Le mystère de la chambre jaune. Гастон Леру

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Название Le mystère de la chambre jaune
Автор произведения Гастон Леру
Жанр Классические детективы
Серия
Издательство Классические детективы
Год выпуска 0
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deviendra de plus, plus en plus mystérieux. Voilà pourquoi il mintéresse. Le juge dinstruction a raison: on naura jamais vu quelque chose de plus étrange que ce crime-là…

      – Avez-vous quelque idée du chemin que lassassin a pu prendre pour senfuir? demandai-je.

      – Aucune, me répondit Rouletabille, aucune pour le moment… Mais jai déjà mon idée faite sur le revolver, par exemple… Le revolver na pas servi à lassassin…

      – Et à qui donc a-t-il servi, mon Dieu? …

      – Eh bien, mais… «à Mlle Stangerson…»

      – Je ne comprends plus, fis-je… Ou mieux je nai jamais compris…»

      Rouletabille haussa les épaules:

      «Rien ne vous a particulièrement frappé dans larticle du Matin?

      – Ma foi non… jai trouvé tout ce quil raconte également bizarre…

      – Eh bien, mais… et la porte fermée à clef?

      – Cest la seule chose naturelle du récit…

      – Vraiment! … Et le verrou? …

      – Le verrou?

      – Le verrou poussé à lintérieur? … Voilà bien des précautions prises par Mlle Stangerson… «Mlle Stangerson, quant à moi, savait quelle avait à craindre quelquun; elle avait pris ses précautions; «elle avait même pris le revolver du père Jacques», sans lui en parler. Sans doute, elle ne voulait effrayer personne; elle ne voulait surtout pas effrayer son père… «Ce que Mlle Stangerson redoutait est arrivé…» et elle sest défendue, et il y a eu bataille et elle sest servie assez adroitement de son revolver pour blesser lassassin à la main – ainsi sexplique limpression de la large main dhomme ensanglantée sur le mur et sur la porte, de lhomme qui cherchait presque à tâtons une issue pour fuir – mais elle na pas tiré assez vite pour échapper au coup terrible qui venait la frapper à la tempe droite.

      – Ce nest donc point le revolver qui a blessé Mlle Stangerson à la tempe?

      – Le journal ne le dit pas, et, quant à moi, je ne le pense pas; toujours parce quil mapparaît logique que le revolver a servi à Mlle Stangerson contre lassassin. Maintenant, quelle était larme de lassassin? Ce coup à la tempe semblerait attester que lassassin a voulu assommer Mlle Stangerson… Après avoir vainement essayé de létrangler… Lassassin devait savoir que le grenier était habité par le père Jacques, et cest une des raisons pour lesquelles, je pense, il a voulu opérer avec une «arme de silence», une matraque peut-être, ou un marteau…

      – Tout cela ne nous explique pas, fis-je, comment notre assassin est sorti de la «Chambre Jaune»!

      – Èvidemment, répondit Rouletabille en se levant, et, comme il faut lexpliquer, je vais au château du Glandier, et je viens vous chercher pour que vous y veniez avec moi…

      – Moi!

      – Oui, cher ami, jai besoin de vous. LÈpoque ma chargé définitivement de cette affaire, et il faut que je léclaircisse au plus vite.

      – Mais en quoi puis-je vous servir?

      – M. Robert Darzac est au château du Glandier.

      – Cest vrai… son désespoir doit être sans bornes!

      – Il faut que je lui parle…»

      Rouletabille prononça cette phrase sur un ton qui me surprit:

      «Est-ce que… Est-ce que vous croyez à quelque chose dintéressant de ce côté? … demandai-je.

      – Oui.»

      Et il ne voulut pas en dire davantage. Il passa dans mon salon en me priant de hâter ma toilette.

      Je connaissais M. Robert Darzac pour lui avoir rendu un très gros service judiciaire dans un procès civil, alors que jétais secrétaire de maître Barbet-Delatour. M. Robert Darzac, qui avait, à cette époque, une quarantaine dannées, était professeur de physique à la Sorbonne. Il était intimement lié avec les Stangerson, puisque après sept ans dune cour assidue, il se trouvait enfin sur le point de se marier avec Mlle Stangerson, personne dun certain âge (elle devait avoir dans les trente-cinq ans), mais encore remarquablement jolie.

      Pendant que je mhabillais, je criai à Rouletabille qui simpatientait dans mon salon:

      «Est-ce que vous avez une idée sur la condition de lassassin?

      – Oui, répondit-il, je le crois sinon un homme du monde, du moins dune classe assez élevée… Ce nest encore quune impression…

      – Et quest-ce qui vous la donne, cette impression?

      – Eh bien, mais, répliqua le jeune homme, le béret crasseux, le mouchoir vulgaire et les traces de la chaussure grossière sur le plancher…

      – Je comprends, fis-je; on ne laisse pas tant de traces derrière soi, «quand elles sont lexpression de la vérité!»

      – On fera quelque chose de vous, mon cher Sainclair!» conclut Rouletabille.

      III

      «Un homme a passé comme une ombre à travers les volets»

      Une demi-heure plus tard, nous étions, Rouletabille et moi, sur le quai de la gare dOrléans, attendant le départ du train qui allait nous déposer à Épinay-sur-Orge. Nous vîmes arriver le parquet de Corbeil, représenté par M. de Marquet et son greffier. M. de Marquet avait passé la nuit à Paris avec son greffier pour assister, à la Scala, à la répétition générale dune revuette dont il était lauteur masqué et quil avait signé simplement:«Castigat Ridendo.»

      M. de Marquet commençait dêtre un noble vieillard. Il était, à lordinaire, plein de politesse et de «galantise», et navait eu, toute sa vie, quune passion: celle de lart dramatique. Dans sa carrière de magistrat, il ne sétait véritablement intéressé quaux affaires susceptibles de lui fournir au moins la nature dun acte. Bien que, décemment apparenté, il eût pu aspirer aux plus hautes situations judiciaires, il navait jamais travaillé, en réalité, que pour «arriver»à la romantique Porte Saint-Martin ou à lOdéon pensif. Un tel idéal lavait conduit, sur le tard, à être juge dinstruction à Corbeil, et à signer «Castigat Ridendo» un petit acte indécent à la Scala.

      Laffaire de la «Chambre Jaune», par son côté inexplicable, devait séduire un esprit aussi… littéraire. Elle lintéressa prodigieusement; et M. de Marquet sy jeta moins comme un magistrat avide de connaître la vérité que comme un amateur dimbroglios dramatiques dont toutes les facultés sont tendues vers le mystère de lintrigue, et qui ne redoute cependant rien tant que darriver à la fin du dernier acte, où tout sexplique.

      Ainsi, dans le moment que nous le rencontrâmes, jentendis M. de Marquet dire avec un soupir à son greffier:

      «Pourvu, mon cher monsieur Maleine, pourvu que cet entrepreneur, avec sa pioche, ne nous démolisse pas un aussi beau mystère!

      – Nayez crainte, répondit M. Maleine, sa pioche démolira peut- être le pavillon, mais elle laissera notre affaire intacte. Jai tâté les murs et étudié plafond et plancher, et je my connais. On ne me trompe pas. Nous pouvons être tranquilles. Nous ne saurons rien.

      Ayant ainsi rassuré son chef, M. Maleine nous désigna dun mouvement de tête discret à M. de Marquet. La figure de celui-ci se renfrogna et, comme il vit venir à lui Rouletabille qui, déjà, se découvrait, il se précipita sur une portière et sauta dans le train en jetant à mi-voix à son greffier: «surtout, pas de journalistes!»

      M. Maleine répliqua: «Compris!», arrêta Rouletabille dans sa course et eut la prétention de lempêcher de monter dans le compartiment du juge dinstruction.

      «Pardon, messieurs! Ce compartiment est réservé…

      – Je suis journaliste, monsieur, rédacteur à lÈpoque, fit mon jeune ami avec une grande dépense de salutations et de politesses, et jai un petit mot à dire à M. de Marquet.

      – M.