La San-Felice, Tome 02. Dumas Alexandre

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Название La San-Felice, Tome 02
Автор произведения Dumas Alexandre
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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roi alla à son secrétaire, ouvrit tous les tiroirs les uns après les autres, et ne trouva rien de ce qu'il cherchait.

      – L'Évangile ment, dit-il.

      Et il retomba tout contrit dans son fauteuil.

      – Que voulez-vous, cardinal! ajouta-t-il en poussant un soupir, je déteste écrire.

      – Votre Majesté est cependant décidée à en prendre la peine cette nuit.

      – Sans doute; mais, vous le voyez, tout me manque; il me faudrait réveiller tout mon monde, et encore… Vous comprenez bien, mon cher ami, quand le roi n'écrit pas, personne n'a de plumes, d'encre ni de papier. Oh! je n'aurais qu'à faire demander tout cela chez la reine, elle en a, elle. C'est une écriveuse. Mais, si l'on savait que j'ai écrit, on croirait, ce qui est vrai, au reste, que l'État est en péril. «Le roi a écrit… A qui? pourquoi?» Ce serait un événement à remuer tout le palais.

      – Sire, c'est donc à moi de trouver ce que vous cherchez inutilement.

      – Et où cela?

      Le cardinal salua le roi, sortit, et, une minute après, rentra avec du papier, de l'encre et des plumes.

      Le roi le regarda d'un air d'admiration.

      – Où diable avez-vous pris cela, Éminence? demanda-t-il.

      – Tout simplement chez vos huissiers.

      – Comment! malgré ma défense, ces drôles-là avaient du papier, de l'encre et des plumes?

      – Il leur faut bien cela pour inscrire les noms de ceux qui viennent solliciter des audiences de Votre Majesté.

      – Je ne leur en ai jamais vu.

      – Parce qu'ils les cachaient dans une armoire. J'ai découvert l'armoire, et voilà tout ce qui est nécessaire à Votre Majesté.

      – Allons, allons, vous êtes homme de ressource. Maintenant, mon éminentissime, dit le roi d'un air dolent, est-il bien nécessaire que cette lettre soit écrite de ma main?

      – Cela vaudra mieux, elle en sera plus confidentielle.

      – Alors, dictez-moi.

      – Oh! sire…

      – Dictez-moi, vous dis-je, ou, sans cela, je serai deux heures à écrire une demi-page. Ah! j'espère bien que San-Nicandro est damné, non-seulement dans le temps, mais encore dans l'éternité, pour avoir fait de moi un pareil âne.

      Le cardinal trempa dans l'encre une plume fraîchement taillée et la présenta au roi.

      – Écrivez donc, sire.

      – Dictez, cardinal.

      – Puisque Votre Majesté l'ordonne, dit Ruffo en s'inclinant.

      Et il dicta.

      «Très-excellent frère, cousin et neveu, allié et confédéré,

      »Je dois vous instruire sans retard de ce qui vient de se passer hier soir au palais de l'ambassadeur d'Angleterre. Lord Nelson, ayant relâché à Naples, au retour d'Aboukir, et sir William Hamilton lui donnant une fête, le citoyen Garat, ministre de la République, a pris cette occasion de me déclarer la guerre de la part de son gouvernement.

      »Faites-moi donc, par le retour du même courrier que je vous envoie, très-excellent frère, cousin et neveu, allié et confédéré, savoir quelles sont vos dispositions pour la prochaine guerre, et surtout l'époque précise à laquelle vous comptez vous mettre en campagne, ne voulant absolument rien faire qu'en même temps que vous et d'accord avec vous.

      »J'attendrai la réponse de Votre Majesté pour me régler en tout point sur les instructions qu'elle me donnera.

      »La présente n'étant à autre fin, je me dis, en lui souhaitant toute sorte de prospérités, de Votre Majesté, le bon frère, cousin et oncle, allié et confédéré.»

      – Ouf! fit le roi.

      Et il leva la tête pour interroger le cardinal.

      – Eh bien, c'est fini, sire, et Votre Majesté n'a plus qu'à signer.

      Le roi signa, selon son habitude: Ferdinand B.

      – Et quand je pense, continua le roi, que j'aurais mis la nuit tout entière à écrire cette lettre. Merci, mon cher cardinal, merci.

      – Que cherche Votre Majesté? demanda Ruffo, qui voyait que le roi cherchait autour de lui avec inquiétude.

      – Une enveloppe.

      – Bien, dit Ruffo, nous allons en faire une.

      – C'est encore une chose que San-Nicandro ne m'a point appris à faire, des enveloppes! Il est vrai qu'ayant oublié de m'apprendre à écrire, il avait regardé la science des enveloppes comme chose inutile.

      – Votre Majesté permet-elle? demanda Ruffo.

      – Comment, si je la permets! dit le roi en se levant. Asseyez-vous là à ma place sur mon fauteuil, mon cher cardinal.

      Le cardinal s'assit sur le fauteuil du roi, et, avec une grande prestesse et une grande habileté, plia et déchira le papier qui devait recouvrir la lettre royale.

      Ferdinand le regardait faire avec admiration.

      – Maintenant, dit le cardinal, Votre Majesté veut-elle me dire où est son sceau?

      – Je vais vous le donner, je vais vous le donner, ne vous dérangez pas, dit le roi.

      La lettre fut cachetée, et le roi mit l'adresse.

      Puis, appuyant son menton dans sa main, il demeura pensif.

      – Je n'ose interroger le roi, demande Ruffo en s'inclinant.

      – Je veux, répondit le roi toujours pensif, que personne ne sache que j'ai écrit cette lettre à mon neveu, ni par qui je l'ai envoyée.

      – Alors, sire, dit en riant Ruffo, Votre Majesté va me faire assassiner en sortant du palais.

      – Vous, mon cher cardinal, vous n'êtes pas quelqu'un pour moi; vous êtes un autre moi-même.

      Ruffo s'inclina.

      – Oh! ne me remerciez point, allez, le compliment n'est pas riche.

      – Comment faire, alors? Il faut cependant que vous envoyiez chercher Ferrari par quelqu'un, sire.

      – Justement, je m'oriente.

      – Si je savais où il est, dit Ruffo, j'irais le chercher.

      – Pardieu! moi aussi, fit le roi.

      – Vous avez dit qu'il était dans le palais.

      – Certainement qu'il y est; seulement, le palais est grand. Attendez, attendez donc! En vérité, je suis encore plus bête que je ne croyais.

      Il ouvrit la porte de sa chambre à coucher et siffla.

      Un grand épagneul s'élança du tapis où il était couché près du lit de son maître, posa ses deux pattes sur la poitrine du roi, toute chamarrée de plaques et de cordons, et se mit à lui lécher le visage, occupation à laquelle le maître paraissait prendre autant de plaisir que le chien.

      – C'est Ferrari qui l'a élevé, dit le roi; il va me trouver Ferrari tout de suite.

      Puis, changeant de voix et parlant à son chien comme il eût parlé à un enfant:

      – Où est-il donc, ce pauvre Ferrari, Jupiter? Nous allons le chercher. Taïaut! taïaut!

      Jupiter parut parfaitement comprendre; il fit trois ou quatre bonds par la chambre, humant l'air et jetant des cris joyeux; puis il alla gratter à la porte d'un corridor secret.

      – Ah! nous en revoyons donc, mon bon chien? dit le roi.

      Et, allumant un bougeoir au candélabre, il ouvrit la porte du couloir en disant:

      – Cherche, Jupiter! cherche!

      Le