L'alouette du casque; ou, Victoria, la mère des camps. Эжен Сю

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Название L'alouette du casque; ou, Victoria, la mère des camps
Автор произведения Эжен Сю
Жанр Языкознание
Серия
Издательство Языкознание
Год выпуска 0
isbn 4064066087272



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       Eugène Sue

      L'alouette du casque; ou, Victoria, la mère des camps

      Publié par Good Press, 2020

       [email protected]

      EAN 4064066087272

       La première de couverture

       Page de titre

       Texte

      L'ALOUETTE DU CASQUE

      ou

      Victoria la mère des camps.

      (1866)

       Ce roman fait partie du tome III des Mystères du peuple ou l'Histoire d'une famille de prolétaires à travers les âges

      CHAPITRE PREMIER CHAPITRE II CHAPITRE III CHAPITRE IV CHAPITRE V

      CHAPITRE PREMIER

       Table des matières

      Moi, descendant de Joël, le brenn de la tribu de Karnak; moi, Scanvoch, redevenu libre par le courage de mon père Ralf et les vaillantes insurrections gauloises, armées de siècles en siècle, j'écris ceci deux cent soixante-quatre ans après que mon aïeule Geneviève, femme de Fergan, a vu mourir, en Judée, sur le Calvaire, Jésus de Nazareth.

      J'écris ceci cent trente-quatre ans après que Gomer, fils de Judicaël et petit-fils de Fergan, esclave comme son père et son grand-père, écrivait à son fils Médérik qu'il n'avait à ajouter que le monotone récit de sa vie d'esclave à l'histoire de notre famille.

      Médérik, mon aïeul, n'a rien ajouté non plus à notre légende; son fils Justin y avait fait seulement tracer ces mots par une main étrangère:

      «Mon père Médérik est mort esclave, combattant, comme Enfant du Gui, pour la liberté de la Gaule. Moi, son fils Justin, colon du fisc, mais non plus esclave, j'ai fait consigner ceci sur les parchemins de notre famille; je les transmettrai fidèlement à mon fils Aurel, ainsi que la faucille d'or, la clochette d'airain, le morceau de collier de fer et la petite croix d'argent, que j'ai pu conserver.»

      Aurel, fils de Justin, colon comme son père, n'a pas été plus lettré que lui; une main étrangère avait aussi tracé ces mots à la suite de notre légende:

      «Ralf, fils d'Aurel, le colon, s'est battu pour l'indépendance de son pays; Ralf, devenu tout à fait libre par la force des armes gauloises, a été aussi obligé de prier un ami de tracer ces mots sur nos parchemins pour y constater la mort de son père Aurel. Mon fils Scanvoch, plus heureux que moi, pourra, sans recourir à une main étrangère, écrire dans nos récits de famille la date de ma mort, à moi, Ralf, le premier homme de la descendance de Joël, le brenn de la tribu Karnak, qui ait reconquis une entière liberté.»

      Moi, donc, Scanvoch, fils d'Aurel, j'ai effacé de notre légende et récit moi-même les lignes précédentes, jadis tracées par la main d'autrui, qui mentionnaient la mort et les noms des nos aïeux, Justin, Aurel, Ralf. Ces trois générations remontaient à Médérik, fils de Gomer, lequel était fils de Judicaël et petit-fils de Fergan, dont la femme Geneviève a vu mettre à mort, en Judée, Jézus de Nazareth, il y a aujourd'hui deux cent soixante-quatre ans.

      Mon père Ralf m'a aussi remis nos saintes reliques à nous:

      La petite faucille d'or de notre aïeule Hêna, la vierge de l'île de Sên;

      La clochette d'airain laissée par notre aïeul Guilhern, le seul survivant des nôtres à la grande bataille de Vannes; jour funeste, duquel a daté l'asservissement de la Gaule par César, il y a aujourd'hui trois cent vingt ans;

      Le collier de fer, signe de la cruelle servitude de notre aïeul Sylvest;

      La petite croix d'argent que nous a léguée notre aïeule Geneviève, témoin de la mort de Jésus de Nazareth.

      Ces récits, ces reliques, je te les lèguerai après moi, mon petit Aëlguen, fils de ma bien-aimée femme Ellèn, qui t'as mis au monde il y a aujourd'hui quatre ans.

      C'est ce beau jour, anniversaire de ta naissance, que je choisis, comme un jour d'un heureux augure, mon enfant, afin de commencer, pour toi et pour notre descendance, le récit de ma vie, selon le dernier voeu de notre aïeul Joël, le brenn de la tribu Karnak.

      Tu t'attristeras, mon enfant, quand tu verras par ces récits que, depuis la mort de Joël jusqu'à celle de mon arrière-grand-père Justin, sept générations, entends-tu? sept générations!… ont été soumises à un horrible esclavage; mais ton coeur s'allégera lorsque tu apprendras que mon bisaïeul et mon aïeul étaient, d'esclaves, devenus colons attachés à la terre des Gaules, condition encore servile, mais beaucoup supérieure à l'esclavage; mon père à moi, redevenu libre grâce aux redoutables insurrections des Enfants du Gui, m'a légué la liberté, ce bien le plus précieux de tous; je te le lèguerai aussi.

      Notre chère patrie a donc, à force de luttes, de persévérance contre les Romains, successivement reconquis, au prix du sang de ses enfants, presque toutes ses libertés. Un fragile et dernier lien nous attache encore à Rome, aujourd'hui notre alliée, autrefois notre impitoyable dominatrice; mais ce fragile et dernier lien brisé, nous retrouverons notre indépendance absolue, et nous reprendrons notre antique place à la tête des grandes nations du monde.

      Avant de te faire connaître certaines circonstances de ma vie, mon enfant, je dois suppléer en quelques lignes au vide que laisse dans l'histoire de notre famille l'abstention de ceux de nos aïeux qui, par suite de leur manque d'instruction et du malheur des temps, n'ont pu ajouter leurs récits à notre légende. Leur vie a dû être celle de tous les Gaulois qui, malgré les chaînes de l'esclavage, ont, pas à pas, siècle à siècle, conquis par la révolte et la bataille l'affranchissement de notre pays.

      Tu liras, dans les dernières lignes écrites par notre aïeul Fergan, époux de Geneviève, que, malgré les serments des Enfants du Gui et de nombreux soulèvements, dont l'un, et des plus redoutables, eut à sa tête Sacrovir, ce digne émule du chef des cent vallées, la tyrannie de Rome, imposée depuis César à la Gaule, durait toujours. En vain Jésus de Nazareth avait prophétisé les temps où les fers des esclaves seraient brisés, les esclaves traînaient toujours leurs chaînes ensanglantées; cependant notre vieille race, affaiblie, mutilée, énervée ou corrompue par l'esclavage, mais non soumise, ne laissait passer que peu d'années sans essayer de briser son joug; les secrètes associations des Enfants du Gui couvraient le pays et donnaient d'intrépides soldats à chacune de nos révoltes contre Rome.

      Après la tentative héroïque de Sacrovir, dont tu liras la mort sublime dans les récits de notre aïeul Fergan[1], le chétif et timide esclave tisserand, d'autres insurrections éclatèrent sous les empereurs romains Tibère et Claude; elles redoublèrent d'énergie pendant les guerres civiles qui, sous le règne de Néron, divisèrent l'Italie. Vers cette époque, l'un de nos héros, VINDEX, aussi intrépide que le CHEF DES CENT VALLÉES ou que Sacrovir, tint longtemps en échec les armées romaines. CIVILS, autre patriote gaulois, s'appuyant sur les prophéties de VELLÉDA, une de nos druidesses, femme virile et de haut conseil, digne de la vaillance et de la sagesse de nos mères, souleva presque toute la Gaule, et commença