La San-Felice, Tome 05. Dumas Alexandre

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Название La San-Felice, Tome 05
Автор произведения Dumas Alexandre
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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reine est malade, dit-il, et ne peut recevoir personne.

      Vanni, ne comprenant pas l'anglais ou feignant de ne pas le comprendre, continuait à se cramponner à l'échelle, d'où le factionnaire le repoussait sans cesse.

      Un autre officier vint, qui lui notifia le refus en mauvais italien.

      –Alors, demandez au roi, cria Vanni. Il est impossible que le roi, que j'ai si fidèlement servi, repousse la requête que j'ai à lui présenter.

      Les deux officiers se consultaient sur ce qu'il y avait à faire, lorsque, en ce moment même, le roi parut sur le pont, reconduisant l'archevêque.

      –Sire! sire! cria Vanni en apercevant le roi, c'est moi! c'est votre fidèle serviteur!

      Le roi, sans répondre à Vanni, baisa la main de l'archevêque.

      L'archevêque descendit l'escalier, et, arrivé à Vanni, s'effaça le plus qu'il put pour ne point le toucher, même de ses vêtements.

      Ce mouvement de répulsion, fort peu chrétien, du reste, fut remarqué des barques, où il souleva un murmure d'approbation.

      Le roi saisit cette démonstration au passage et résolut d'en tirer profit.

      C'était une lâcheté de plus; mais Ferdinand, à cet endroit, avait cessé de calculer.

      –Sire, répéta Vanni, la tête découverte et les bras étendus vers le roi, c'est moi!

      –Qui, vous? demanda le roi avec ce nasillement qui, dans ses goguenarderies, lui donnait tant de ressemblance avec Polichinelle.

      –Moi, le marquis Vanni.

      –Je ne vous connais pas, dit le roi.

      –Sire, s'écria Vanni, vous ne reconnaissez pas votre procureur fiscal, le rapporteur de la junte d'État?

      –Ah! oui, dit le roi, c'est vous qui disiez que la tranquillité ne serait rétablie dans le royaume que lorsqu'on aurait arrêté tous les nobles, tous les barons, tous les magistrats, tous les jacobins, enfin; c'est vous qui demandiez la tête de trente-deux personnes et qui vouliez donner la torture à Medici, à Canzano, à Teodoro Montecelli.

      La sueur coulait du front de Vanni.

      –Sire! murmura-t-il.

      –Oui, répondit le roi, je vous connais, mais de nom seulement; je n'ai jamais eu affaire à vous, ou plutôt vous n'avez jamais eu affaire à moi. Vous ai-je jamais personnellement donné un seul ordre?

      –Non, sire, c'est vrai, dit Vanni en secouant la tête. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait par le commandement de la reine.

      –Eh bien, alors, dit le roi, si vous avez quelque chose à demander, demandez-le à la reine et non à moi.

      –Sire, je me suis, en effet, adressé à la reine.

      –Bon! dit le roi, qui voyait combien son refus était approuvé par tous les assistants et qui, reconquérant un peu de sa popularité par l'acte d'ingratitude qu'il faisait, au lieu d'abréger la conversation, cherchait à la prolonger; eh bien?

      –La reine a refusé de me recevoir, sire.

      –C'est désagréable pour vous, mon pauvre marquis; mais, comme je n'approuvais pas la reine quand elle vous recevait, je ne puis la désapprouver quand elle ne vous reçoit pas.

      –Sire! s'écria Vanni avec l'accent d'un naufragé qui sent glisser entre ses bras l'épave à laquelle il s'était cramponné, et sur laquelle il fondait son salut; sire! vous savez bien qu'après les soins que j'ai rendus à votre gouvernement, je ne puis rester à Naples… Me refuser l'asile que je vous demande sur un des bâtiments de la flotte anglaise, c'est me condamner à mort: les jacobins me pendront!

      –Et avouez, dit le roi, que vous l'aurez bien mérité!

      –Oh! sire! sire! il manquait à mon malheur l'abandon de Votre Majesté!

      –Ma Majesté, mon cher marquis, n'est pas plus puissante ici qu'à Naples. La vraie Majesté, vous le savez bien, c'est la reine. C'est la reine qui règne. Moi, je chasse et je m'amuse, – pas dans ce moment-ci, je vous prie de le croire; c'est la reine qui a fait venir M. Mack et qui l'a nommé général en chef; c'est la reine qui fait la guerre; c'est la reine qui veut aller en Sicile. Chacun sait que, moi, je voulais rester à Naples. Arrangez-vous avec la reine; mais je ne puis m'occuper de vous.

      Vanni prit, d'un geste désespéré, sa tête entre ses mains.

      –Ah! si fait, dit le roi, je puis vous donner un conseil…

      Vanni releva le front, un rayon d'espoir passa sur son visage livide.

      –Je puis, continua le roi, vous donner le conseil d'aller à bord de la Minerve, où est embarqué le duc de Calabre et sa maison, demander passage à l'amiral Caracciolo. Mais, quant à moi, bonjour, cher marquis! bon voyage!

      Et le roi accompagna ce souhait d'un bruit grotesque qu'il faisait avec la bouche et qui imitait, à s'y méprendre, celui que fait le diable dont parle Dante et qui se servait de sa queue au lieu de trompette.

      Quelques rires éclatèrent, malgré la gravité de la situation; quelques cris de «Vive le roi!» se firent entendre; mais ce qui fut unanime, ce fut le concert de huées et de sifflets qui accompagna le départ de Vanni.

      Si peu de chance qu'il y eût dans ce conseil donné par le roi, c'était un dernier espoir. Vanni s'y cramponna et donna l'ordre de ramer vers la frégate la Minerve, qui se balançait gracieusement à l'écart de le flotte anglaise, portant à son grand mât le pavillon indiquant qu'elle avait à bord le prince royal.

      Trois hommes montés sur la dunette suivaient, avec des longues-vues, la scène que nous venons de raconter. C'étaient le prince royal, l'amiral Caracciolo et le chevalier San-Felice, dont la lunette, nous devons le dire, se tournait plus souvent du côté de Mergellina, où s'élevait la maison du Palmier, que du côté de Sorrente, dans la direction de laquelle était ancré le Van-Guard.

      Le prince royal vit cette barque qui, à force de rames, se dirigeait vers la Minerve, et, comme il avait vu l'homme qui la montait parler longtemps au roi, il fixa avec une attention toute particulière sa lunette sur cet homme.

      Tout à coup, le reconnaissant:

      –C'est le marquis Vanni, le procureur fiscal! s'écria-t-il.

      –Que vient faire à mon bord ce misérable? demanda Caracciolo en fronçant le sourcil.

      Puis, se rappelant tout à coup que Vanni était l'homme de la reine:

      –Pardon, Altesse, dit-il en riant, vous savez que les marins et les juges ne portent pas le même uniforme; peut-être un préjugé me rend-il injuste.

      –Il ne s'agit point ici de préjugé, mon cher amiral, répondit le prince François: il s'agit de conscience. Je comprends tout. Vanni a peur de rester à Naples, Vanni veut fuir avec nous. Il a été demander au roi de le recevoir sur le Van-Guard: le roi ayant refusé, le malheureux vient à nous.

      –Et quel est l'avis de Votre Altesse à l'endroit de cet homme? demanda Caracciolo.

      –S'il vient avec un ordre écrit de mon père, mon cher amiral, comme nous devons obéissance à mon père, recevons-le; mais, s'il n'est point porteur d'un ordre écrit bien en règle, vous êtes maître suprême à votre bord, amiral, vous ferez ce que vous voudrez. Viens, San-Felice.

      Et le prince descendit dans la cabine de l'amiral, que celui-ci lui avait cédée, entraînant derrière lui son secrétaire.

      La barque s'approchait. L'amiral fit descendre un matelot sur le dernier degré de l'escalier, au haut duquel il se tint les bras croisés.

      –Ohé! de la barque! cria le matelot, qui vive?

      –Ami, répondit Vanni.

      L'amiral sourit dédaigneusement.

      –Au large! dit le matelot. Parlez à l'amiral.

      Les rameurs, qui savaient à quoi s'en tenir sur Caracciolo à l'endroit de la discipline,