L'abîme. Чарльз Диккенс

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Название L'abîme
Автор произведения Чарльз Диккенс
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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de la modestie qui lui était naturelle, car il était né modeste.

      C'était un homme à l'air simple et franc, le plus naïf des hommes, que Walter Wilding, avec son teint blanc et rose et son heureuse corpulence, étonnante chez un garçon de vingt-cinq ans. Ses cheveux bruns frisaient avec grâce, ses beaux yeux bleus avaient un attrait extraordinaire. Le plus communicatif des hommes aussi bien que le plus candide, jamais il ne trouvait assez de paroles pour épancher sa gratitude et sa joie quand il croyait avoir quelque motif d'être reconnaissant ou joyeux.

      Bintrey, au contraire, était un prudent compagnon, la réserve même. Ses yeux pouvaient être comparés à deux petits globules clignotants qui sortaient de deux grosses paupières au milieu d'une grosse tête chauve. En ce moment, Wilding le réjouissait fort, il trouvait que le franc langage du jeune homme et la simplicité de son cœur étaient deux choses bien comiques.

      – Oui, – dit-il, – je pense que vous avez le droit d'être satisfait… Oui, vraiment… Ah! ah!

      Il y avait sur le bureau, des biscuits, une carafe, et deux verres.

      – Aimez-vous le vieux Porto de quarante-cinq ans? – dit Wilding.

      – Si je l'aime? – répéta Bintrey, – mais vous m'en avez fait assez boire…

      – C'est du meilleur coin de notre meilleure cave, – s'écria Wilding.

      – Eh! oui. Je vous remercie, monsieur… excellent vin!

      Puis il se mit à rire de nouveau tout en élevant son verre et lui faisant les doux yeux. Il lui paraissait aussi bien plaisant qu'on pût se séparer sans regret d'un pareil vin et surtout le faire boire gratis à personne.

      – Maintenant, – reprit Wilding, qui apportait jusque dans la discussion des affaires une gaieté d'enfant, – je crois que nous avons tout arrangé, Monsieur Bintrey, et le mieux du monde.

      – Le mieux du monde, – reprit Bintrey.

      – Nous nous sommes assuré un associé.

      – Oui, nous nous sommes assuré un associé!.. Oui, vraiment!

      – Nous demandons dans les journaux une femme de charge.

      – Une femme de charge… nous la demandons dans les journaux. «S'adresser au Carrefour des Écloppés, Great Tower Street, de dix heures à midi.» Voilà l'annonce.

      – Les affaires de feu ma pauvre mère sont réglées, – dit Walter.

      – Réglées, – fit l'écho.

      – Et tous les frais payés.

      – Payés, – dit Bintrey avec son gros rire.

      Et pourquoi Bintrey riait-il? C'est qu'il pensait qu'il y avait vraiment au monde des gens assez simples, pour payer des frais sans discuter.

      – Feu ma pauvre chère mère, – continua Wilding, – c'est un plaisir pour moi que de parler d'elle… mais c'est un plaisir qui m'accable… vous savez combien je l'aimais et combien je lui étais cher. Certes nous avions l'un pour l'autre le plus grand amour qui puisse exister entre une mère et son fils; et, depuis le jour où elle m'avait pris sous sa garde, jamais nous n'avons connu un moment de discussion ou d'humeur. C'est un bonheur qui n'a duré que treize ans; n'est-ce pas bien court? Je n'ai vécu que treize ans auprès de ma chère mère et ce n'était que depuis huit ans qu'elle m'avait reconnu confidentiellement pour son fils. Vous connaissez cette triste histoire, Monsieur Bintrey. Qui la connaîtrait, si ce n'était vous?

      Wilding se prit à sangloter.

      Tandis qu'il essuyait ses larmes, que faisait Bintrey? Il savourait son Porto à petites gorgées qu'il promenait dans sa bouche.

      – Je sais l'histoire… – dit-il… – Oui… oui… Je la sais.

      – Ma pauvre mère, – reprit Wilding. – Elle avait été cruellement trompée, et comme elle en a souffert! Mais ses lèvres sont toujours restées muettes à ce sujet. Par qui a-t-elle été trompée et dans quelles circonstances ce grand malheur lui est-il arrivé, monsieur? Dieu seul le sait. Ma pauvre chère mère n'a jamais voulu trahir le secret de celui qui avait trahi sa confiance, jamais…

      – Elle avait résolu de se taire, – interrompit Bintrey promenant de nouveau cet excellent vin dans son gosier; – elle a dû garder le silence.

      À quoi il ajouta mentalement, avec un petit clignement d'yeux: – Et cela, beaucoup mieux que vous ne pourrez jamais le faire, vous qui aimez tant à parler.

      – «Tes père et mère honoreras» – reprit Wilding qui sanglotait toujours… – «afin de vivre longuement.» Quand j'étais aux Enfants Trouvés, Monsieur Bintrey, je me sentais intérieurement si peu disposé à souscrire de bon cœur à ce commandement que je croyais bien n'avoir pas beaucoup de temps à vivre. Cependant je suis arrivé bien vite à honorer ma mère profondément, de toute mon âme, et je révère maintenant sa mémoire.

      – Vous la révérez? – dit Bintrey.

      – Pendant sept heureuses années, – continua Wilding avec le même accent de simple et virile douleur et sans songer à rougir de ses larmes, – pendant sept ans, mon excellente mère fut ici l'associée de mes prédécesseurs Pebblesson Neveu. Lorsque j'atteignis ma majorité, elle me transmit la part dont elle avait hérité dans cette maison, puis elle racheta pour moi la part de Pebblesson; elle me laissa tout ce qu'elle possédait, tout, hormis cet anneau de deuil que vous portez au doigt… Elle n'est plus! Il n'y a pas six mois qu'elle vint un matin au Carrefour des Écloppés pour y lire de ses yeux la nouvelle enseigne: Wilding et Co. Et pourtant elle n'est plus!

      – Triste!.. fort triste!.. – murmura Bintrey, – mais c'est le sort commun à un moment ou à un autre: ne devons-nous pas tous cesser d'être?

      Ce disant, il le prouva bien en achevant de vider la bouteille de Porto. Ce Porto de quarante-cinq ans avait aussi cessé d'être. Bintrey poussa un large soupir.

      – Et puisque je l'ai perdue, – reprit Wilding en essuyant ses larmes, – il ne me reste plus qu'à nourrir éternellement son souvenir et mes regrets. La chère femme! Mon cœur se sentit entraîné vers elle dès la première fois que je la vis; c'était l'instinct de la nature… je ne pouvais pourtant la prendre alors que pour une dame étrangère. C'était un Dimanche, nous finissions de dîner là-bas aux Enfants Trouvés… Ah! vous savez bien, Monsieur Bintrey, que je ne rougis point d'avoir été aux Enfants Trouvés. Moi, qui ne me suis jamais connu de père, je désire être un père pour tous ceux qui travaillent sous mes ordres.

      – Honnête désir, – fit observer Bintrey.

      – C'est pourquoi, – continua Wilding qui s'animait et se noyait même un peu dans le flot montant de son éloquence, – c'est pourquoi je demande dans les journaux une excellente femme de charge, pour prendre soin de la maison d'habitation de Wilding et Co., marchand de vins, Carrefour des Écloppés. Je veux rétablir chez moi quelques-uns de nos anciens usages et les rapports touchants qui existaient autrefois entre le patron et l'employé. Il me plait de vivre à l'endroit où je gagne mon argent. Je veux, chaque jour, m'asseoir au haut bout de la table à laquelle les gens qui me servent viendront s'asseoir; et nous mangerons ensemble du même rôti, du même bouilli, et nous boirons la même bière; et mes serviteurs dormiront sous le même toit que Walter Wilding! Et tous tant que nous sommes… Je vous demande pardon, Monsieur Bintrey, voilà que mes bourdonnements dans la tête vont me reprendre… je vous serais obligé si vous me conduisiez à la pompe.

      Alarmé par l'excessive coloration du visage de son client, Bintrey ne perdit pas un moment pour l'entraîner dans la cour. C'était chose facile, car le cabinet dans lequel ils causaient tous les deux y donnait accès de plain-pied du côté de la maison d'habitation. Là, l'homme d'affaires, obéissant à un signe du malade, se mit à pomper de toutes ses forces. Wilding se lava la figure et la tête et but de bon cœur; après quoi il déclara se sentir mieux.

      – Voyez! – dit