Название | Vie de Jeanne d'Arc. Vol. 1 de 2 |
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Автор произведения | Anatole France |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
Qui mieux que les gens de Domremy pouvait connaître le baptême du roi Clovis de France et savoir qu'au chant du Veni Creator Spiritus le Saint-Esprit était descendu tenant en son bec la sainte Ampoule, pleine du chrême bénit par Notre-Seigneur293? Qui mieux qu'eux entendait les paroles adressées au roi très chrétien, par monseigneur saint Remi, non sans doute en latin d'église, mais en bonne langue vulgaire, et revenant à ceci:
«Or, Sire, ayez connaissance de servir Dieu dévotement et de garder la justice, pour que florisse votre royaume. Car lorsque justice y périra, ce royaume courra grand péril294.»
Enfin, d'une manière ou d'une autre, soit par les clercs qui la gouvernaient, soit par les paysans au milieu desquels elle vivait, Jeanne avait connaissance du bon archevêque Remi, qui aimait tant le sang royal de la sainte Ampoule de Reims et du sacre des rois très chrétiens295.
Et l'ange lui apparut et lui dit:
– Fille de Dieu, tu conduiras le dauphin à Reims, afin qu'il y reçoive son digne sacre296.
La jeune fille entendait. Les voiles tombaient; une lumière éclatante se faisait dans son esprit. Voilà donc pourquoi Dieu l'avait choisie. C'était par elle que le dauphin Charles devait être sacré à Reims. La colombe blanche, autrefois envoyée au bienheureux Remi, devait redescendre à l'appel d'une vierge. Dieu, qui aime les Français, marque leur roi d'un signe, et, quand ce signe manque, la puissance royale n'est point. C'est le sacre qui fait seul le roi, et messire Charles de Valois n'est pas sacré. Bien que le père soit couché, la couronne au front, le sceptre à la main, dans la basilique de Saint-Denys en France, le fils n'est que dauphin, et il ne recueillera son saint héritage que le jour où l'huile de l'ampoule inépuisable coulera sur son front. Et c'est elle, la jeune paysanne, ignorante que Dieu a choisie pour le conduire, à travers ses ennemis, jusqu'à Reims où il recevra l'onction que reçut saint Louis. Desseins impénétrables de Dieu! L'humble fille qui ne sait ni chevaucher ni guerroyer est élue pour donner à Notre-Seigneur son vicaire temporel dans la France chrétienne.
Désormais Jeanne connaissait les grandes choses qu'elle avait à faire. Mais elle ne découvrait pas encore les voies par lesquelles elle devait les accomplir.
– Il faut que tu ailles en France, lui disaient madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite.
– Fille de Dieu, tu conduiras le dauphin à Reims297, afin qu'il y reçoive son digne sacre, lui disait monseigneur saint Michel, archange.
Il était nécessaire de leur obéir. Mais comment? S'il ne se trouva pas, à ce moment, quelque personne de dévotion pour la diriger, un fait très particulier et de peu d'importance, qui se passait alors dans la maison paternelle, peut suffire à mettre la jeune sainte sur la voie.
Principal locataire du château de l'Île en 1419 et doyen de la communauté en 1423, Jacques d'Arc était un des notables de Domremy. Les gens du village, qui l'estimaient, le chargeaient volontiers de besognes difficiles. Ils l'envoyèrent, à la fin de mars 1427, à Vaucouleurs, comme leur procureur fondé dans un procès qu'ils avaient à soutenir par-devant Robert de Baudricourt. Il s'agissait d'une réparation de dommages que réclamait un certain Guyot Poignant, de Montigny-le-Roi, et pour lesquels il avait assigné concurremment le seigneur et les habitants de Greux et de Domremy. Ces dommages remontaient à quatre années en çà, quand le damoiseau de Commercy avait frappé Greux et Domremy d'un droit de sauvegarde qui s'élevait à deux cent vingt écus d'or.
Guyot Poignant se porta garant de cette somme qui ne fut point payée au terme fixé. Le damoiseau saisit chez Poignant bois, foin et chevaux, pour cent vingt écus d'or, dont ledit Poignant réclama le paiement aux seigneurs et aux vilains de Greux et de Domremy. L'affaire était pendante encore en 1427, quand la communauté désigna, pour son procureur fondé, Jacques d'Arc, et l'envoya à Vaucouleurs. On ignore comment le différend se termina; mais il suffit de savoir que le père de Jeanne vit sire Robert, l'approcha, lui parla298.
De retour dans sa maison, il dut plus d'une fois conter ces entrevues, rapporter d'un si grand personnage diverses façons et paroles. Et sans doute Jeanne en entendit maintes choses. Assurément ses oreilles étaient rebattues du nom de Baudricourt. C'est alors que l'archange chevalier, l'éblouissant ami, vint une fois encore lui révéler la pensée obscure qui naissait en elle:
– Fille de Dieu, lui dit-il, tu iras vers le capitaine Robert de Baudricourt, en la ville de Vaucouleurs, afin qu'il te donne des gens pour te conduire auprès du gentil dauphin299.
Résolue à fidèlement accomplir le vouloir de son archange, qui était son propre vouloir, Jeanne prévoyait bien que sa mère, quoique pieuse, ne l'aiderait point dans ses projets et que son père s'y opposerait énergiquement. Aussi se garda-t-elle de leur en rien confier300.
Elle pensa que Durand Lassois était homme à lui assurer l'aide dont elle avait besoin. Elle l'appelait son oncle, en considération de son âge: il avait seize ans de plus qu'elle. Leur parenté résultait de ce que Lassois avait épousé une Jeanne, fille d'un Le Vauseul, laboureur, et d'Aveline, sœur d'Isabelle de Vouthon, et par conséquent cousine germaine de la fille d'Isabelle301.
Lassois habitait, avec sa femme, son beau-père et sa belle-mère, un hameau de quelques feux, Burey-en-Vaulx, sur la rive gauche de la Meuse, dans la verte vallée, à deux lieues de Domremy et à moins d'une lieue de Vaucouleurs302.
Jeanne l'alla trouver, lui fit part de ses projets et lui représenta qu'elle avait besoin de voir sire Robert de Baudricourt. Pour que son bon parent lui donnât plus de créance elle lui cita une bien étrange prophétie, dont nous avons déjà parlé:
– N'a-t-il pas été su autrefois, fit-elle, qu'une femme ruinerait le royaume de France et qu'une femme le rétablirait303?
Cette pronostication, paraît-il, rendit Durand Lassois pensif. Des deux choses qui s'y trouvaient annoncées, la première, qui était mauvaise, s'était accomplie dans la ville de Troyes, quand madame Ysabeau avait donné le royaume des Lis et madame Catherine de France au roi d'Angleterre. Il ne restait donc plus qu'à souhaiter que la seconde chose, qui était bonne, s'accomplît aussi. Tel était le désir de Durand Lassois, si toutefois il se sentait porté d'amour pour le dauphin Charles, ce que l'histoire ne dit pas.
Jeanne en ce séjour chez sa cousine ne voyait pas seulement ses parents les Vouthon et leurs enfants. Elle fréquentait aussi chez un jeune gentilhomme nommé Geoffroy de Foug, qui habitait sur la paroisse de Maxey-sur-Vayse dont le hameau de Burey faisait partie. Elle lui confia qu'elle voulait aller en France. Le seigneur Geoffroy ne connaissait pas beaucoup les parents de Jeanne; il ne savait pas leurs noms. Mais la jeune fille lui parut bonne, simple, pieuse, et il l'encouragea dans sa merveilleuse entreprise304. Une huitaine de jours après son arrivée à Burey, elle en vint à ses fins: Durand Lassois consentit à la mener à Vaucouleurs305.
Avant de partir, elle fit une requête à sa tante Aveline, qui était grosse; elle lui dit:
– Si l'enfant que vous attendez
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Le bon archevesque Remy Qui tant aime le sang royal, Qui tant a son conseil loyal, Qui tant aime Dieu et l'Église.
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S. Luce,
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