Les fleurs du mal. Charles Baudelaire

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Название Les fleurs du mal
Автор произведения Charles Baudelaire
Жанр Зарубежная классика
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Издательство Зарубежная классика
Год выпуска 0
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son œil nous revêt d’un habit de clarté.

      Que ce soit dans la nuit et dans la solitude,

      Que ce soit dans la rue et dans la multitude,

      Son fantôme dans l’air danse comme un flambeau.

      Parfois il parle et dit: «Je suis belle, et j’ordonne

      Que pour l’amour de moi vous n’aimiez que le Beau;

      Je suis l’Ange gardien, la Muse et la Madone.»

      XLIII. Le flambeau vivant

      Ils marchent devant moi, ces Yeux pleins de lumières,

      Qu’un Ange très savant a sans doute aimantés;

      Ils marchent, ces divins frères qui sont mes frères,

      Secouant dans mes yeux leurs feux diamantés.

      Me sauvant de tout piège et de tout péché grave,

      Ils conduisent mes pas dans la route du Beau;

      Ils sont mes serviteurs et je suis leur esclave;

      Tout mon être obéit à ce vivant flambeau.

      Charmants Yeux, vous brillez de la clarté mystique

      Qu’ont les cierges brûlant en plein jour; le soleil

      Rougit, mais n’éteint pas leur flamme fantastique;

      Ils célèbrent la Mort, vous chantez le Réveil;

      Vous marchez en chantant le réveil de mon âme,

      Astres dont nul soleil ne peut flétrir la flamme!

      XLIV. Réversibilité

      Ange plein de gaieté, connaissez-vous l’angoisse,

      La honte, les remords, les sanglots, les ennuis,

      Et les vagues terreurs de ces affreuses nuits

      Qui compriment le cœur comme un papier qu’on froisse?

      Ange plein de gaieté, connaissez-vous l’angoisse?

      Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine,

      Les poings crispés dans l’ombre et les larmes de fiel,

      Quand la Vengeance bat son infernal rappel,

      Et de nos facultés se fait le capitaine?

      Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine?

      Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres,

      Qui, le long des grands murs de l’hospice blafard,

      Comme des exilés, s’en vont d’un pied traînard,

      Cherchant le soleil rare et remuant les lèvres?

      Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres?

      Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides,

      Et la peur de vieillir, et ce hideux tourment

      De lire la secrète horreur du dévouement

      Dans des yeux où longtemps burent nos yeux avides?

      Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides?

      Ange plein de bonheur, de joie et de lumières,

      David mourant aurait demandé la santé

      Aux émanations de ton corps enchanté;

      Mais de toi je n’implore, ange, que tes prières,

      Ange plein de bonheur, de joie et de lumières!

      XLV. Confession

      Une fois, une seule, aimable et douce femme,

      À mon bras votre bras poli

      S’appuya (sur le fond ténébreux de mon âme

      Ce souvenir n’est point pâli);

      Il était tard; ainsi qu’une médaille neuve

      La pleine lune s’étalait,

      Et la solennité de la nuit, comme un fleuve,

      Sur Paris dormant ruisselait.

      Et le long des maisons, sous les portes cochères,

      Des chats passaient furtivement,

      L’oreille au guet, ou bien, comme des ombres chères,

      Nous accompagnaient lentement.

      Tout à coup, au milieu de l’intimité libre

      Éclose à la pâle clarté,

      De vous, riche et sonore instrument où ne vibre

      Que la radieuse gaieté,

      De vous, claire et joyeuse ainsi qu’une fanfare

      Dans le matin étincelant,

      Une note plaintive, une note bizarre

      S’échappa, tout en chancelant

      Comme une enfant chétive, horrible, sombre, immonde,

      Dont sa famille rougirait,

      Et qu’elle aurait longtemps, pour la cacher au monde,

      Dans un caveau mise au secret.

      Pauvre ange, elle chantait, votre note criarde:

      «Que rien ici-bas n’est certain,

      Et que toujours, avec quelque soin qu’il se farde,

      Se trahit l’égoïsme humain;

      Que c’est un dur métier que d’être belle femme,

      Et que c’est le travail banal

      De la danseuse folle et froide qui se pâme

      Dans un sourire machinal;

      Que bâtir sur les cœurs est une chose sotte;

      Que tout craque, amour et beauté,

      Jusqu’à ce que l’Oubli les jette dans sa hotte

      Pour les rendre à l’Éternité!»

      J’ai souvent évoqué cette lune enchantée,

      Ce silence et cette langueur,

      Et cette confidence horrible chuchotée

      Au confessionnal du cœur.

      XLVI. L’aube spirituelle

      Quand chez les débauchés l’aube blanche et vermeille

      Entre en société de l’Idéal rongeur,

      Par l’opération d’un mystère vengeur

      Dans la brute assoupie un ange se réveille.

      Des Cieux Spirituels l’inaccessible azur,

      Pour l’homme terrassé qui rêve encore et souffre,

      S’ouvre et s’enfonce avec l’attirance du gouffre.

      Ainsi, chère Déesse, Être lucide et pur,

      Sur les débris fumeux des stupides orgies

      Ton souvenir plus clair, plus rose, plus charmant,

      À mes yeux agrandis voltige incessamment.

      Le soleil a noirci la flamme des bougies;

      Ainsi, toujours vainqueur, ton fantôme est pareil,

      Âme resplendissante, à l’immortel soleil!

      XLVII. Harmonie du soir

      Voici venir les temps où vibrant sur sa tige

      Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir;

      Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir;

      Valse mélancolique et langoureux vertige!

      Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir;

      Le