Название | Le corsaire rouge |
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Автор произведения | James Fenimore Cooper |
Жанр | Языкознание |
Серия | |
Издательство | Языкознание |
Год выпуска | 0 |
isbn | 4064066319045 |
–Elle ne manquera de rien. Nous avons ouvert ici un asile pour les maris en détresse; ceux qui n’ont pas assez de force pour être les maîtres chez eux, viennent ici comme dans un lieu de refuge. Nous pourvoyons aux besoins de leurs familles par des moyens qui nous sont connus, et tout le monde est content. Ce n’est pas le moindre de mes actes de charité.
–C’est une conduite juste et méritoire, honorable capitaine, et j’espère que Désirée et ses enfants ne seront pas oubliés. Assurément l’artisan mérite son salaire, et si je travaille pour vous, forcé et contraint, j’espère que la bonne femme et ses petits ressentiront les effets de votre libéralité.
–Vous avez ma parole; on aura soin d’eux.
–Peut-être, équitable gentilhomme, si quelque avance était faite sur ces fonds immenses que je vois rassemblés, l’esprit de ma pauvre moitié serait singulièrement tranquillisé, et ses recherches pour savoir ce que je suis devenu seraient infiniment moins actives. Je connais parfaitement le caractère de Désirée; j’ai d’excellentes raisons pour cela, et je suis identiquement convaincu que tant qu’elle aura la misère en perspective, elle jettera les hauts cris dans Newport. Maintenant que le Seigneur a bien voulu m’accorder un répit, il ne peut y avoir de mal à désirer en jouir en paix.
Quoique le Corsaire fût loin de croire, comme son prisonnier, que la langue de Désirée pût troubler l’harmonie de son vaisseau, il était dans un jour d’indulgence. Poussant de nouveau le ressort, il prit une poignée d’or, et la présentant à Homespun, il lui dit:
–Voulez-vous vous engager et prêter le serment d’usage? aussitôt cet argent est à vous.
–Le Seigneur me soit en aide et me délivre de toute tentation! marmotta le tailleur ébahi; héroïque Corsaire, je crains terriblement la justice. S’il venait à vous arriver malheur, soit de la part d’un croiseur du roi, soit par suite de quelque bonne tempête qui vous jetât à terre, il pourrait y avoir du danger à être contaminé trop intimement avec votre équipage. Tous les petits services que je pourrai rendre, contraint et forcé, seront en ce cas passés sous silence, à ce que j’espère humblement; et je compte trop sur votre magnanimité, honnête et honorable commandant, pour ne pas être sûr que ces mêmes services ne seront pas oubliés dans la répartition de vos justes et légitimes bénéfices.
–Voilà bien l’esprit de l’état! et il me semble le voir rogner en toute conscience l’habit de sa pratique pour en affubler un de ses sept enfants, dit le Corsaire entre ses dents, en tournant sur ses talons; et il frappa sur le gong avec une force qui ébranla toute la charpente du vaisseau.
Quatre ou cinq têtes se montrèrent en même temps aux différentes portes de la cabine, et une voix se fit entendre pour demander ce que leur chef avait à leur commander.
–Qu’on l’emmène dans son hamac! fut l’ordre aussi prompt que subit qui leur fut donné.
Le pauvre Homespun, qui, soit par frayeur, soit par politique, semblait hors d’état de faire le moindre mouvement, fut enlevé aussitôt de dessus sa chaise et porté jusqu’à la porte qui communiquait avec le tillac.
–Arrêtez! cria-t-il aux porteurs peu cérémonieux, au moment où ils s’apprêtaient à le transporter à l’endroit qui leur avait été désigné par leur capitaine, j’ai encore un mot à dire. Honnête et loyal rebelle, quoique je n’accepte pas d’entrer à votre service, cependant je ne le refuse pas non plus d’une manière déplacée et irrévérencieuse. C’est une cruelle tentation, et elle me démange jusqu’au bout du doigt; mais nous pourrions faire un traité par lequel nous ne perdrions ni l’un ni l’autre, et auquel la justice ne pourrait trouver rien à redire. Je voudrais, voyez-vous, puissant commodore, emporter un nom honnête au tombeau, et d’un autre côté, je ne serais pas fâché de vivre jusqu’à la fin de mes jours; car après avoir passé sain et sauf, et avec honneur, par cinq longues et sanglantes guerres.
–Qu’on l’emmène! furent les mots terribles et retentissants qui l’empêchèrent d’en dire davantage
Homespun disparut comme d’un coup de baguette, et le Corsaire resta de nouveau seul. Pendant longtemps rien ne troubla ses méditations. Ce calme profond, qu’une discipline ferme et soutenue peut seule commander, régnait dans le vaisseau; un étranger assis dans la cabine, quoique entouré d’un équipage d’hommes violents et sans frein, aurait pu se croire dans la solitude d’une église déserte, tant les sons mêmes qui étaient absolument nécessaires étaient sourds et comprimés. On entendait parfois, il est vrai, la voix dure et rauque de quelque matelot en goguette qui entonnait quelque chanson de mer, et ces accents, sortant des profondeurs du vaisseau, et n’ayant rien de bien harmonieux en eux-mêmes, ressemblaient assez aux premiers sons discordants qu’un novice tire d’un cor de chasse; mais ces interruptions même devinrent de moins en moins fréquentes et finirent par cesser tout à fait. Enfin le Corsaire entendit une main qui cherchait en tâtonnant la clef de la porte de la cabine, et alors le militaire reparut encore une fois.
Il y avait dans la démarche, dans l’air, dans toute la personne du général, quelque chose qui annonçait que si l’entreprise qu’il venait d’exécuter avait été couronnée de succès, ce n’était pas du moins sans qu’il eût été obligé de payer de sa personne. Le Corsaire, qui s’était levé précipitamment dès qu’il l’avait vu entrer, lui demanda aussitôt son rapport.
–Le blanc est tellement ivre qu’il ne peut rester couché sans se tenir au mât; mais le nègre est sorcier, ou il a une tête de fer.
–J’espère que vous ne vous êtes pas découragé trop vite?
–La retraite n’a pas été effectuée une minute trop tôt. J’aimerais autant tenir tête à une montagne.
Le Corsaire fixa les yeux sur le général, pour s’assurer de l’état exact où il se trouvait, avant de répondre:
–C’est bienn! nous allons maintenant nous séparer jusqu’à demain.
Le général se redressa avec soin et tourna sa figure du côté de l’escalier dont nous avons eu si souvent occasion de parler. Alors, faisant en quelque sorte un effort désespéré, il essaya de marcher jusque-là, la tête haute et en marquant la mesure avec ses pieds. Il fit bien un ou deux mouvements de travers, et ses jambes se croisèrent plus d’une fois dans la traversée; cependant, comme le capitaine ne parut pas s’en apercevoir, le digne officier s’imagina qu’il descendait l’escalier avec la dignité convenable, l’homme moral n’étant pas dans l’état le plus propre à découvrir les petits écarts qui pouvaient échapper à son coadjuteur physique. Le Corsaire regarda à sa montre, et, après avoir laissé au général tout le temps d’opérer sa retraite, il prit aussi le chemin de l’escalier, et descendit à son tour.
Les chambres d’en bas du vaisseau, sans offrir la même élégance que la cabine du capitaine, étaient arrangées avec beaucoup d’ordre et de soin. Quelques cabinets servant d’offices, et réservés aux domestiques, occupaient l’extrémité de l’arrière du vaisseau, et communiquaient à la salle à manger des officiers en second, ou, comme on l’appelait en termes techniques, la Ward Room. De chaque côté étaient les chambres de parade, nom imposant dont on décore toujours les chambres à coucher de ceux qui ont droit aux honneurs du tillac. En avant de la Ward-Room venaient les appartement des officiers subalternes; puis immédiatement après, était logé le corps commandé par le général, et qui, par la manière dont il était dressé, formait une barrière entre les matelots plus indisciplinés et leurs supérieurs.
Il n’y avait dans cet arrangement rien qui s’éloignât de beaucoup de la distribution ordinaire des vaisseaux de guerre de la même force et de la même grandeur que le Corsaire; mais Wilder n’avait pas manqué de remarquer que la cloison qui séparait les cabines de la partie du vaisseau