Le vicomte de Bragelonne, Tome II.. Dumas Alexandre

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Название Le vicomte de Bragelonne, Tome II.
Автор произведения Dumas Alexandre
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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c'est absolument nécessaire que je parte? dit-il.

      – De toute nécessité.

      Porthos se dressa sur ses jambes et commença d'ébranler le plancher et les murs de son pas de statue.

      – Chut! pour l'amour de Dieu, mon cher Porthos! dit Aramis; vous allez réveiller quelqu'un.

      – Ah! c'est vrai, répondit Porthos d'une voix de tonnerre; j'oubliais; mais, soyez tranquille, je m'observerai. Et, en disant ces mots, il fit tomber une ceinture chargée de son épée, de ses pistolets et d'une bourse dont les écus s'échappèrent avec un bruit vibrant et prolongé.

      Ce bruit fit bouillir le sang d'Aramis, tandis qu'il provoquait chez Porthos un formidable éclat de rire.

      – Que c'est bizarre! dit-il de sa même voix.

      – Plus bas, Porthos, plus bas, donc!

      – C'est vrai.

      Et il baissa en effet la voix d'un demi-ton.

      – Je disais donc, continua Porthos, que c'est bizarre qu'on ne soit jamais aussi lent que lorsqu'on veut se presser, aussi bruyant que lorsqu'on désire être muet.

      – Oui, c'est vrai; mais faisons mentir le proverbe, Porthos, hâtons-nous et taisons-nous.

      – Vous voyez que je fais de mon mieux, dit Porthos en passant son haut-de-chausses.

      – Très bien.

      – Il paraît que c'est pressé?

      – C'est plus que pressé, c'est grave, Porthos.

      – Oh! oh!

      – D'Artagnan vous a questionné, n'est-ce pas?

      – Moi?

      – Oui, à Belle-Île?

      – Pas le moins du monde.

      – Vous en êtes bien sûr, Porthos?

      – Parbleu!

      – C'est impossible. Souvenez-vous bien.

      – Il m'a demandé ce que je faisais, je lui ai dit: «De la topographie.» J'aurais voulu dire un autre mot dont vous vous étiez servi un jour.

      – De la castramétation?

      – C'est cela; mais je n'ai jamais pu me le rappeler.

      – Tant mieux! Que vous a-t-il demandé encore?

      – Ce que c'était que M. Gétard.

      – Et encore?

      – Ce que c'était que M. Jupenet.

      – Il n'a pas vu notre plan de fortifications, par hasard?

      – Si fait.

      – Ah! diable!

      – Mais soyez tranquille, j'avais effacé votre écriture avec de la gomme. Impossible de supposer que vous avez bien voulu me donner quelque avis dans ce travail.

      – Il a de bien bons yeux, notre ami.

      – Que craignez-vous?

      – Je crains que tout ne soit découvert, Porthos; il s'agit donc de prévenir un grand malheur. J'ai donné l'ordre à mes gens de fermer toutes les portes. On ne laissera point sortir d'Artagnan avant le jour. Votre cheval est tout sellé; vous gagnez le premier relais; à cinq heures du matin, vous aurez fait quinze lieues. Venez.

      On vit alors Aramis vêtir Porthos pièce par pièce avec autant de célérité qu'eût pu le faire le plus habile valet de chambre. Porthos, moitié confus, moitié étourdi, se laissait faire et se confondait en excuses.

      Lorsqu'il fut prêt, Aramis le prit par la main et l'emmena, en lui faisant poser le pied avec précaution sur chaque marche de l'escalier, l'empêchant de se heurter aux embrasures des portes, le tournant et le retournant comme si lui, Aramis, eût été le géant et Porthos le nain. Cette âme incendiait et soulevait cette matière. Un cheval, en effet, attendait tout sellé dans la cour. Porthos se mit en selle.

      Alors Aramis prit lui-même le cheval par la bride et le guida sur du fumier répandu dans la cour, dans l'intention évidente d'éteindre le bruit. Il lui pinçait en même temps les naseaux pour qu'il ne hennît pas…

      – Puis, une fois arrivé à la porte extérieure, attirant à lui

      Porthos, qui allait partir sans même lui demander pourquoi:

      – Maintenant, ami Porthos, maintenant, sans débrider jusqu'à Paris, dit-il à son oreille; mangez à cheval, buvez à cheval, dormez à cheval, mais ne perdez pas une minute.

      – C'est dit; on ne s'arrêtera pas.

      – Cette lettre à M. Fouquet, coûte que coûte; il faut qu'il l'ait demain avant midi.

      – Il l'aura.

      – Et pensez à une chose, cher ami.

      – À laquelle?

      – C'est que vous courez après votre brevet de duc et pair.

      – Oh! oh! fit Porthos les yeux étincelants, j'irai en vingt- quatre heures en ce cas.

      – Tâchez.

      – Alors lâchez la bride, et en avant, Goliath!

      Aramis lâcha effectivement, non pas la bride, mais les naseaux du cheval.

      Porthos rendit la main, piqua des deux, et l'animal furieux partit au galop sur la terre.

      Tant qu'il put voir Porthos dans la nuit, Aramis le suivit des yeux; puis, lorsqu'il l'eut perdu de vue, il rentra dans la cour. Rien n'avait bougé chez d'Artagnan.

      Le valet mis en faction auprès de sa porte n'avait vu aucune lumière, n'avait entendu aucun bruit.

      Aramis referma la porte avec soin, envoya le laquais se coucher, et lui même se mit au lit.

      D'Artagnan ne se doutait réellement de rien; aussi crut-il avoir tout gagné, lorsque le matin il s'éveilla vers quatre heures et demie. Il courut tout en chemise regarder par la fenêtre: la fenêtre donnait sur la cour. Le jour se levait.

      La cour était déserte, les poules elles-mêmes n'avaient pas encore quitté leurs perchoirs.

      Pas un valet n'apparaissait.

      Toutes les portes étaient fermées.

      «Bon! calme parfait, se dit d'Artagnan. N'importe, me voici réveillé le premier de toute la maison. Habillons-nous; ce sera autant de fait.»

      Et d'Artagnan s'habilla.

      Mais cette fois il s'étudia à ne point donner au costume de M. Agnan cette rigidité bourgeoise et presque ecclésiastique qu'il affectait auparavant; il sut même, en se serrant davantage, en se boutonnant d'une certaine façon, en posant son feutre plus obliquement, rendre à sa personne un peu de cette tournure militaire dont l'absence avait effarouché Aramis. Cela fait, il en usa ou plutôt feignit d'en user sans façon avec son hôte, et entra tout à l'improviste dans son appartement. Aramis dormait ou feignait de dormir.

      Un grand livre était ouvert sur son pupitre de nuit; la bougie brûlait encore au-dessus de son plateau d'argent.

      C'était plus qu'il n'en fallait pour prouver à d'Artagnan l'innocence de la nuit du prélat et les bonnes intentions de son réveil.

      Le mousquetaire fit précisément à l'évêque ce que l'évêque avait fait à Porthos.

      Il lui frappa sur l'épaule.

      Évidemment; Aramis feignait de dormir, car, au lieu de s'éveiller soudain, lui qui avait le sommeil si léger, il se fit réitérer l'avertissement.

      – Ah! ah! c'est vous, dit-il en allongeant les bras. Quelle bonne surprise! Ma foi, le sommeil m'avait fait oublier que j'eusse le bonheur de vous posséder. Quelle heure est-il?

      – Je ne sais, dit d'Artagnan un peu embarrassé. De bonne heure, je crois. Mais, vous le savez, cette diable d'habitude militaire de m'éveiller