Je t'aime, merci. Kimi Turró

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Название Je t'aime, merci
Автор произведения Kimi Turró
Жанр Сделай Сам
Серия
Издательство Сделай Сам
Год выпуска 0
isbn 9788412467086



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mort de ma mère ; j’avais à peine 14 ans. Les revoici face à moi. Je me sens transportée un instant dans le temps. Mes amies sont là, avec leur douleur, la mienne, reflétée sur leur visage. Inutile de parler. Nos regards et nos pleurs disent tout. Notre amour va bien au-delà. Et dans ce contexte, je me demande :

      « Pourquoi c’est toujours à moi que ça arrive ? ».

      Les visites ne cessent de défiler. La maison ne désemplit pas. La porte reste ouverte. Les gens vont et viennent, les uns après les autres. Ce jour-là, je ne sais pas combien de personnes sont passées par la maison, mais ce que je sais, c’est que les pleurs et les étreintes n’en finissaient pas.

      Les jours suivants sont synonymes d’obscurité totale. Pere, David et Quim sont constamment à mes côtés. Bien que leur compagnie et leur amour me servent de coussin, je ne suis pas là. Je n’ai qu’une chose en tête : la douleur d’avoir perdu Adrià, mon fils.

      Adrià était une personne comme tout le monde, avec ses qualités et ses défauts. Bien qu’il me manque, maintenant, cette nostalgie s’est adoucie et me permet de parler naturellement de lui en tant que fils, frère ou ami sans tomber dans l’erreur de l’idéaliser ou de le considérer comme un être supérieur. Pour nous, sa famille, c’était Adrià, mais pour ses amis, c’était Rocky, un nom avec lequel il avait été baptisé à la crèche et qui lui allait comme un gant.

      Physiquement, il était plutôt normal : pas très grand, stature moyenne, ni gros ni mince. La première chose qui attirait l’attention chez lui, c’étaient certainement ses longs cheveux bruns, plutôt ondulés, toujours décoiffés, qu’il cachait sous ses chères casquettes. Il avait une expression douce et souriante, des yeux vert olive très clairs et brillants.

      Son nez, marque incontestable de la famille, était un autre de ses signes distinctifs. C’est ce qu’il avait toujours entendu dire depuis tout petit : « Tu as un nez de patate comme tous les membres de la famille Pericus ». Celui qui en profitait le plus, c’était son frère David, qui adorait le faire enrager. Adrià lui disait : « Et toi, alors ? Meuh… Espèce de vache, va. Toi aussi tu as un gros pif ! ». Et la guerre commençait. Jusqu’à ce que l’un des deux sorte de ses gonds et m’oblige à intervenir en faveur d’Adrià : « David, arrête ! Tu ne vois pas que ton frère est plus petit que toi ? ». Petit à petit, la situation se calmait et redevenait normale. En fait, c’était une manière de dire « je t’aime ».

      Quant à ses lèvres, je me suis toujours dit qu’elles lui donnaient beaucoup de charme. Charnues et câlines, il les avait héritées de mon père, ce qui me rendait très orgueilleuse. Je me souviens aussi de ses mains qui, palpeuses et petites, douces et délicates, transmettaient beaucoup de tendresse et de chaleur humaine. Je me rappelle un jour où j’étais triste et pleurais beaucoup. Il était assis à côté de moi, en silence. Il n’a posé aucune question. Il m’a juste pris la main. À travers ce silence et sa présence, il me faisait part de ses sentiments. Il me disait : « Maman, je t’aime. Je suis là, avec toi. Je t’aiderai, tu n’es pas seule ». En me rappelant comment il était, voilà que je me remets à pleurer.

      Un autre trait, non physique, qui me rappelle toujours Adrià, c’est son odeur ; l’odeur qu’il dégageait quand il rentrait à la maison après avoir passé l’après-midi au local avec ses amis. Je l’embrassais et je lui disais : « Qui c’est qui t’aime tant ? ». D’un sourire moqueur, il me répondait : « Nina ! » –Nina était sa petite chienne. Je continuais de l’étreindre et lui disais « Je t’aime » en inspirant cette odeur de feu de bois. Ce souvenir, le fait de lui avoir dit tant de fois ces mots magiques de manière aussi vibrante, est resté gravé dans mon cœur et m’a souvent aidée à poursuivre ma route.

      Adrià était un garçon spécial et cette manière d’être contribuait à ce que notre relation fût également particulière. C’était un garçon jovial et audacieux, plutôt fainéant et paresseux pendant l’adolescence ; des années au cours desquelles je m’énervais souvent et où son bon caractère, sa tranquillité, son silence, sa discrétion et sa politesse lui permettaient de finir par faire ce qu’il voulait.

      À l’école, ce n’était pas un bon étudiant. Il nous a beaucoup tracassés parce qu’il n’y avait pas moyen qu’il prenne goût aux études. Pour lui, l’école était une perte de temps et il n’était pas du tout motivé. Ces années furent très dures pour tout le monde, parce que d’un côté c’était un garçon intelligent, très capable, mais d’un autre côté, nous voyions qu’il se sentait perdu, qu’il ne trouvait pas sa voie, qu’il grandissait et qu’il devenait de plus en plus je-m’en-foutiste. Au magasin, je ne suis parvenue à le faire travailler que deux petites heures le samedi pour qu’il puisse gagner un peu d’argent de poche. À part cela, il ne faisait que paresser, rigoler et manger. Comme il allait habituellement travailler le samedi de 15 à 17 heures, pour lui, c’était l’heure du goûter, l’heure de prendre un Coca-Cola et un sandwich. Son travail consistait à emballer des produits gourmets sous vide comme le fromage, les charcuteries et le pâté. Il adorait ce dernier : Adrià était le roi du Coca-Cola et du pâté. De temps en temps, l’un ou l’autre morceau finissait dans son ventre. Et toujours avec son air fainéant et paresseux, donnant l’impression qu’une jambe devait demander la permission à l’autre pour marcher.

      Au cours des dernières années, il aimait les vêtements de style rappeur : pantalons descendus qui laissaient apparaître le caleçon, sweat-shirts épais portant des lettres bi-zarres, et sa casquette, inséparable. Cela me fait penser à une anecdote. Un jour, nous étions allés déjeuner avec tout le personnel de Can Pere Roca à Mieres, un village de la région. Après le repas, au moment de partir, Adrià ne parvenait pas à faire démarrer sa moto et il commença à la pousser en courant à côté. Plus il courait, plus son pantalon descendait. En voyant la scène, nous nous sommes tous mis à rire comme des possédés. Quelle rigolade …

      Mais un jour, tout changea : avec l’aide du directeur de son lycée, nous parvînmes à l’emmener à une école de mécanique de Gérone. C’est là que sa transformation commença, car il trouva quelque chose qui le motivait et le passionnait vraiment : les motos. On ne pouvait plus l’arrêter ! Il passait des heures et des heures à démonter les motos et découvrir comment elles fonctionnaient.

      Depuis tout petit, il aimait tout ce qui était en mouvement. En fait, je crois qu’il est né avec la vitesse dans le sang. À l’âge de trois ans, il déambulait déjà nuit et jour en rollers. Les patins étaient réellement une prolongation de ses jambes, car il montait et descendait les escaliers et faisait tout avec ses patins aux pieds. Pour lui, il n’y avait pas d’obstacle. Il n’était pas rare de le retrouver endormi avec les patins chaussés. Parfois même avec le pantalon un peu mouillé, parce qu’il n’avait pas le temps d’aller aux toilettes ; ce n’était pas au programme ! Pour lui, ce qui comptait, c’était courir, sauter et jouer.

      Le ski était une autre passion d’Adrià. Quand il avait environ quatre ans, le dimanche à six heures du matin, nous allions tous les deux à La Molina, chargés comme des mules. Pour cela, il n’avait jamais la flemme, il ne se plaignait jamais et était toujours partant. Je me souviens de beaucoup de bons moments là-bas, à La Molina. Il ne craignait rien. Une des premières fois qu’il foula les pistes de ski, le moniteur prit peur et le gronda sévèrement parce que de tout en haut et sans bâtons, Adrià se mit à descendre en ligne droite comme une balle avec le moniteur à ses trousses. On aurait dit Atomas, la fourmi atomique, avec sa salopette et son casque rouges. Il était petit, mais fonceur !

      Plus tard, il passa du ski au snowboard. Quelle découverte ! Ces moments étaient ses grands moments de bonheur, où il se sentait libre, dans son élément. Au beau milieu de l’immensité enneigée, il était en symbiose avec lui-même.

      Ses premières et dernières vacances entre amis furent des vacances de neige. Quand il m’a dit qu’il voulait aller passer quelques jours avec ses copains, un moment, j’ai senti qu’il était