Le Piccinino. Жорж Санд

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Название Le Piccinino
Автор произведения Жорж Санд
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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là, c'est comme ouvriers et non comme amis.

      – Qu'est-ce que cela fait, pourvu qu'on y soit? Tu y entreras donc? Oh! que je voudrais être à ta place!

      – Mais quelle est donc cette rage de voir?

      – Voir ce qui est beau, Michel, n'est-ce pas tout? Quand tu dessines une belle figure, j'ai du plaisir à la regarder peut-être plus que toi qui l'as faite.

      – Mais si tu étais là, ce serait à la condition de te tenir cachée dans quelque petite niche, car si l'on te voyait on te ferait sortir; tu ne pourrais ni danser, ni te montrer!

      – Fort bien; mais je verrais danser, ce serait beaucoup.

      – Tu es un enfant. Bonsoir.

      – Je vois bien que tu ne veux pas m'emmener!

      – Non, certes, je ne le puis. On te chasserait, et il me faudrait casser la tête à l'insolent valet qui t'insulterait à mon bras.

      – Comment! il n'y a pas un petit coin grand comme la main où je pourrais me cacher? Je suis si petite! Vois, Michel, je tiendrais dans ton armoire. D'ailleurs, sans me faire entrer, tu pourrais bien me conduire à la porte, et notre père ne serait pas mécontent de me savoir là avec toi.»

      Michel fit un beau sermon à Mila sur la curiosité puérile, et sur ce besoin instinctif et violent qu'elle éprouvait d'aller s'enivrer du spectacle des grandeurs patriciennes. Il oublia qu'il était dévoré du même désir, et qu'il lui tardait de se trouver seul pour s'y abandonner.

      Mila entendit raison lorsque Michel lui dit qu'il allait aider son père à surveiller l'ordonnance matérielle de la fête; mais elle n'en fit pas moins un gros soupir.

      «Allons, dit-elle en s'arrachant de la fenêtre, il n'y faut plus songer. Au reste, c'est bien ma faute; car si j'avais pu prévoir que cela me donnerait tant d'envie, j'aurais très-bien pu dire à la princesse de m'inviter.

      – Voilà que tu redeviens folle au moment où je te croyais raisonnable, Mila! Est-ce que la princesse pourrait t'inviter, quand même elle en aurait la fantaisie?

      – Mais certainement; n'est-elle pas maîtresse de son propre logis?

      – Oui-da! et que diraient toutes ces antiques douairières, toutes ces augustes pécores, si elles voyaient sauter au milieu de leurs nobles poupées de filles, la petite Mila avec son corset de velours et son jupon rayé?

      – Tiens! j'y ferais peut-être meilleure figure qu'elles toutes, jeunes et vieilles!

      – Ce n'est pas une raison.

      – Cela, je le sais; mais la princesse est reine dans sa maison, et je parie qu'elle m'invite au premier bal qu'il lui plaira de donner.

      – Tu le lui demanderas, n'est-ce pas?

      – Certes! je la connais et elle m'aime beaucoup; c'est mon amie.»

      Et, en disant cela, Mila se redressa et prit un air d'importance si drôle et si joli que Michel l'embrassa en riant.

      «J'aime à voir, Mila, dit-il, que tu ne doutes de rien. Et pourquoi te détromperais-je? Tu perdras assez tôt les illusions confiantes de ton âge d'or! Mais, puisque tu connais si bien cette princesse, parle-m'en donc un peu, ma bonne petite sœur, et dis-moi comment il se fait que tu sois si intimement liée avec elle, sans que j'en sache rien.

      – Ah! ah! Michel, tu es curieux de savoir cela, à présent! et jusqu'ici pourtant tu ne l'étais guère. Mais, puisque tu as été si peu pressé de me questionner, tu attendras bien encore jusqu'à ce qu'il me plaise de te répondre.

      – C'est donc un secret?

      – Peut-être! que t'importe?

      – Il m'importe fort peu, en effet, de savoir quoi que ce soit touchant cette princesse. Elle a un beau palais, j'y travaille, elle me paie, je ne me soucie pas d'autre chose pour le moment. Mais rien de ce qui intéresse ma petite Mila ne peut m'être indifférent et ne doit m'être caché, ce me semble?

      – Tu me flattes maintenant pour me faire parler. Eh bien, je ne parlerai pas, voilà! Seulement, je te montrerai quelque chose qui te fera ouvrir de grands yeux. Tiens, regarde, que dis-tu de ce bijou?»

      Et Mila tira de son sein un médaillon entouré de gros diamants.

      «Ils sont fins, dit-elle, et valent je ne sais combien d'argent. Il y aurait de quoi me faire une dot si je voulais les vendre; mais je ne m'en séparerai jamais, puisque cela vient de ma meilleure amie.

      – Et cette amie, c'est la princesse de Palmarosa?

      – Oui, c'est Agathe Palmarosa; ne vois-tu pas son chiffre gravé sur l'or du médaillon?

      – Oui, en vérité! Mais qu'y a-t-il dans ce bijou précieux?

      – Des cheveux, de beaux cheveux châtain clair, nuancés de blond, frisés naturellement, et si fins! dit la jeune fille en ouvrant le médaillon. N'est-ce pas qu'ils sont doux et brillants?

      – Ce ne sont pas ceux de la princesse, car les siens sont noirs.

      – Tu l'as donc vue, enfin?

      – Oui, je l'ai aperçue tantôt. Mais dites-moi donc, Mila, quels sont ces cheveux que vous portez sur votre cœur et dans un médaillon si précieux?

      – Curieux que tu es! tu es aveugle et lourd comme tous les curieux. Tu ne les reconnais pas? Tu ne te souviens pas d'où ils me viennent?

      – Non, en vérité.

      – Eh bien, pose-les auprès des tiens, et tu les reconnaîtras, quoique ta tête ait un peu bruni depuis un an.

      – Chère petite sœur! oui, je me souviens, en effet, que tu les a coupés sur mon front le jour où tu as quitté Rome… et tu les a conservés ainsi!..

      – Je les portais dans un petit sac noir. Mon amie Agathe m'a demandé de quel saint était la relique de mon scapulaire, et quand je lui ai dit que c'étaient les cheveux de mon frère unique et bien-aimé, elle les a pris en me disant qu'elle me les renverrait le lendemain; et, le lendemain, elle me faisait remettre par notre père ce beau joyau plein de tes cheveux. Pourtant il en manquait. Le bijoutier qui les a enchâssés là-dedans en aura volé ou perdu.

      – Perdu, cela se peut, dit Michel en souriant, mais volé!.. Ces cheveux n'ont de prix que pour toi, Mila!

      X.

      PROBLÈME

      – Mais, enfin, d'où vient cette amitié de la princesse, reprit Michel après une pause, et quel service lui as-tu jamais rendu pour qu'elle te fasse de pareils présents?

      – Aucun. Mon père, qui est bien avec elle, m'a emmenée un jour au palais pour me présenter. Je lui ai plu; elle m'a fait mille caresses; elle m'a demandé mon amitié, je la lui ai promise et donnée tout de suite. J'ai passé la journée toute seule avec elle à me promener dans sa villa et dans ses jardins. Depuis ce temps-là, j'y vais quand je veux, et je suis toujours sûre d'être bien reçue.

      – Et tu y vas souvent?

      – Je n'y suis encore retournée que deux fois, car il n'y a pas longtemps que j'ai fait connaissance avec elle. Depuis huit jours, je sais que le palais a été sens-dessus-dessous pour les apprêts de ce bal, et j'aurais craint de gêner ma chère Agathe dans un moment où elle avait sans doute beaucoup d'occupations. Mais j'irai dans deux ou trois jours.

      – Ainsi, voilà tout le mystère? Pourquoi te faisais-tu prier pour me le dire?

      – Ah! parce que la princesse m'a dit en me quittant: «Mila, je te prie de ne parler à personne de la bonne journée que nous avons passée ensemble, et de l'amitié que nous avons contractée. J'ai mes raisons pour te demander le secret là-dessus. Tu les sauras plus tard, et je sais que je peux compter sur ta parole, si tu veux bien me la donner.» Tu penses bien, Michel, que je ne la lui ai pas refusée?

      – Fort bien; mais tu y manques, maintenant.

      – Je n'y manque pas. Tu n'es pas un autre pour