Название | La terre promise |
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Автор произведения | Paul Bourget |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
– «C'est vous, Francis,» lui disait-elle, «Comment ne vous ai-je pas entendu entrer? Il y a longtemps que vous êtes ici?..»
– «Très longtemps,» répondit-il, et lui prenant la main: «Mais pardon de vous avoir effrayée… Je devrais tant savoir que ces petites surprises vous font mal…»
– «Un doux mal cette fois,» dit-elle en riant, «si vous êtes bien,» et elle insistait: «Dites vite comment vous vous sentez maintenant. J'ai eu peur que vous n'ayez pris ces vilaines fièvres dont on nous menace toujours. Nous vous espérions pour le thé et nous n'avons pas même osé faire demander de vos nouvelles… Vincent est allé écouter à votre porte, et, comme vous ne faisiez aucun bruit, il a pensé que vous reposiez. Vous avez le feu aux mains encore…»
– «C'était un peu de fatigue causée sans doute par ce soleil,» répliqua-t-il. «Mais elle est tout à fait passée,» et sa voix se fit insistante pour répéter: «tout à fait… Ce n'est même plus la peine d'en parler. Laissez-moi m'asseoir auprès de vous et racontez-moi comment vous avez employé cette après-midi, où vous vous êtes promenées…»
– «Nulle part,» interrompit la comtesse, «Henriette n'a jamais voulu sortir. Elle a recommencé de n'être pas raisonnable en s'inquiétant comme si vous alliez être vraiment malade.»
– «Vous me calomniez, maman,» dit la jeune fille à qui étaient revenues ses fraîches couleurs, «j'avais ma correspondance en retard et j'ai écrit des lettres toute l'après-midi… Voulez-vous les voir?..»
Et très vite, sans attendre la réponse de Francis, elle avait pris, sur la table étroite où elle s'était arrangé un coin à elle auprès d'une des fenêtres, plusieurs enveloppes qu'elle lui tendait tout ouvertes. Dès les premiers jours de leurs fiançailles, elle lui avait demandé tendrement, comme une faveur d'affection, de lire les moindres billets qu'elle envoyait, – adorable instinct d'enfant amoureuse qui se donnait ainsi, sans rien réserver, avec cette prodigalité spontanée d'une âme pure qui peut tout montrer de ses pensées, qui s'enivre d'en tout montrer à celui qu'elle aime! Elle mit à présenter à Francis ces pages par lesquelles elle avait trompé l'inquiétude des heures supportées sans lui, une grâce de soumission si jeune, si pénétrante, que les mains du jeune homme tremblaient un peu en ouvrant ces lettres l'une après l'autre. Comme elle savait, sans l'avoir appris, cet art d'aller au-devant des exigences même injustes et tyranniques d'un ami, – cet art qui veut que l'on soit toujours un peu trop tôt là où le moindre retard ferait souffrir, – cet art de dire toujours la parole attendue, justement celle-là et pas une autre, – cet art de se faire aimer en aimant, seul bienfait pour une âme déjà lasse, si facile à la souffrance, si rebelle à la caresse, – cet art de plaire sans jamais blesser, que Pauline autrefois avait tant méconnu! Quelle confiance cette chère enfant avait à l'égard de son fiancé, si entière, si loyale, si ingénument touchante! Et lui, quels secrets il gardait sur son esprit, même à ce moment, surtout à ce moment! Avec quelle naïveté, dans ces lettres écrites à des amies, elle parlait de son bonheur! Comme les rappels qu'elle y faisait de son existence de jeune fille, révélaient des souvenirs d'une irréprochable candeur! Et il s'y retrouvait si aimé, aperçu dans une telle auréole d'estime, presque d'admiration, qu'il ne put pas continuer cette lecture. De véritables larmes lui vinrent, irrésistibles.
– «C'est de joie que je pleure,» murmurait-il, «c'est de voir ce que vous êtes pour moi, de trop le sentir… Toute ma vie pour vous payer de cette tendresse, ce sera encore trop peu!..»
– «Je peux mourir,» disait la mère quelques heures plus tard à sa fille agenouillée au pied de son lit, comme chaque soir, pour leur commune prière, «je te laisserai à quelqu'un que je sais vraiment digne de toi!..»
– «C'est à moi d'essayer d'être digne de lui,» répondait Henriette, «digne de son cœur. Il est si tendre. Vous avez vu comme il a été remué en lisant mes pauvres lettres…»
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