Romans et contes. Gautier Théophile

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Название Romans et contes
Автор произведения Gautier Théophile
Жанр Зарубежная классика
Серия
Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
isbn



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Parisien Octave savait le latin, l’italien, l’espagnol, quelques mots d’anglais; mais, comme tous les Gallo-Romains, il ignorait entièrement les langues slaves. – Les chevaux de frise de consonnes qui défendent les rares voyelles du polonais lui en eussent interdit l’approche quand bien même il eût voulu s’y frotter. – A Florence, la comtesse lui avait toujours parlé français ou italien, et la pensée d’apprendre l’idiome dans lequel Mickiewicz a presque égalé Byron ne lui était pas venue. On ne songe jamais à tout!

      A l’audition de cette phrase il se passa dans la cervelle du comte, habitée par le moi d’Octave, un très-singulier phénomène: les sons étrangers au Parisien suivant les replis d’une oreille slave, arrivèrent à l’endroit habituel où l’âme d’Olaf les accueillait pour les traduire en pensées, et y évoquèrent une sorte de mémoire physique; leur sens apparut confusément à Octave; des mots enfouis dans les circonvolutions cérébrales, au fond des tiroirs secrets du souvenir, se présentèrent en bourdonnant, tout prêts à la réplique; mais ces réminiscences vagues, n’étant pas mises en communication avec l’esprit, se dissipèrent bientôt, et tout redevint opaque. L’embarras du pauvre amant était affreux; il n’avait pas songé à ces complications en gantant la peau du comte Olaf Labinski, et il comprit qu’en volant la forme d’un autre on s’exposait à de rudes déconvenues.

      Prascovie, étonnée du silence d’Octave, et croyant que, distrait par quelque rêverie, il ne l’avait pas entendue, répéta sa phrase lentement et d’une voix plus haute.

      S’il entendait mieux le son des mots, le faux comte n’en comprenait pas davantage la signification; il faisait des efforts désespérés pour deviner de quoi il pouvait s’agir; mais pour qui ne les sait pas, les compactes langues du Nord n’ont aucune transparence, et si un Français peut soupçonner ce que dit une Italienne, il sera comme sourd en écoutant parler une Polonaise. – Malgré lui, une rougeur ardente couvrit ses joues; il se mordit les lèvres, et, pour se donner une contenance, découpa rageusement le morceau placé sur son assiette.

      «On dirait en vérité, mon cher seigneur, dit la comtesse, cette fois, en français, que vous ne m’entendez pas, ou que vous ne me comprenez point…

      – En effet, balbutia Octave-Labinski, ne sachant trop ce qu’il disait… cette diable de langue est si difficile!

      – Difficile! oui, peut-être pour des étrangers, mais pour celui qui l’a bégayée sur les genoux de sa mère, elle jaillit des lèvres comme le souffle de la vie, comme l’effluve même de la pensée.

      – Oui, sans doute, mais il y a des moments où il me semble que je ne la sais plus.

      – Que contez-vous là, Olaf? quoi! vous l’auriez oubliée, la langue de vos aïeux, la langue de la sainte patrie, la langue qui vous fait reconnaître vos frères parmi les hommes, et, ajouta-t-elle plus bas, la langue dans laquelle vous m’avez dit la première fois que vous m’aimiez!

      – L’habitude de me servir d’un autre idiome…» hasarda Octave-Labinski à bout de raisons.

      «Olaf, répliqua la comtesse d’un ton de reproche, je vois que Paris vous a gâté; j’avais raison de ne pas vouloir y venir. Qui m’eût dit que lorsque le noble comte Labinski retournerait dans ses terres, il ne saurait plus répondre aux félicitations de ses vassaux?»

      Le charmant visage de Prascovie prit une expression douloureuse; pour la première fois la tristesse jeta son ombre sur ce front pur comme celui d’un ange; ce singulier oubli la froissait au plus tendre de l’âme, et lui paraissait presque une trahison.

      Le reste du déjeuner se passa silencieusement: Prascovie boudait celui qu’elle prenait pour le comte. Octave était au supplice, car il craignait d’autres questions qu’il eût été forcé de laisser sans réponse.

      La comtesse se leva et rentra dans ses appartements.

      Octave, resté seul, jouait avec le manche d’un couteau qu’il avait envie de se planter au cœur, car sa position était intolérable: il avait compté sur une surprise, et maintenant il se trouvait engagé dans les méandres sans issue pour lui d’une existence qu’il ne connaissait pas: en prenant son corps au comte Olaf Labinski, il eût fallu lui dérober aussi ses notions antérieures, les langues qu’il possédait, ses souvenirs d’enfance, les mille détails intimes qui composent le moi d’un homme, les rapports liant son existence aux autres existences: et pour cela tout le savoir du docteur Balthazar Cherbonneau n’eût pas suffi. Quelle rage! être dans ce paradis dont il osait à peine regarder le seuil de loin; habiter sous le même toit que Prascovie, la voir, lui parler, baiser sa belle main avec les lèvres mêmes de son mari, et ne pouvoir tromper sa pudeur céleste, et se trahir à chaque instant par quelque inexplicable stupidité! «Il était écrit là-haut que Prascovie ne m’aimerait jamais! Pourtant j’ai fait le plus grand sacrifice auquel puisse descendre l’orgueil humain: j’ai renoncé à mon moi et consenti à profiter sous une forme étrangère de caresses destinées à un autre!»

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