Le Capitaine Aréna — Tome 1. Dumas Alexandre

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Название Le Capitaine Aréna — Tome 1
Автор произведения Dumas Alexandre
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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Nunziante fut de leur enlever leurs armes: on chargea trente charrettes de fusils, et on les exila hors des murs de Palerme, avec la permission d'y rentrer seulement dans la journée pour leurs affaires, mais avec défense d'y passer la nuit.

      Puis, à peine furent-ils hors des portes, que, sous prétexte d'arriéré de contributions, leurs maisons furent confisquées et mises à bas.

      Le lieu qu'elles occupaient forme aujourd'hui, comme nous l'avons dit, la place du Marché-Neuf de Palerme. Souvent je l'ai traversée, et presque toujours j'ai trouvé l'escalier qui conduit dans la Strada Nova couvert de ces malheureux qui, assis sur les degrés, restent des heures entières à regarder, immobiles et sombres, ce terrain vide où étaient autrefois leurs maisons.

      Les fêtes de sainte Rosalie excitent un grand enthousiasme en Sicile, où l'on n'est pas très-scrupuleux sur Dieu le Père, sur le Christ ou sur la vierge Marie, et où cependant le culte des saints est dégénéré en une véritable adoration: aussi leurs fêtes ressemblent-elles à une suite des saturnales païennes. Chaque ville a son saint de prédilection, pour lequel elle exige que tout étranger ait la même vénération qu'elle; or, comme les honneurs rendus à ce patron sont quelquefois d'une nature fort étrange, il est en général assez dangereux pour tout homme qui n'entend pas ce patois guttural, criblé de z et de g, que parle le peuple en Sicile, de se hasarder au milieu de la foule les jours où les saints prennent l'air. Il n'y avait pas longtemps, quand j'arrivai à Syracuse, qu'un Anglais avait été victime d'une erreur commise par lui à l'endroit d'un de ces bienheureux.

      L'Anglais était un officier de marine descendu à terre pour chasser dans les environs de la ville d'Auguste. Après cinq ou six heures employées fructueusement à cet exercice, il rentrait, son fusil sous le bras, sa carnassière sur le dos; tout à coup, au détour d'une rue, il voit venir à lui, avec de grands cris, une foule frénétique traînant sur un tréteau mobile, attelé de chevaux empanachés, et entouré d'un nuage d'encens, le colosse doré de saint Sébastien. L'officier, à l'aspect de cette bruyante procession, se rangea contre la muraille, et, curieux de voir une chose si nouvelle pour lui, s'arrêta pour laisser passer le saint; mais, comme il était en uniforme et portait un fusil, son immobilité sembla irrespectueuse à la foule, qui lui cria de présenter les armes. L'Anglais n'entendait pas un mot de sicilien, de sorte qu'il ne bougea non plus qu'un Terme, malgré l'injonction reçue. Alors le peuple se mit à le menacer, hurlant l'ordre, inintelligible pour lui, de rendre les honneurs militaires au bienheureux martyr. L'Anglais commença à s'inquiéter de toute cette rumeur et voulut se retirer; mais il lui fut impossible de franchir la barrière menaçante qui s'était formée tout autour de lui, et qui, avec des cris toujours croissants et des gestes de plus en plus animés, lui montrait, les uns leur fusil, les autres le saint. Bientôt cependant l'Anglais, qui ne comprend pas que c'est à lui que s'adresse toute cette colère, puisqu'il n'a rien fait pour l'exciter, croit que c'est le saint qui en est l'objet: il a lu dans la relation de mistress Clarke que les Italiens ont l'habitude d'injurier et de battre les saints dont ils sont mécontents. Ce souvenir est un trait de lumière pour lui: saint Sébastien aura commis quelque méfait dont on veut le punir; comme les démonstrations relatives à son fusil continuent, il croit que pour contenter cette foule il n'a qui ajouter une balle aux flèches dont le saint est tout couvert; en conséquence il ajuste le colasse et lui fait sauter la tête.

      La tête du saint n'était pas retombée à terre que l'Anglais avait déjà reçu vingt-cinq coups de couteau.

      Maintenant, il ne faut pas croire que les aventures finissent toujours d'une façon aussi tragique en Sicile, et que si les étrangers y courent quelques périls, ces périls n'aient pas leur compensation.

      Un de mes amis visitait la Sicile en 1829, avec deux autres compagnons de route, Français comme lui et aventureux comme lui. Arrivés à Catane à la fin de janvier, nos voyageurs apprennent que, le 5 février, il y aura foire brillante et procession solennelle, à propos de la fête de sainte Agathe, patronne de la ville. Aussitôt le triumvirat s'assemble et décide que l'occasion est trop solennelle pour la manquer, et que l'on restera.

      La semaine qui séparait le jour de la détermination prise du jour de la fête s'écoula à essayer de monter sur l'Etna, chose impossible à cette époque, et à visiter les curiosités de Catane, qu'on visite en un jour. On comprend donc, qu'ayant du temps de reste, les trois compagnons ne manquaient pas une promenade, pas un corso. Toute la ville les connaissait.

      La fête arriva. J'ai déjà fait assister mes lecteurs à trop de processions pour que je leur décrive celle-ci: cris, guirlandes, feux d'artifice, girandoles, chants, danses, illuminations, rien n'y manquait.

      Après la procession commença la foire. Cette foire, à laquelle assiste non-seulement la ville tout entière, mais encore toute la population des villages environnants, est le prétexte d'une singulière coutume.

      Les femmes s'enveloppent d'une grande mante noire, s'encapuchonnent la tête; et alors, aussi méconnaissables que si elles portaient un domino et qu'elles eussent un masque sur la figure, ces tuppanelles, c'est le nom qu'on leur donne, arrêtent leurs connaissances en quêtant pour les pauvres; cette quête s'appelle l'aumône de la foire. Ordinairement nul ne la refuse; c'est un commencement de carnaval.

      La procession était donc finie et la foire commencée, lorsque mon ami, que j'appellerai Horace, si l'on veut bien, n'ayant pas le loisir de lui faire demander la permission de mettre ici son nom véritable, attendu que je le crois en Syrie maintenant; lorsque mon ami, dis-je, qui, dans son ignorance de cette coutume, était sorti avec quelques piastres seulement, avait déjà vidé ses poches, fut accosté par deux tuppanelles, qu'à leur voix, à leur tournure et à la coquetterie de leurs manteaux garnis de dentelles, il crut reconnaître pour jeunes. Les jeunes quêteuses, comme on sait, ont toujours une influence favorable sur la quête. Horace, plus qu'aucun autre, était accessible à cette influence: aussi visita-t-il scrupuleusement les deux poches de son gilet et les deux goussets de son pantalon, pour voir si quelque ducat n'avait pas échappé au pillage. Investigation inutile; Horace fut forcé de s'avouer à lui-même qu'il ne possédait pas pour le moment un seul bajoco.

      Il fallut faire cet aveu aux deux tuppanelles, si humiliant qu'il fut; mais, malgré sa véracité, il fut reçu avec une incrédulité profonde. Horace eut beau protester, jurer, offrir de rejoindre ses amis pour leur demander de l'argent, ou de retourner à l'hôtel pour fouiller à son coffre-fort, toutes ces propositions furent repoussées; il avait affaire à des créancières inexorables, qui répondaient à tontes les excuses: — Pas de répit — pas de pitié — de l'aident à l'instant même, ou bien prisonnier.

      L'idée de devenir prisonnier de deux jeunes et probablement de deux jolies femmes, n'était pas une perspective si effrayante, qu'Horace repoussât ce mezzo termine, proposé par l'une d'elles, comme moyen d'accommoder la chose. Il se reconnut donc prisonnier, secouru on non secouru; et, conduit par les deux tuppanelles, il fendit la foule, traversa la foire, et se trouva enfin au coin d'une petite rue qu'il était impossible de reconnaître dans l'obscurité, en face d'une voiture élégante, mais sans armoiries, où on le fit monter. Une fois dans la voiture, une de ses conductrices détacha un mouchoir de soie de son cou et lui banda les yeux. Puis toutes deux se placèrent à ses côtés; chacune lui prit une main, pour qu'il n'essayât pas sans doute de déranger son bandeau, et la voiture partit.

      Autant qu'on peut mesurer le temps en situation pareille, Horace calcula qu'elle avait roulé une demi-heure à peu près; mais, comme on le comprend, cela ne signifiait rien, ses gardiennes ayant pu donner l'ordre à leur cocher de faire des détours pour dérouter le captif. Enfin la voiture s'arrêta. Horace crut que le moment était venu de voir où il se trouvait; il fit un mouvement pour porter la main droite à son bandeau; mais sa voisine l'arrêta en lui disant: — Pas encore! — Horace obéit.

      Alors on l'aida à descendre; on lui fit monter trois marches, puis il entra, et une porte se ferma derrière lui. Il fit encore vingt pas à peu près, puis rencontra un escalier. Horace compta vingt-cinq degrés; au vingt-cinquième, une seconde porte s'ouvrit, et il lui sembla entrer dans un corridor. Il suivit ce corridor pendant douze pas; et ayant franchi une troisième porte, il