Caravane. Stephen Goldin

Читать онлайн.
Название Caravane
Автор произведения Stephen Goldin
Жанр Научная фантастика
Серия
Издательство Научная фантастика
Год выпуска 0
isbn 9788885356832



Скачать книгу

agréables est la bonne nourriture. Nous faisons ce que nous pouvons pendant qu’on voyage, mais c’est loin d’être un repas équilibré. »

      « Certains tueraient pour ceci. »

      Honon soupira. « Oui, je sais. Ils ont déjà tenté plusieurs fois. Voilà pourquoi on utilise des véhicules blindés. De nos jours, voyager ne se fait pas sur un coup de tête. »

      Les deux hommes mangèrent en silence pendant un moment, réalisant que leur repas était un véritable trésor dans ce monde où les ressources manquaient. Peter termina en premier et s’adossa à son siège, content.

      « Merci beaucoup. C’était le meilleur repas que j’ai eu depuis des semaines. »

      « Vous en voulez encore ? Je peux demander à ce qu’on vous resserve. »

      « Je ne voudrais pas profiter de vos réserves… »

      « Tout ira bien pendant un temps. L’arrière du deuxième camion est rempli de nourriture. »

      Peter était très tenté, mais il décida de se retenir. « Je ne veux pas m’habituer à une telle vie. », déclara-t-il. « La situation peut vite changer. »

      Honon hocha la tête. « C’est vrai, mais ça ne m’empêche pas de bien vivre quand je peux. Quand je menais mon troupeau, j’ai appris qu’on survivait pendant les temps difficiles et qu’on se rattrapait quand ça allait mieux. »

      « Vous étiez berger, alors ? »

      « J’ai été beaucoup de choses à un moment ou à un autre. Bûcheron, chauffeur de camion, garde forestier, aide agricole, couvreur, plongeur. J’aime le changement. »

      « Et maintenant, vous menez un cortège. »

      « Ouaip. Vous voyez, selon moi, il faut toujours avancer vers quelque chose. Voyager ne suffit pas. Il faut avoir un objectif. »

      « Et votre objectif, c’est l’espace ?

      « Pas tout de suite. D’abord, il faut emmener ce groupe au Monastère. »

      « Au quoi ? »

      « C’est comme ça qu’on appelle notre petite colonie. Les monastères ont gardé le savoir pendant les premières périodes sombres. Nous avons donc décidé d’appeler notre base comme ça. Cela n’a aucune signification religieuse, je vous assure. Nous sommes tous plutôt tolérants. Il est déjà assez difficile de survivre de nos jours sans devoir faire face à de vieux préjudices. »

      « Cela n’arrête pas la plupart des gens. L’intolérance semble avoir atteint son plus haut point », dit Peter avec amertume.

      Honon haussa les épaules. « Je me fiche s’ils s’entretuent. De mon point de vue, on ne peut évoluer qu’en se débarrassant des intolérants. »

      « Où se trouve ce Monastère ? »

      « Oh, il est quelque part. » Honon agita la main vers l’est. « Je ne peux pas vous en dire plus, j’en ai bien peur. C’est un secret et pour de bonnes raisons. Nous vivons trop bien au goût de la plupart des gens. S’ils savaient où on se trouve, ils viendraient nous anéantir. Voilà pourquoi je ne peux pas dire aux gens où se rend la caravane. Si on est séparé, ils ne pourront le dire à personne. »

      « Mais si vous projetez une colonie interstellaire, vous devez avoir beaucoup de gens. »

      « Près de cinq mille, aux dernières nouvelles. »

      Peter siffla. « Mais il est impossible de cacher autant de gens. »

      « On y arrive, » Honon sourit.

      « Mais faire partir autant de gens de la Terre serait un énorme problème en soi. Comment comptez-vous faire ? »

      « Pour commencer, tout le monde n'ira pas. Certains sont attachés au vieux monde et nous aimerions essayer de le réhabiliter. Seuls trois mille feront le voyage. »

      « Mais les besoins en carburant… »

      « L’année dernière, la presse est passée à côté du programme spatial. Elle était occupée avec les guerres, les pénuries et le reste. La propulsion nucléaire permet de soulever un gros poids à moindre coût. Cela n’a pas été testé sur le terrain, mais les expériences sont très prometteuses. »

      « Je ne prétends pas être ingénieur astronautique, mais je me souviens avoir vu un spectacle au planétarium. On y disait qu’il faudrait des milliers d’années pour atteindre l’étoile la plus proche. Les colons ne vivront pas aussi longtemps et la nourriture pour trois mille personnes remplirait plusieurs vaisseaux. »

      « Ces chiffres se basaient sur une vélocité constante. Le propulseur nucléaire nous donnera une accélération constante – un dix millième de « G » pour être exact. Je sais qu’on ne dirait pas grand-chose, mais l’addition est correcte. Selon les dernières estimations, on peut faire le voyage en seulement six cent cinquante ans. »

      « Mais même… »

      « Souvenez-vous de ce que j’ai dit tout à l’heure, concernant la cryogénisation. Les colons seront cryogénisés avant le départ, sauf l’équipage du vaisseau. Ils se réveilleront uniquement au moment de l’atterrissage sur notre nouvelle planète. Cela économisera des vivres et de la place puisque nous n’aurons pas assez de place pour que toutes ces personnes puissent se déplacer. »

      Peter ne dit rien l'espace de quelques instants, prenant en considération les différentes possibilités. « Vous êtes soit fou », dit-il, « soit le plus grand rêveur que je connaisse. »

      « Un peu des deux, j’espère. Nous vivons à une époque très saine, sans rêves. Et voyez le bordel. Il n’y a pas plus sain que d’essayer de rester en vie. Tout le monde essaie de le faire, dehors. Ils le font du matin au soir. Ils n’ont pas le temps de rêver. Résultat, ils vivent au précipice de la survie et ça empire. En ce qui me concerne, je m’obstine à regarder vers les étoiles et à me demander si les choses pourraient être meilleures. Un fantasme est peut-être un peu fou, mais aucune créature intelligente ne peut survivre longtemps sans ça. »

      « De plus, » ajouta-t-il en pointant un doigt accusateur vers Peter, « vous critiquez, mais ne croyez pas que je ne vois pas au-delà de ce masque de cynisme que vous portez tel un tragédien grec. Mark Twain, lorsqu’il fut accusé d’être un pessimiste, a réalisé qu’il était un optimiste en fait. Un optimiste qui n’est jamais arrivé. Si vous n’idéalisez pas, si vous ne voyez pas le monde tel qu’il devrait être, vous n’auriez jamais pu mettre toute votre colère et votre rage dans votre livre. »

      « Vraiment ? » demanda Peter en haussant un sourcil, amusé. Beaucoup de gens avaient essayé une évaluation psychologique à travers son livre, au succès mitigé.

      « Un cynique n'est qu'un optimiste frustré. Il faut des idéaux pour pouvoir être déçu si on ne les atteint pas. Vous, Peter Stone, êtes un créateur d'utopies sans bonne réserve de bois. »

      « Voilà pourquoi vous vouliez que je vienne. Parce que je suis un loseur ici et vous voulez me donner une autre chance ? Excusez mon cynisme, mais je n'y crois pas. »

      Honon secoua la tête. « Pas du tout. Je veux donner une autre chance à l'Humanité et je pense que vous pourriez être utile. Vous réfléchissez aux phénomènes sociaux. Vous voyez des alternatives là où les autres ne les voient pas et vous n'avez pas peur d'en parler ouvertement. Nous aurons besoin de bonnes alternatives et de critiques sociales si nous voulons y arriver. Voilà les règles et la description du poste. Je vais avoir besoin d'une réponse, d'un engagement de votre part maintenant. Car je ne reviendrai plus par ici. Vous voulez le travail ? »

      Peter n'hésita même pas. « Le salaire est un peu médiocre, mais il semble y avoir de bons avantages. Si vous voulez partager une partie de votre rêve avec moi, j'accepterai. »