Alcools. Guillaume Apollinaire

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Название Alcools
Автор произведения Guillaume Apollinaire
Жанр Поэзия
Серия
Издательство Поэзия
Год выпуска 0
isbn



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au long des portées

      De rails leur folie de machines

      Les cafés gonflés de fumée

      Crient tout l'amour de leurs tziganes

      De tous leurs siphons enrhumés

      De leurs garçons vêtus d'un pagne

      Vers toi toi que j'ai tant aimée

      Moi qui sais des lais pour les reines

      Les complaintes de mes années

      Des hymnes d'esclave aux murènes

      La romance du mal aimé

      Et des chansons pour les sirènes

      LES COLCHIQUES

      Le pré est vénéneux mais joli en automne

      Les vaches y paissant

      Lentement s'empoisonnent

      Le colchique couleur de cerne et de lilas

      Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la

      Violatres comme leur cerne et comme cet automne

      Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne

      Les enfants de l'école viennent avec fracas

      Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica

      Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères

      Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières

      Qui battent comme les fleurs battent au vent dément

      Le gardien du troupeau chante tout doucement

      Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent

      Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne

      PALAIS

A Max Jacob

      Vers le palais de Rosemonde au fond du Rêve

      Mes rêveuses pensées pieds nus vont en soirée

      Le palais don du roi comme un roi nu s'élève

      Des chairs fouettées des roses de la roseraie

      On voit venir au fond du jardin mes pensées

      Qui sourient du concert joué par les grenouilles

      Elles ont envie des cyprès grandes quenouilles

      Et le soleil miroir des roses s'est brisé

      Le stigmate sanglant des mains contre les vitres

      Quel archet mal blessé du couchant le troua

      La résine qui rend amer le vin de Chypre

      Ma bouche aux agapes d'agneau blanc l'éprouva

      Sur les genoux pointus du monarque adultère

      Sur le mai de son âge et sur son trente et un

      Madame Rosemonde roule avec mystère

      Ses petits yeux tout ronds pareils aux yeux des Huns

      Dame de mes pensées au cul de perle fine

      Dont ni perle ni cul n'égale l'orient

      Qui donc attendez-vous

      De rêveuses pensées en marche à l'Orient

      Mes plus belles voisines

      Toc toc Entrez dans l'antichambre le jour baisse

      La veilleuse dans l'ombre est un bijou d'or cuit

      Pendez vos têtes aux patères par les tresses

      Le ciel presque nocturne a des lueurs d'aiguilles

      On entra dans la salle à manger les narines

      Reniflaient une odeur de graisse et de graillon

      On eut vingt potages dont trois couleurs d'urine

      Et le roi prit deux oeufs pochés dans du bouillon

      Puis les marmitons apportèrent les viandes

      Des rôtis de pensées mortes dans mon cerveau

      Mes beaux rêves mort-nés en tranches bien saignantes

      Et mes souvenirs faisandés en godiveaux

      Or ces pensées mortes depuis des millénaires

      Avaient le fade goût des grands mammouths gelés

      Les os ou songe-creux venaient des ossuaires

      En danse macabre aux plis de mon cervelet

      Et tous ces mets criaient des choses nonpareilles

      Mais nom de Dieu!

      Ventre affamé n'a pas d'oreilles

      Et les convives mastiquaient à qui mieux mieux

      Ah! nom de Dieu! qu'ont donc crié ces entrecôtes

      Ces grands pâtés ces os à moelle et mirotons

      Langues de feu où sont-elles mes pentecôtes

      Pour mes pensées de tous pays de tous les temps

      CHANTRE

      Et l'unique cordeau des trompettes marines

      CRÉPUSCULE

A Mademoiselle Marie Laurencin

      Frôlée par les ombres des morts

      Sur l'herbe où le jour s'exténue

      L'arlequine s'est mise nue

      Et dans l'étang mire son corps

      Un charlatan crépusculaire

      Vante les tours que l'on va faire

      Le ciel sans teinte est constellé

      D'astres pâles comme du lait

      Sur les tréteaux l'arlequin blême

      Salue d'abord les spectateurs

      Des sorciers venus de Bohême

      Quelques fées et les enchanteurs

      Ayant décroché une étoile

      Il la manie à bras tendu

      Tandis que des pieds un pendu

      Sonne en mesure les cymbales

      L'aveugle berce un bel enfant

      La biche passe avec ses faons

      Le nain regarde d'un air triste

      Grandir l'arlequin trismégiste

      ANNIE

      Sur la côte du Texas

      Entre Mobile et Galveston il y a

      Un grand jardin tout plein de roses

      Il contient aussi une villa

      Qui est une grande rose

      Une femme se promène souvent

      Dans le jardin toute seule

      Et quand je passe sur la route bordée de tilleuls

      Nous nous regardons

      Comme cette femme est mennonite

      Ses rosiers et ses vêtements n'ont pas de boutons

      Il en manque deux à mon veston

      La dame et moi suivons presque le même rite

      LA MAISON DES MORTS

A Maurice Raynal

      S'étendant sur les côtés du cimetière

      La maison des morts l'encadrait comme