Correspondance, 1812-1876. Tome 1. Жорж Санд

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Название Correspondance, 1812-1876. Tome 1
Автор произведения Жорж Санд
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
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son piano discord quand l'une nous assomme,

      L'autre nous fait grincer des dents,

      Le tout pour épargner cinq francs

      Au ménage économe.

4

      Juges et militaires, Médecins, avocats, Chirurgiens et

      notoires, Chacun prend ses ébats.

      On entendit pourtant plus d'une grande dame,

      Pinçant la lèvre et clignant l'oeil,

      Murmurer dans son noble orgueil:

      «Voyez! quel amalgame!»

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      Guidant la contredanse, Périgny tout en eau, Croyait par sa

      prudence Nous dorer le gâteau.

      L'avant-deux n'était pas la chose délicate:

      Mais, quand on fut au moulinet,

      C'est en vain que le sous-préfet

      Cria: «Donnez la patte!…»

6

      Quand finit ce supplice, Chaque dame aussitôt Demande sa

      pelisse, Sa bonne et son falot,

      Et toutes en sortant se disaient dans la rue,

      En retroussant leur falbala:

      «Jamais on ne me reprendra

      En pareille cohue

7

      La semaine suivante Le punch est préparé, La maîtresse est

      brillante, Le salon est ciré.

      vint trois invités de chétive encolure.

      Dans la ville on disait: «Bravo!

      On donne un bal incognito

      A la sous-préfecture!»

      XXV

      A MADAME MAURICE-DUPIN, A PARIS

      Nohant, 8 mars 1829.

      Ma chère maman,

      Il y a bien longtemps que je veux vous écrire; mais il a fallu que le carême arrivât pour m'en laisser le temps. Jamais à Paris on ne mena une vie plus active et plus dissipée que celle que nous avons passée durant le carnaval: courses à cheval, visites, soirées, dîners, tous les jours ont été pris, et nous avons beaucoup moins habité Nohant que la Châtre et les grands chemins.

      Enfin, nous voici rentrés dans un ordre de choses plus paisible, et je commence, pour que la retraite me soit aussi agréable que les plaisirs me l'ont été, par vous demander de vos nouvelles et vous assurer que je voudrais que vous fussiez ici, où vous vous porteriez bien et vous amuseriez, j'en suis sûre. Un peu de mouvement en voiture, la société de personnes gaies et aimables comme celles dont notre intimité est composée vous plairaient, à vous qui n'aimez pas plus que moi la gêne et les obligations. Le coin du feu a aussi ses plaisirs. Hippolyte l'égaye par son caractère facile, égal, toujours bon et content. Nous rions, chantons et dansons comme des fous, et jamais, depuis bien des hivers, je ne me suis si bien portée. Je lui en attribue tout l'honneur.

      Avez-vous toujours votre petit compagnon Oscar? Hippolyte m'a dit qu'il était fort gentil, mais assez délicat. Maurice grandit beaucoup et n'est pas non plus très robuste maintenant. C'est l'âge, dit-on, où le tempérament se développe, non sans quelque effort et quelque fatigue. Il est joli comme un ange, et fort bon. Sa soeur est une masse de graisse, blanche et rose, où on ne voit encore ni nez, ni yeux, ni bouche. C'est un enfant superbe, quoique né imperceptible; mais, pour espérer que ce soit une fille, il faut attendre qu'elle ait une figure. Jusqu'ici, elle en a deux aussi rondes et aussi joufflues l'une que l'autre…. Elle a toujours une bonne nourrice, dont elle se trouve fort bien.

      Le mois prochain, vous verrez mon mari, qui retournera avec Hippolyte vendre son cheval. De là, nous irons un mois à Bordeaux et un mois à Nérac, chez ma belle-mère, et nous serons de retour ici au mois de juillet. Si vous voulez, à cette époque, tenir votre promesse, et décider Caroline à vous accompagner, nous passerons en famille tout le temps que vous voudrez; car je n'aurai plus d'obligations de toute l'année, et il me faut des obligations pour quitter Nohant, où j'ai pris racine. Nous vous soignerons bien et vous rajeunirez si fort, que vous retournerez à Paris fraîche et encore très dangereuse pour beaucoup de têtes.

      Adieu, ma chère maman. Casimir, Hippolyte, mes deux enfants et moi vous embrassons tous bien tendrement. Gare à vous, au milieu d'un pareil conflit! vous aurez bien du bonheur si vous n'êtes pas étouffée par nos caresses, et nos batailles à qui en aura sa part.

      Quand-vous me répondrez, aurez-vous la bonté de me donner quelques conseils sur la façon d'une robe de foulard fort belle qu'on m'envoie de Calcutta et que je ferai moyennant que vous me direz où en est la mode et la manière dont je dois tailler les manches? Je crois que maintenant on les fait droit fil et aussi larges en bas qu'en haut. Mais dirigez-moi, car je suis fort en arrière.

      XXVI

      A M. DUTEIL, AVOCAT, A LA CHATRE43 (RECOMMANDÉ A MADAME LA POSTE DE LA CHATRE)

      Bordeaux, 10 mai 1829.

      Hélas! mon estimable ami, que c'est cruel, que c'est effrayant, que c'est épouvantable, je dirai plus, que c'est sciant, de s'éloigner de son endroit et de se voir en si peu de jours transvasé à cent vingt lieues de sa patrie! Si cette douleur est cuisante pour tous les coeurs bien nés, elle est telle pour un coeur berrichon particulièrement, qu'il s'en est fallu de peu que je ne fusse noyée dans un torrent de pleurs, répandues par Pierre44, Thomas45, Colette46, Pataud47, Marie Guillard48 et Brave49; torrent auquel j'en joignis un autre de larmes abondantes. Que dis-je! un torrent? c'était bien une mer tout entière.

      Après avoir embrassé ces inappréciables serviteurs, les uns après les autres, je m'élançai dans la voiture, soutenue par trois personnes, et j'arrivai sans encombre à Châteauroux. Là, nous fûmes singulièrement égayés par la conversation piquante et badine de M. Didion, qui nous fit pour la cinquante-septième fois le récit de la maladie et de la mort de sa femme, sans omettre la plus légère particularité.

      A Loches, mon ami, vous croyez peut-être que je me suis amusée à penser que ces tourelles noircies, où ma cuisinière mourrait du spleen, avaient été la résidence d'un roi de France et de sa cour; ou bien que j'ai demandé aux habitants des nouvelles d'Agnès Sorel?… J'avais bien autre chose dans l'esprit. Je songeais, avec recueillement, avec émotion, au passage dans cette ville du respectable et philanthrope M. Blaise Duplomb50, lequel fut rattrapé par des querdins de zendarmes qui l'attacèrent à la queue de leurs cevaux et… Mais vous savez le reste! Il est trop pénible de revenir sur de si déplorables circonstances.

      Enfin, mon estimable ami, la présente est pour vous dire qu'après cinq jours d'une traversée fatigante et dangereuse, à travers des déserts brûlants et des hordes d'anthropophages, après une navigation de cinq minutes sur la Dordogne, pendant laquelle nous avons couru plus de périls et supporté plus de maux que la Pérouse dans toute sa carrière, nous sommes arrivés, frais et dispos, en la ville de Bordeaux, presque aussi belle qu'un des faubourgs de la Châtre, et où je me trouve fort bien; regrettant néanmoins, vous d'abord, mon ami, puis votre tabatière, puis les deux lilas blancs qui sont devant mes fenêtres, et pour lesquels je donnerais tous les édifices que l'on bâtit ici.

      … Adieu, mon honorable camarade, soutenons toujours de nos lumières, et de cette immense supériorité que le ciel nous a donnée en partage (à vous et à moi), la cause du bon sens, de la nature, de la justice, sans oublier la



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Alexis Pouradier-Duteil, avocat à la Châtre, puis président à la Cour d'appel de Bourges, après avoir occupé les fonctions de procureur général auprès de cette même cour.

<p>44</p>

Pierre Moreau, jardinier.

<p>45</p>

Thomas Aucante, vacher.

<p>46</p>

Jument de George Sand.

<p>47</p>

Chien de garde.

<p>48</p>

Cuisinière.

<p>49</p>

Chien des Pyrénées.

<p>50</p>

Propriétaire à la Châtre.