'en demande aussi; mais je n'ai guère le temps de lui écrire aujourd'hui, et demain recommencent mes courses. Veuillez l'embrasser pour moi, lui faire lire cette lettre si elle peut l'amuser, et lui dire que, dans huit à dix jours, je serai chez mon beau-père et j'aurai le loisir de lui écrire.

      Adressez-moi donc de vos nouvelles chez lui, près de Nérac (Lot-et-Garonne). J'en attends avec impatience, je suis si loin, si loin de vous et de tous les miens! Adieu, ma chère maman. Maurice est gentil à croquer! Casimir se repose, dans ces courses dont je vous parle, de celles qu'il a faites sans moi à Cauterets; il a été à la chasse sur les plus hautes montagnes, il a tué des aigles, des perdrix blanches et des isards ou chamois, dont il vous fera voir les dépouilles; pour moi, je vous porte du cristal de roche. Je vous porterais du barège de Barèges même, s'il était un peu moins gros et moins laid.

      Adieu, chère maman; je vous embrasse de tout mon coeur.

      Veuillez, quand vous lui écrirez, embrasser mille fois ma soeur pour moi, lui dire que je suis bien loin de l'oublier; que cette lettre que je vous écris et une à mon frère sont les seules que j'aie eu le temps d'écrire aux Pyrénées, mais que, quand je serai à Guillery16 je lui écrirai tout de suite. Nous comptons y rester jusqu'au mois de janvier; de là, aller passer le carnaval à Bordeaux, et enfin retourner avec le printemps à Nohant, où nous vous attendrons avec ma tante.

      VII

      A LA MÊME

      Nohant, 25 février 1826.

      Ma chère maman,

      J'ai bien du malheur! Je vais à Paris précisément à l'époque où tout le monde y est, et ma mauvaise étoile veut que je ne vous y trouve pas.

      Je cours chez ma tante; pour y apprendre que vous êtes à Charleville. Je vous espère tous les jours, mais je n'ai signe de vie qu'à mon retour ici, où je trouve enfin une lettre de vous.

      C'est une grande maladresse de ma part que d'aller, au bout de deux ans, passer quinze jours à Paris et de ne pas vous y rencontrer. Mais il y avait si longtemps que je n'avais reçu de vos nouvelles, que je vous croyais bien de retour chez vous. Caron même, chez qui nous avons demeuré, vous croyait sa voisine. Enfin, j'ai joué de malheur, et me voilà rentrée dans mon Berry, ne sachant plus quand j'en sortirai, ni quand j'aurai le bonheur de vous embrasser.

      Ma santé, à laquelle vous avez la bonté de porter tant d'intérêt, est meilleure que la dernière fois que je vous écrivis; la preuve en est que j'ai eu la force de passer quatre nuits dans le courrier, tant pour aller que pour venir sans être malade, ni à l'arrivée, ni au retour. Sans ma mauvaise toux qui ne me laissait pas dormir, je me serais assez bien portée.

      Merci mille fois de vos bons avis à cet égard; mais ne me grondez pas de ne pas les avoir suivis très exactement. Vous savez que je suis un peu incrédule, et puis un peu médecin moi-même, non par théorie, mais par pratique. Je n'ai jamais vu de remèdes efficaces aux maux de poitrine; la nature fait toutes les guérisons quand elle s'en mêle, et l'honneur en est à l'Esculape, qui ne s'en est pas mêlé. Je sais bien que ces messieurs n'en conviendront jamais. Comment un médecin avouerait-il sa nullité? ce ne serait pas adroit. S'ils faisaient, comme moi, la médecine gratis, ils seraient de bonne foi; peut-être encore l'amour-propre serait-il là pour les en empêcher.

      Tant y a que, sans remède et sans docteur, sans me noyer l'estomac de boissons qui ne vont pas dans la poitrine, je ne tousse plus; c'est l'important. J'ai bien toujours des douleurs et par surcroît une fluxion de chaque côté du visage dans ce moment-ci. Mais le printemps, s'il veut se dépêcher de venir, mettra ordre aux affaires.

      Je vous dirai, chère maman, que, si vous étiez venue passer le carnaval ici, vous ne vous seriez pas du tout ennuyée. Nous avons des bals charmants et nous passons des deux et trois nuits par semaine à danser. Ce n'est pas ce qui me repose, ni même ce qui m'amuse le mieux; mais il y a des obligations dans la vie qu'il faut prendre comme elles viennent. Dernièrement nous sommes sortis d'un bal chez madame Duvernet17 à neuf heures du matin. N'êtes-vous pas émerveillée d'une dissipation pareille? Aussi le jubilé, traversé par tant de fêtes, n'en finit-il pas. J'espère que, dans deux ou trois ans, nous n'en entendrons plus parler. En attendant, le curé prêche tous les dimanches matin contre le bal, et, tous les dimanches soir, on danse tant qu'on peut.

      Quand je parle de curé grognon, vous entendez bien que ce n'est pas celui de Saint-Chartier18 que je veux dire. Tout au contraire: celui-là est si bon, que, s'il avait quelque soixante ans de moins, je le ferais danser si je m'en mêlais.

      Il est venu ici faire deux mariages dans un jour. Celui d'André19, avec une jeune fille que vous ne connaissez pas et qui entrera à notre Service à la Saint-Jean, et celui de Fanchon, soeur d'André et bonne de Maurice, avec la coqueluche du pays, le beau cantonnier Sylvinot20, que vous ne vous rappelez sans doute en aucune manière, malgré ses succès. La noce s'est faite dans nos remises, on mangeait dans l'une, on dansait dans l'autre.

      C'était d'un luxe que vous pouvez imaginer: trois, bouts de chandelle pour illumination, force piquette pour rafraîchissements, orchestre composé d'une vielle et d'une cornemuse, la plus criarde, par conséquent la plus goûtée du pays. Nous avions invité quelques personnes de la Châtre et nous avons fait cent mille folies, comme de nous déguiser le soir en paysans, et si bien, que nous ne nous reconnaissions pas les uns les autres. Madame Duplessis était charmante en cotillon rouge. Ursule21, en blouse bleue et en grand chapiau, était un fort drôle de galopin. Casimir, en mendiant, a reçu des sous qui lui ont été donnés de très bonne foi. Stéphane de Grandsaigne, que vous connaissez, je crois, était en paysan requinqué, et, faisant semblant d'être gris, a été coudoyer et apostropher notre sous-préfet, qui est un agréable garçon et qui était au moment de s'en aller quand il nous a tous reconnus.

      Enfin la soirée a été très bouffonne et vous aurait divertie, je gage; peut-être auriez-vous été tentée de prendre aussi le bavolet, et je parie qu'il n'y aurait pas eu d'yeux noirs qui vous le disputassent encore.

      Comptez-vous retourner bientôt à Paris, chère maman, et êtes-vous toujours contente du séjour de Charleville? Embrassez bien ma soeur pour moi, ainsi que le cher petit Oscar. Casimir vous présente ses tendres hommages, et moi je vous prie de penser un peu à nous quand le printemps reviendra.

      Donnez-nous de vos nouvelles, chère maman, et recevez mes embrassements.

      VIII

      A MADAME LA BARONNE DUDEVANT EN SA TERRE DE POMPIEY, PAR LE PORT-SAINTE-MARIE (LOT-ET-GARONNE)

      Nohant, 30 avril 1826.

      Nous avons reçu votre bonne lettre, chère madame, et appris avec chagrin le triste événement22 qui vient encore de vous environner de tristesse et de réveiller celle, déjà si profonde, que vous éprouviez.

      Nous apprécions et nous sentons votre douloureuse et triste situation avec la crainte amère de ne pouvoir l'adoucir, puisque rien ne saurait remplacer ce que vous avez perdu et que nulle consolation ne peut arriver, je le sens, jusqu'à votre coeur brisé. C'est en vous-même, c'est dans cette force morale que vous possédez, ou plutôt c'est dans la profondeur de votre mal, que vous trouvez le moyen de le supporter. Si j'ai bien compris votre souffrance, nulle distraction, nul témoignage d'intérêt ne sont assez puissants pour vous apporter un instant d'oubli. Vous les recevez avec douceur et bonté, mais ils ne sauraient vous faire un bien véritable.

      Ce sont vos tristes pensées qui seules vous font jouir d'un triste plaisir. Plus vous les sondez, moins elles doivent vous paraître amères. Vos souvenirs n'ont rien que de



<p>16</p>

Propriété du baron Dudevant, près de Nérac.

<p>17</p>

Mère de Charles Duvernet, amie de la famille de pères en fils.

<p>18</p>

Saint-Chartier (Indre), village près de Nohant.

<p>19</p>

Domestique de George Sand.

<p>20</p>

Diminutif de Sylvain Biaud.

<p>21</p>

Ursule Josse, femme de chambre de George Sand.

<p>22</p>

La mort du baron Dudevant, beau-père de George Sand.