Название | Han d'Islande |
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Автор произведения | Victor Hugo |
Жанр | Зарубежная классика |
Серия | |
Издательство | Зарубежная классика |
Год выпуска | 0 |
isbn |
– On n'entre pas; avez-vous droit de passe?
– Oui.
– C'est ce que je vais vérifier; si vous mentez, par les mérites du saint mon patron, je vous ferai goûter l'eau du golfe.
Puis, refermant le guichet et se retournant, il ajouta:– Ce n'est point encore le capitaine!
Une lumière brilla derrière la porte de fer; les verrous rouillés crièrent; les barres se levèrent, elle s'ouvrit, et le sergent examina un parchemin que lui présentait le nouveau venu.
– Passez, dit-il. Arrêtez cependant, reprit-il brusquement, laissez en dehors la boucle de votre chapeau. On n'entre pas dans les prisons d'état avec des bijoux. Le règlement porte que «le roi et les membres de la famille du roi,– le vice-roi et les membres de la famille du vice-roi, l'évêque et les chefs de la garnison, sont seuls exceptés». Vous n'avez, n'est-ce pas, aucune de ces qualités?
Le jeune homme détacha, sans répondre, la boucle proscrite, et la jeta pour payement au pêcheur qui l'avait amené; celui-ci, craignant qu'il ne revînt sur sa générosité, se hâta de mettre un large espace de mer entre le bienfaiteur et le bienfait.
Tandis que le sergent, murmurant de l'imprudence de la chancellerie qui prodiguait ainsi les droits de passe, replaçait les lourds barreaux, et que le bruit lent de ses bottes fortes retentissait sur les degrés de l'escalier tournant du corps de garde, le jeune homme, après avoir rejeté son manteau sur son épaule, traversait rapidement la voûte noire de la tour basse, puis la longue place d'armes, puis le hangar de l'artillerie où gisaient quelques vieilles couleuvrines démontées que l'on peut voir aujourd'hui dans le musée de Copenhague, et dont le cri impérieux d'une sentinelle l'avertit de s'éloigner. Il parvint à la grande herse, qui fut levée à l'inspection de son parchemin. Là, suivi d'un soldat, il franchit, suivant la diagonale, sans hésiter et comme un habitué de ces lieux, une de ces quatre cours carrées qui flanquent la grande cour circulaire, du milieu de laquelle sort le vaste rocher rond où s'élevait alors le donjon, dit château du Lion de Slesvig, à cause de la détention que Rolf le Nain y fit jadis subir à son frère, Joatham le Lion, duc de Slesvig.
Notre intention n'est pas de donner ici une description du donjon de Munckholm, d'autant plus que le lecteur, enfermé dans une prison d'état, craindrait peut-être de ne pouvoir se sauver au travers du jardin. Ce serait à tort, car le château du Lion de Slesvig, destiné à des prisonniers de distinction, leur offrait, entre autres commodités, celle de se promener dans une espèce de jardin sauvage assez étendu, où des touffes de houx, quelques vieux ifs, quelques pins noirs, croissaient parmi les rochers autour de la haute prison, et dans un enclos de grands murs et d'énormes tours.
Arrivé au pied du rocher rond, le jeune homme gravit les degrés grossièrement taillés qui montent tortueusement jusqu'au pied de l'une des tours de l'enclos, laquelle, percée d'une poterne dans sa partie inférieure, servait d'entrée au donjon. Là, il sonna fortement d'un cor de cuivre que lui avait remis le gardien de la grande herse.-Ouvrez, ouvrez! cria vivement une voix de l'intérieur, c'est sans doute ce maudit capitaine!
La poterne qui s'ouvrit laissa voir au nouvel arrivant, dans l'intérieur d'une salle gothique faiblement éclairée, un jeune officier nonchalamment couché sur un amas de manteaux et de peaux de rennes, près d'une de ces lampes à trois becs que nos aïeux suspendaient aux rosaces de leurs plafonds, et qui, pour le moment, était posée à terre. La richesse élégante et même l'excessive recherche de ses vêtements contrastaient avec la nudité de la salle et la grossièreté des meubles; il tenait un livre entre ses mains et se détourna à demi vers le nouveau venu.
– C'est le capitaine? salut, capitaine! Vous ne vous doutiez guère que vous faisiez attendre un homme qui n'a point la satisfaction de vous connaître; mais notre connaissance sera bientôt faite, n'est-il pas vrai? Commencez par recevoir tous mes compliments de condoléance sur votre retour dans ce vénérable château. Pour peu que j'y séjourne encore, je vais devenir gai comme la chouette qu'on cloue à la porte des donjons pour servir d'épouvantail, et quand je retournerai à Copenhague pour les fêtes du mariage de ma soeur, du diable si quatre dames sur cent me reconnaissent! Dites-moi, les noeuds de ruban rose au bas du justaucorps sont-ils toujours de mode? a-t-on traduit quelques nouveaux romans de cette Française, la demoiselle Scudéry? Je tiens précisément la Clélie; je suppose qu'on la lit encore à Copenhague. C'est mon code de galanterie, maintenant que je soupire loin de tant de beaux yeux....– car, tout beaux qu'ils sont, les yeux de notre jeune prisonnière, vous savez de qui je veux parler, ne me disent jamais rien. Ah! sans les ordres de mon père!… Il faut vous dire en confidence, capitaine, que mon père, n'en parlez pas, m'a chargé de… vous m'entendez, auprès de la fille de Schumacker; mais je perds toutes mes peines, cette jolie statue n'est pas une femme; elle pleure toujours et ne me regarde jamais.
Le jeune homme, qui n'avait pu encore interrompre l'extrême volubilité de l'officier, poussa un cri de surprise:– Comment! que dites-vous? chargé de séduire la fille de ce malheureux Schumacker!…
– Séduire, eh bien soit! si c'est ainsi que cela s'appelle à présent à Copenhague; mais j'en défierais le diable. Avant-hier, étant de garde, je mis exprès pour elle une superbe fraise française qui m'était envoyée de Paris même. Croiriez-vous qu'elle n'a pas levé seulement les yeux sur moi, quoique j'aie traversé trois ou quatre fois son appartement en faisant sonner mes éperons neufs, dont la molette est plus large qu'un ducat de Lombardie?– C'est la forme la plus nouvelle, n'est-ce pas?
– Dieu! Dieu! dit le jeune homme en se frappant le front! mais cela me confond!
– N'est-ce pas? reprit l'officier, se méprenant sur le sens de cette exclamation. Pas la moindre attention à moi! c'est incroyable, mais c'est pourtant vrai.
Le jeune homme se promenait, violemment agité, de long en large et à grands pas.
– Voulez-vous vous rafraîchir, capitaine Dispolsen? lui cria l'officier.
Le jeune homme se réveilla.
– Je ne suis point le capitaine Dispolsen.
– Comment! dit l'officier d'un ton sévère, et se levant sur son séant; et qui donc êtes-vous pour oser vous introduire ici, et à cette heure?
Le jeune homme déploya sa pancarte.
– Je veux voir le comte Griffenfeld;… je veux dire votre prisonnier.
– Le comte! le comte! murmura l'officier d'un air mécontent.– Mais en vérité cette pièce est en règle; voilà bien la signature du vice-chancelier Grummond de Knud: «Le porteur pourra visiter, à toute heure et en tout temps, toutes les prisons royales.» Grummond de Knud est frère du vieux général Levin de Knud, qui commande à Drontheim, et vous saurez que ce vieux général a élevé mon futur beau-frère.
– Merci de vos détails de famille, lieutenant. Ne pensez-vous pas que vous m'en avez déjà assez raconté?
– L'impertinent a raison, se dit le lieutenant en se mordant les lèvres.– Holà, huissier! huissier de la tour! Conduisez cet étranger à Schumacker, et ne grondez pas si j'ai décroché votre luminaire à trois becs et à une mèche. Je n'étais pas fâché d'examiner une pièce qui date sans doute de Sciold le Païen ou de Havar le Pourfendu; et d'ailleurs on ne suspend plus aux plafonds que des lustres en cristal.
Il dit, et pendant que le jeune homme et son conducteur traversaient le jardin désert du donjon, il reprit, martyr de la mode, le fil des aventures galantes de l'amazone Clélie et d'Horatius le Borgne.
IV
BENVOLIO
Où diable ce Roméo peut-il être? il n'est pas rentré chez lui cette nuit.
MERCUTIO
Il n'est pas rentré chez son père; j'ai parlé à son domestique.
Cependant un homme et deux chevaux étaient entrés dans la cour du palais du gouverneur de Drontheim. Le cavalier avait quitté la