Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 4. Bastiat Frédéric

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Название Œuvres Complètes de Frédéric Bastiat, tome 4
Автор произведения Bastiat Frédéric
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
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n'y a que deux moyens de se procurer les choses nécessaires à la conservation, à l'embellissement et au perfectionnement de la vie: la Production et la Spoliation.

      Quelques personnes disent: La Spoliation est un accident, un abus local et passager, flétri par la morale, réprouvé par la loi, indigne d'occuper l'Économie politique.

      Cependant, quelque bienveillance, quelque optimisme que l'on porte au cœur, on est forcé de reconnaître que la Spoliation s'exerce dans ce monde sur une trop vaste échelle, qu'elle se mêle trop universellement à tous les grands faits humains pour qu'aucune science sociale, et l'Économie politique surtout, puisse se dispenser d'en tenir compte.

      Je vais plus loin. Ce qui sépare l'ordre social de la perfection (du moins de toute celle dont il est susceptible), c'est le constant effort de ses membres pour vivre et se développer aux dépens les uns des autres.

      En sorte que si la Spoliation n'existait pas, la société étant parfaite, les sciences sociales seraient sans objet.

      Je vais plus loin encore. Lorsque la Spoliation est devenue le moyen d'existence d'une agglomération d'hommes unis entre eux par le lien social, ils se font bientôt une loi qui la sanctionne, une morale qui la glorifie.

      Il suffit de nommer quelques-unes des formes les plus tranchées de la Spoliation pour montrer quelle place elle occupe dans les transactions humaines.

      C'est d'abord la Guerre. – Chez les sauvages, le vainqueur tue le vaincu pour acquérir au gibier un droit, sinon incontestable, du moins incontesté.

      C'est ensuite l'Esclavage. – Quand l'homme comprend qu'il est possible de féconder la terre par le travail, il fait avec son frère ce partage: «À toi la fatigue, à moi le produit.»

      Vient la Théocratie. – «Selon ce que tu me donneras ou me refuseras de ce qui t'appartient, je t'ouvrirai la porte du ciel ou de l'enfer.»

      Enfin arrive le Monopole. – Son caractère distinctif est de laisser subsister la grande loi sociale: Service pour service, mais de faire intervenir la force dans le débat, et par suite, d'altérer la juste proportion entre le service reçu et le service rendu.

      La Spoliation porte toujours dans son sein le germe de mort qui la tue. Rarement c'est le grand nombre qui spolie le petit nombre. En ce cas, celui-ci se réduirait promptement au point de ne pouvoir plus satisfaire la cupidité de celui-là, et la Spoliation périrait faute d'aliment.

      Presque toujours c'est le grand nombre qui est opprimé, et la Spoliation n'en est pas moins frappée d'un arrêt fatal.

      Car si elle a pour agent la Force, comme dans la Guerre et l'Esclavage, il est naturel que la Force à la longue passe du côté du grand nombre.

      Et si c'est la Ruse, comme dans la Théocratie et le Monopole, il est naturel que le grand nombre s'éclaire, sans quoi l'intelligence ne serait pas l'intelligence.

      Une autre loi providentielle dépose un second germe de mort au cœur de la Spoliation, c'est celle-ci:

      La Spoliation ne déplace pas seulement la richesse, elle en détruit toujours une partie.

      La Guerre anéantit bien des valeurs.

      L'Esclavage paralyse bien des facultés.

      La Théocratie détourne bien des efforts vers des objets puérils ou funestes.

      Le Monopole aussi fait passer la richesse d'une poche à l'autre; mais il s'en perd beaucoup dans le trajet.

      Cette loi est admirable. – Sans elle, pourvu qu'il y eût équilibre de force entre les oppresseurs et les opprimés, la Spoliation n'aurait pas de terme. – Grâce à elle, cet équilibre tend toujours à se rompre, soit parce que les Spoliateurs se font conscience d'une telle déperdition de richesses, soit, en l'absence de ce sentiment, parce que le mal empire sans cesse, et qu'il est dans la nature de ce qui empire toujours de finir.

      Il arrive en effet un moment où, dans son accélération progressive, la déperdition des richesses est telle que le Spoliateur est moins riche qu'il n'eût été en restant honnête.

      Tel est un peuple à qui les frais de guerre coûtent plus que ne vaut le butin.

      Un maître qui paie plus cher le travail esclave que le travail libre.

      Une Théocratie qui a tellement hébété le peuple et détruit son énergie qu'elle n'en peut plus rien tirer.

      Un Monopole qui agrandit ses efforts d'absorption à mesure qu'il y a moins à absorber, comme l'effort de traire s'accroît à mesure que le pis est plus desséché.

      Le Monopole, on le voit, est une Espèce du Genre Spoliation. Il a plusieurs Variétés, entre autres la Sinécure, le Privilége, la Restriction.

      Parmi les formes qu'il revêt, il y en a de simples et naïves. Tels étaient les droits féodaux. Sous ce régime la masse est spoliée et le sait. Il implique l'abus de la force et tombe avec elle.

      D'autres sont très-compliquées: Souvent alors la masse est spoliée et ne le sait pas. Il peut même arriver qu'elle croie tout devoir à la Spoliation, et ce qu'on lui laisse, et ce qu'on lui prend, et ce qui se perd dans l'opération. Il y a plus, j'affirme que, dans la suite des temps, et grâce au mécanisme si ingénieux de la coutume, beaucoup de Spoliateurs le sont sans le savoir et sans le vouloir. Les Monopoles de cette variété sont engendrés par la Ruse et nourris par l'Erreur. Ils ne s'évanouissent que devant la Lumière.

      J'en ai dit assez pour montrer que l'Économie politique a une utilité pratique évidente. C'est le flambeau qui, dévoilant la Ruse et dissipant l'Erreur, détruit ce désordre social, la Spoliation. Quelqu'un, je crois que c'est une femme, et elle avait bien raison, l'a ainsi définie: C'est la serrure de sûreté du pécule populaire.

Commentaire

      Si ce petit livre était destiné à traverser trois ou quatre mille ans, à être lu, relu, médité, étudié phrase à phrase, mot à mot, lettre à lettre, de génération en génération, comme un Koran nouveau; s'il devait attirer dans toutes les bibliothèques du monde des avalanches d'annotations, éclaircissements et paraphrases, je pourrais abandonner à leur sort, dans leur concision un peu obscure, les pensées qui précèdent. Mais puisqu'elles ont besoin de commentaire, il me paraît prudent de les commenter moi-même.

      La véritable et équitable loi des hommes, c'est: Échange librement débattu de service contre service. La Spoliation consiste à bannir par force ou par ruse la liberté du débat afin de recevoir un service sans le rendre.

      La Spoliation par la force s'exerce ainsi: On attend qu'un homme ait produit quelque chose, qu'on lui arrache, l'arme au poing.

      Elle est formellement condamnée par le Décalogue: Tu ne prendras point.

      Quand elle se passe d'individu à individu, elle se nomme vol et mène au bagne; quand c'est de nation à nation, elle prend nom conquête et conduit à la gloire.

      Pourquoi cette différence? Il est bon d'en rechercher la cause. Elle nous révélera une puissance irrésistible, l'Opinion, qui, comme l'atmosphère, nous enveloppe d'une manière si absolue, que nous ne la remarquons plus. Car Rousseau n'a jamais dit une vérité plus vraie que celle-ci: «Il faut beaucoup de philosophie pour observer les faits qui sont trop près de nous.»

      Le voleur, par cela même qu'il agit isolément, a contre lui l'opinion publique. Il alarme tous ceux qui l'entourent. Cependant, s'il a quelques associés, il s'enorgueillit devant eux de ses prouesses, et l'on peut commencer à remarquer ici la force de l'Opinion; car il suffit de l'approbation de ses complices pour lui ôter le sentiment de sa turpitude et même le rendre vain de son ignominie.

      Le guerrier vit dans un autre milieu. L'Opinion qui le flétrit est ailleurs, chez les nations vaincues; il n'en sent pas la pression. Mais l'Opinion qui est autour de lui l'approuve et le soutient. Ses compagnons et lui sentent vivement la solidarité qui les lie. La patrie, qui s'est créé des ennemis et des dangers, a besoin d'exalter le courage de ses enfants. Elle décerne aux plus hardis, à ceux qui, élargissant ses frontières,