Название | Histoire des Musulmans d'Espagne, t. 1 |
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Автор произведения | Dozy Reinhart Pieter Anne |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
L'infortuné Hosain reçut ces nouvelles fatales non loin de Coufa. A peine avait-il avec lui une centaine d'hommes, ses parents pour la plupart; pourtant il continua sa route; la folle et aveugle crédulité qui semble comme un sort jeté sur les prétendants, ne l'abandonna point: une fois qu'il serait devant les portes de Coufa, les habitants de cette ville s'armeraient pour sa cause, il s'en tenait convaincu. Près de Kerbelâ, il se trouva face à face avec les troupes qu'Obaidallâh avait envoyées à sa rencontre, en leur enjoignant de le prendre mort ou vif. Sommé de se rendre, il entra en pourparlers. Le général des troupes omaiyades n'obéit pas à ses ordres, il chancela. C'était un Coraichite; fils d'un des premiers disciples de Mahomet, il répugnait à l'idée de verser le sang d'un fils de Fatime. Il envoya donc demander de nouvelles instructions à son chef, et lui fit connaître les propositions de Hosain. Ayant reçu ce message, Obaidallâh lui-même eut un moment d'hésitation. «Eh quoi! lui dit alors Chamir, noble de Coufa et général dans l'armée omaiyade, Arabe du vieux temps tout comme son petit-fils que nous rencontrerons plus tard en Espagne; eh quoi! le hasard a livré votre ennemi entre vos mains, et vous l'épargneriez? Non, il faut qu'il se rende à discrétion.» Obaidallâh expédia un ordre en ce sens au général de ses troupes. Hosain refusa de se rendre sans condition, et pourtant on ne l'attaqua point. Alors Obaidallâh envoya de nouvelles troupes sous Chamir, auquel il dit: «Si le Coraichite persiste à ne pas vouloir combattre, tu lui trancheras la tête et tu prendras le commandement à sa place83.» Mais une fois que Chamir fut arrivé dans le camp, le Coraichite n'hésita plus; il donna le signal de l'attaque. En vain Hosain cria-t-il à ses ennemis: «Si vous croyez à la religion fondée par mon aïeul, comment pourrez-vous alors justifier votre conduite le jour de la résurrection?» – en vain fit-il attacher des Corans aux lances: – sur l'ordre qu'en donna Chamir, on l'attaqua l'épée au poing et on le tua. Ses compagnons restèrent presque tous sur le champ de bataille, après avoir vendu chèrement leur vie (10 octobre 680).
La postérité, toujours prête à s'attendrir sur le sort des prétendants malheureux, et tenant d'ordinaire peu de compte du droit, du repos des peuples, des malheurs qui naissent d'une guerre civile si elle n'est étouffée dans son germe, – la postérité a vu dans Hosain la victime d'un forfait abominable. Le fanatisme persan a fait le reste: il a rêvé un saint là où il n'y avait qu'un aventurier précipité dans l'abîme par une étrange aberration d'idées, par une ambition allant jusqu'à la frénésie. L'immense majorité des contemporains en jugeait autrement: elle voyait dans Hosain un parjure coupable de haute trahison, attendu que, du vivant de Moâwia, il avait prêté serment de fidélité à Yézîd, et qu'il ne pouvait faire valoir au califat aucun droit, aucun titre.
Celui qui prit la place de prétendant, que la mort de Hosain venait de laisser vide, fut moins téméraire et se crut plus habile. C'était Abdallâh, fils de Zobair. Ostensiblement il avait été l'ami de Hosain; mais ses sentiments véritables n'avaient été un mystère ni pour Hosain lui-même, ni pour les amis de ce dernier. «Sois tranquille et satisfait, fils de Zobair,» avait dit Abdallâh, fils d'Abbâs, quand il eut pris congé de Hosain, après l'avoir conjuré inutilement de ne point entreprendre le voyage de Coufa; et récitant trois petits vers bien connus alors, il avait poursuivi ainsi: «L'air est libre pour toi, alouette! Ponds, gazouille et béquette tant que tu voudras;… voilà Hosain qui part pour l'Irâc et qui t'abandonne le Hidjâz.» Toutefois, et bien qu'il eût pris secrètement le titre de calife dès que le départ de Hosain lui eut laissé le champ libre, le fils de Zobair feignit une profonde douleur quand la nouvelle de la catastrophe de Hosain arriva dans la ville sainte, et il s'empressa de tenir un discours fort pathétique. Il était né rhéteur, cet homme; nul n'était plus rompu à la phrase, nul ne possédait à un égal degré le grand art de dissimuler ses pensées et de feindre des sentiments qu'il n'éprouvait point, nul ne s'entendait mieux à cacher la soif des richesses et du pouvoir qui le dévorait, sous les grands mots de devoir, de vertu, de religion, de piété. Là était le secret de sa force; c'était par là qu'il en imposait au vulgaire. Maintenant que Hosain ne pouvait plus lui faire ombrage, il le proclama calife légitime, vanta ses vertus et sa piété, prodigua les épithètes de perfides et de fourbes aux Arabes de l'Irâc, et conclut son discours par ces paroles, que Yézîd pouvait prendre pour soi, s'il le jugeait convenable: «Jamais on ne vit ce saint homme préférer la musique à la lecture du Coran, des chants efféminés à la componction produite par la crainte de Dieu, la débauche du vin au jeûne, les plaisirs de la chasse aux conférences destinées à de pieux entretiens… Bientôt ces hommes recueilleront le fruit de leur conduite perverse84»…
Il lui fallait avant tout gagner à sa cause les chefs les plus influents des Emigrés. Il pressentit qu'il ne pourrait pas les tromper aussi facilement que la plèbe sur les véritables motifs de sa rébellion; il prévit qu'il rencontrerait des obstacles, surtout chez Abdallâh, le fils du calife Omar, attendu que c'était un homme vraiment désintéressé, vraiment pieux, et fort clairvoyant. Cependant il ne se laissa pas décourager. Le fils du calife Omar avait une femme dont la dévotion n'était égalée que par sa crédulité. Il lui fallait commencer par elle, le fils de Zobair le savait bien. Il alla donc la voir, lui parla, avec sa faconde ordinaire, de son zèle pour la cause des Défenseurs, des Emigrés, du Prophète, de Dieu, et quand il vit que ses onctueuses paroles avaient fait sur elle une impression profonde, il la pria de persuader à son mari de le reconnaître pour calife. Elle lui promit d'y faire tout son possible, et le soir, quand elle servit le souper à son époux, elle lui parla d'Abdallâh avec les plus grands éloges et conclut en disant: «Ah! vraiment, il ne cherche que la gloire de l'Eternel! – Tu as vu, lui répondit froidement son mari, tu as vu le cortége magnifique qu'avait Moâwia lors de son pèlerinage, ces superbes mules blanches surtout, couvertes de housses de pourpre et montées par des jeunes filles éblouissantes de parure, couronnées de perles et de diamants; tu as vu cela, n'est-ce pas? Eh bien! ce qu'il cherche, ton saint homme, ce sont ces mules-là.» Et il continua son souper sans vouloir en entendre davantage85.
Déjà depuis une année entière, le fils de Zobair était en révolte ouverte contre Yézîd, et pourtant celui-ci le laissait en repos. C'est plus qu'on n'avait le droit d'attendre de la part d'un calife qui ne comptait pas la patience et la mansuétude parmi ses qualités les plus saillantes; mais d'un côté, il jugeait qu'Abdallâh n'était guère dangereux, puisque, plus prudent que Hosain, il ne quittait pas la Mecque; de l'autre, il ne voulait pas, sans y être forcé par une nécessité absolue, ensanglanter un territoire qui, déjà durant le paganisme, avait joui de la prérogative d'être un asile inviolable pour les hommes comme pour les animaux. Un tel sacrilége, il le savait bien, mettrait le comble à l'irritation des dévots.
Mais sa patience se lassa enfin. Pour la dernière fois il fit sommer Abdallâh de le reconnaître. Abdallâh s'y refusa. Alors le calife jura dans sa fureur qu'il ne recevrait plus le serment de fidélité de ce rebelle, qu'il ne fût amené en sa présence, le cou et les mains chargés de chaînes. Mais le premier moment de colère passé, comme il était bonhomme au fond, il se repentit de son serment. Obligé cependant de le tenir, il imagina un moyen de le faire sans trop blesser la fierté d'Abdallâh. Il résolut de lui envoyer une chaîne d'argent, et d'y ajouter un superbe manteau, dont il pourrait se revêtir afin de dérober la chaîne à tous les regards.
Les personnes que le calife désigna pour aller remettre ces singuliers
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Ibn-Badroun, p. 164.
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