Название | Le magasin d'antiquités, Tome II |
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Автор произведения | Чарльз Диккенс |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
Leur ami partagea son déjeuner, une petite ration de café et du pain grossier, avec l'enfant et son grand-père; puis il leur demanda où ils se proposaient d'aller. Nell répondit qu'ils avaient envie de gagner quelque campagne éloignée, tout à fait à l'écart des villes et même des villages, et d'une voix hésitante elle s'informa de la meilleure direction qu'ils auraient à prendre.
«Je connais peu la campagne, dit-il en secouant la tête; car passant toute notre vie devant les bouches de nos fournaises, je vais rarement respirer dehors. Mais il paraît qu'il y a là-bas des endroits comme ça.
– Et est-ce loin d'ici? dit Nelly.
– Oh! sûrement oui. Comment pourraient-ils être près de nous, et rester verts et frais? La route s'étend, à travers des milles et des milles, tout éclairée par des feux semblables aux nôtres, une singulière route, allez, toute noire, et qui vous ferait bien peur la nuit.
– Nous perdons notre temps ici, il faut partir, dit l'enfant avec force, car elle avait remarqué que le vieillard écoutait ces détails avec anxiété.
– De dures gens, des sentiers qui n'ont jamais été faits pour de petits pieds comme les vôtres, triste chemin sans lumière. N'allez pas par là, mon enfant!
– N'importe, s'écria Nell en insistant. Si vous pouvez nous renseigner, faites. Sinon, je vous prie de ne pas essayer de nous détourner de notre dessein. En vérité vous ne savez pas quel danger nous fuyons, et combien nous avons de raisons pour le fuir: autrement, vous ne chercheriez pas, j'en suis sûre, vous ne chercheriez pas à nous arrêter.
– Dieu m'en garde, s'il en est ainsi! dit l'étrange protecteur en promenant son regard de l'enfant émue à son grand-père qui tenait la tête penchée et les yeux fixés sur la terre. Je vous enseignerai le mieux possible votre chemin, à partir de la porte. Je voudrais pouvoir faire davantage.»
Il leur indiqua alors la direction qu'ils auraient à prendre pour sortir de la ville, puis par où ils devraient aller quand ils seraient arrivés là. Il s'étendit tellement sur ces instructions, que l'enfant, tout en le remerciant avec chaleur, se mit en devoir de s'éloigner et partit afin de n'en pas entendre davantage.
Mais avant que nos voyageurs eussent atteint le coin de la ruelle, l'homme arriva courant après eux; il serra la main de Nell et y laissa quelque chose, deux vieux sous usés et incrustés de noir de fumée. Qui sait si ces deux sous ne brillèrent pas autant aux yeux des anges que les dons fastueux qu'on a soin d'inscrire sur les tombes?
Ce fut ainsi qu'ils se séparèrent: l'enfant pour conduire son dépôt sacré plus loin encore du crime et de la honte; le chauffeur pour retrouver un intérêt de plus à la place où avaient dormi ses hôtes et lire de nouvelles histoires dans le feu de la fournaise.
CHAPITRE VIII
Dans tout le cours de leur voyage, Nelly et le vieillard n'avaient jamais plus que maintenant désiré ardemment, appelé de leurs voeux, de leurs soupirs l'air libre et pur de la pleine campagne. Non, pas même dans cette mémorable matinée où, quittant leur vieille maison, ils s'abandonnèrent à la merci d'un monde inconnu et laissèrent derrière eux les objets muets et inanimés qu'ils avaient connus et aimés; pas même alors ils ne s'étaient sentis, comme maintenant, émus et entraînés vers les fraîches solitudes des bois, vers les pentes des collines, les champs enfin, à présent que le bruit, la saleté, la vapeur, ces exhalaisons de la grande cité manufacturière, en se joignant à la dernière misère, à la faiblesse et à l'inanition, les entouraient de tous côtés et semblaient leur interdire toute espérance, leur fermer et leur murer l'avenir.
«Deux jours et deux nuits! pensait l'enfant. Il a dit que nous aurions à passer deux jours et deux nuits au milieu de tableaux semblables à ceux-ci. Oh! si nous vivions assez pour gagner une fois encore la campagne, si nous pouvions échapper à cet affreux endroit, ne fût-ce que pour nous coucher et mourir, avec quel coeur reconnaissant je remercierais Dieu pour un si grand bienfait!»
C'est avec des pensées semblables, avec un vague projet d'aller à une grande distance par delà les fleuves et les montagnes, là où vivaient seulement des gens pauvres et simples de coeur, là où elle pourrait subsister avec le vieillard en portant leur humble part de travail dans les fermes et où ils seraient affranchis des terreurs qu'ils avaient fuies; c'est ainsi, disons-nous, que l'enfant, sans autre ressource que le don d'un pauvre homme, sans autre appui que celui qu'elle tirait de son coeur et du sentiment d'avoir agi selon son droit et son devoir, s'encourageait elle- même à ce dernier voyage et poursuivait courageusement sa tâche.
– Nous irons bien lentement, cher père, dit-elle, tandis qu'ils s'acheminaient péniblement à travers les rues; mes pieds sont écorchés, et la pluie d'hier m'a laissé des douleurs dans tous les membres. J'ai bien vu qu'il nous examinait et qu'il pensait à tout cela quand il a dit que nous serions si longtemps en route.
– Une route affreuse, a-t-il dit, répliqua tristement le grand- père. N'y en a-t-il pas d'autre? Ne voulez-vous pas que nous en prenions une autre?
– Il y a, dit l'enfant avec fermeté, des endroits où nous pourrons vivre en paix sans être tentés de rien faire de mal. Nous prendrons le chemin qui promet d'aboutir à ce but, et nous ne devons pas nous en détourner, fût-il pire cent fois que notre imagination ne nous le fait craindre. Nous ne devons pas, cher père, nous ne devons pas nous en détourner, n'est-il pas vrai?
– Non, répondit le vieillard changeant de voix comme d'attitude, non. Allons de ce côté. Je suis prêt. Je suis tout à fait prêt, Nelly.»
L'enfant marchait plus difficilement qu'elle ne l'avait donné à croire à son compagnon; car les douleurs qu'elle souffrait dans toutes ses articulations étaient des plus vives, et chaque mouvement venait les accroître. Mais elles ne lui arrachaient pas une plainte, rien qui annonçât la souffrance; et bien que les deux voyageurs marchassent très-lentement, ils avançaient; et, ayant avec le temps traversé la ville, ils commencèrent à s'apercevoir qu'ils étaient bien sur le chemin.
Après avoir suivi un long faubourg de maisons en brique rouge, dont quelques-unes avaient de petits jardins où la poussière du charbon et la fumée des fabriques avaient noirci les feuilles étiolées et les fleurs en désordre, où la végétation luttait et malgré ses efforts succombait sous l'ardente haleine du four et de la fournaise; un faubourg qui leur sembla plus sombre encore et plus malsain que la ville elle-même; un faubourg long, plat, tortueux, ils arrivèrent peu à peu à un lieu triste où l'on ne voyait pas poindre un seul brin d'herbe, où pas un bouton ne promettait une fleur pour le printemps, où pas une apparence de verdure ne pouvait exister à la surface des mares stagnantes qui çà et là s'étendaient à l'aise, à demi desséchées, sur le bord noirci de la route.
À mesure qu'ils pénétraient dans l'ombre de cet endroit lugubre, son influence pénible et accablante pesait davantage sur leur esprit qu'elle remplissait d'une cruelle mélancolie. De tous côtés, aussi loin que l'oeil pouvait mesurer l'interminable étendue, de bautes cheminées, superposées les unes sur les autres et offrant la répétition invariable de la même forme triste et laide qui est le fond horrible des mauvais rêves, vomissaient leur fumée pestilentielle, obscurcissaient la lumière et salissaient l'air assombri. Au bord de la route, sur des remblais de cendres maintenus seulement par quelques mauvaises planches ou des débris de toits de poulaillers, d'étranges machines s'agitaient et se tordaient comme des malheureux à la torture, faisant retentir leurs chaînes de fer, criant de temps à autre dans leur rapide évolution comme dans un supplice insupportable, et faisant trembler le sol du bruit de cette espèce d'agonie. Des maisons délabrées apparaissaient çà et là, penchant vers la terre, étayées par les ruines de celles qui étaient déjà tombées, sans toit, sans fenêtres, noires, dévastées et cependant habitées encore. Des hommes, des femmes, des enfants, pâles et déguenillés,