Название | Les bijoux indiscrets |
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Автор произведения | Dénis Diderot |
Жанр | Эротическая литература |
Серия | |
Издательство | Эротическая литература |
Год выпуска | 0 |
isbn |
« – Je n'entends pas.
« – Est-ce dans la proportion antique, ou dans la proportion moderne?..»
O profondeur des décrets d'en haut! combien cela serait fou, si cela n'était pas révélé! Soumettons nos entendements, et adorons.
Je ne me rappelle plus la réponse de la dame; mais le menuisier répliqua: «En vérité, elle extravague; cela ne ressemblera à rien. On dira: Qui est l'âne qui a percé ce cul-là?..»
«Trêve de verbiage, maître Anofore, faites-le comme je vous dis…
«Faites-le comme je vous dis! Madame, mais chacun a son honneur à garder…
«Je le veux ainsi, et là, vous dis-je. Je le veux, je le veux…
«Le menuisier riait à gorge déployée; et moi donc, croyez-vous que j'étais sérieux? Cependant Anofore trace ses lignes sur le ruban, le remet en place, et s'écrie: «Madame, cela ne se peut pas; cela n'a pas de sens commun. Quiconque verra ce cul-là, pour peu qu'il soit connaisseur, se moquera de vous et de moi. On sait bien qu'il faut de là là, un intervalle; mais on ne l'a jamais pratiqué de cette étendue. Trop est trop. Vous le voulez?..»
«Eh! oui, je le veux, et finissons…»
«A l'instant maître Anofore prend son crayon, marque sur les fesses de la dame des lignes correspondantes à celles qu'il avait tirées sur le ruban; il forme son trait carré, en haussant les épaules, et murmurant tout bas: «Quelle mine cela aura! mais c'est sa fantaisie.» Il ressaisit son vilebrequin, et dit: «Madame le veut là?
« – Oui, là; allez donc…
« – Allons, madame.
« – Qu'y a-t-il encore?
« – Ce qu'il y a? c'est que cela ne se peut.
« – Et pourquoi, s'il vous plaît?
« – Pourquoi? c'est que vous tremblez, et que vous serrez les fesses; c'est que j'ai perdu de vue mon trait carré, et que je percerai trop haut ou trop bas. Allons, madame, un peu de courage.
« – Cela vous est facile à dire; montrez-moi votre mèche; miséricorde!
« – Je vous jure que c'est la plus petite de ma boutique. Tandis que nous parlons j'en aurais déjà percé une demi-douzaine. Allons, madame, desserrez; fort bien; encore un peu; à merveille; encore, encore.» Cependant je voyais le menuisier narquois approcher tout doucement son vilebrequin. Il allait… lorsqu'une fureur mêlée de pitié s'empare de moi. Je me débats; je veux courir au secours de la patiente: mais je me sens garrotté par les deux bras, et dans l'impossibilité de remuer. Je crie au menuisier: «Infâme, coquin, arrête.» Mon cri est accompagné d'un si violent effort, que les liens qui m'attachaient en sont rompus. Je m'élance sur le menuisier: je le saisis à la gorge. Le menuisier me dit: «Qui es-tu? à qui en veux-tu? est-ce que tu ne vois pas qu'elle n'a point de cul? Connais-moi; je suis le grand Anofore; c'est moi qui fais des culs à ceux qui n'en ont point. Il faut que je lui en fasse un, c'est la volonté de celui qui m'envoie; et après moi, il en viendra un autre plus puissant que moi; il n'aura pas un vilebrequin; il aura une gouge, et il achèvera avec sa gouge de lui restituer ce qui lui manque. Retire-toi, profane; ou par mon vilebrequin, ou par la gouge de mon successeur, je te…
« – A moi?
« – A toi, oui, à toi…» A l'instant, de sa main gauche il fait bruire l'air de son instrument.
Et l'homme aux deux trous, que vous avez entendu jusqu'ici, dit à l'homme aux deux nez: «Qu'avez-vous? vous vous éloignez.
– Je crains qu'en gesticulant, vous ne me cassiez un de mes nez. Continuez.
– Je ne sais plus où j'en étais.
– Vous en étiez à l'instrument dont le menuisier faisait bruire l'air…
– Il m'applique sur les épaules un coup du revers de son bras droit, mais un coup si furieux, que j'en suis renversé sur le ventre; et voilà ma chemise troussée, un autre derrière à l'air; et le redoutable Anofore qui me menace de la pointe de son outil; et me dit: «Demande grâce, maroufle; demande grâce, ou je t'en fais deux…» Aussitôt je sentis le froid de la mèche du vilebrequin. L'horreur me saisit; je m'éveille; et depuis, je me crois deux trous au cul.»
Ces deux interlocuteurs, ajouta le sultan, se mirent alors à se moquer l'un de l'autre. «Ah, ah, ah, il a deux trous au cul!
– Ah, ah, ah, c'est l'étui de tes deux nez!»
Puis se tournant gravement vers l'assemblée, il dit: «Et vous, pontifes, et vous ministres des autels, vous riez aussi! et quoi de plus commun que de se croire deux nez au visage, et de se moquer de celui qui se croit deux trous au cul?»
Puis, après un moment de silence, reprenant un air serein, et s'adressant aux chefs de la secte, il leur demanda ce qu'ils pensaient de sa vision.
«Par Brama, répondirent-ils, c'est une des plus profondes que le ciel ait départies à aucun prophète.
– Y comprenez-vous quelque chose?
– Non, seigneur.
– Que pensez-vous de ces deux interlocuteurs?
– Que ce sont deux fous.
– Et s'il leur venait en fantaisie de se faire chefs de parti, et que la secte des deux trous au cul se mît à persécuter la secte aux deux nez?..»
Les pontifes et les prêtres baissèrent la vue; et Mangogul dit: «Je veux que mes sujets vivent et meurent à leur mode. Je veux que le penum leur soit appliqué ou sur la bouche, ou au derrière, comme il plaira à chacun d'eux; et qu'on ne me fatigue plus de ces impertinences.»
Les prêtres se retirèrent; et au synode qui se tint quelques mois après, il fut déclaré que la vision de Mangogul serait insérée dans le recueil des livres canoniques, qu'elle ne dépara pas.
CHAPITRE XVII.
LES MUSELIÈRES
Tandis que les bramines faisaient parler Brama, promenaient les Pagodes, et exhortaient les peuples à la pénitence, d'autres songeaient à tirer parti du caquet des bijoux.
Les grandes villes fourmillent de gens que la misère rend industrieux. Ils ne volent ni ne filoutent; mais ils sont aux filous, ce que les filous sont aux fripons. Ils savent tout, ils font tout, ils ont des secrets pour tout; ils vont et viennent, ils s'insinuent. On les trouve à la cour, à la ville, au palais, à l'église, à la comédie, chez les courtisanes, au café, au bal, à l'opéra, dans les académies; ils sont tout ce qu'il vous plaira qu'ils soient. Sollicitez-vous une pension, ils ont l'oreille du ministre. Avez-vous un procès, ils solliciteront pour vous. Aimez-vous le jeu, ils sont croupiers; la table, ils sont chefs de loge; les femmes, ils vous introduiront chez Amine ou chez Acaris. De laquelle des deux vous plaît-il d'acheter la mauvaise santé? choisissez; lorsque vous l'aurez prise, ils se chargeront de votre guérison. Leur occupation principale est d'épier les ridicules des particuliers, et de profiter de la sottise du public. C'est de leur part qu'on distribue au coin des rues, à la porte des temples, à l'entrée des spectacles, à la sortie des promenades, des papiers par lesquels on vous avertit gratis qu'un tel, demeurant au Louvre, dans Saint-Jean, au Temple ou dans l'Abbaye, à telle enseigne, à tel étage, dupe chez lui depuis neuf heures du matin jusqu'à midi, et le reste du jour en ville.
Les bijoux commençaient à peine à parler, qu'un de ces intrigants remplit les maisons de Banza d'un petit imprimé, dont voici la forme et le contenu. On lisait, au titre, en gros caractères:
AVIS AUX DAMES.
Au-dessous, en petit italique:
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