Le mystère de la chambre jaune. Гастон Леру

Читать онлайн.
Название Le mystère de la chambre jaune
Автор произведения Гастон Леру
Жанр Классические детективы
Серия
Издательство Классические детективы
Год выпуска 0
isbn



Скачать книгу

non, pas une minute… depuis que jai lu larticle du Matin, je sais quil ne sagit pas dune bête! Maintenant, je jure quil sest passé là une tragédie effroyable… Mais vous ne parlez pas du béret retrouvé, ni du mouchoir, père Jacques?

      – Le magistrat les a pris, bien entendu», fit lautre avec hésitation.

      Le reporter lui dit, très grave:

      «Je nai vu, moi, ni le mouchoir, ni le béret, mais je peux cependant vous dire comment ils sont faits.

      – Ah! vous êtes bien malin…», et le père Jacques toussa, embarrassé.

      «Le mouchoir est un gros mouchoir bleu à raies rouges, et le béret, est un vieux béret basque, comme celui-là, ajouta Rouletabille en montrant la coiffure de lhomme.

      – Cest pourtant vrai… vous êtes sorcier…»

      Et le père Jacques essaya de rire, mais ny parvint pas.

      «Comment quvous savez que le mouchoir est bleu à raies rouges?

      – Parce que, sil navait pas été bleu à raies rouges, on naurait pas trouvé de mouchoir du tout!»

      Sans plus soccuper du père Jacques, mon ami prit dans sa poche un morceau de papier blanc, ouvrit une paire de ciseaux, se pencha sur les traces de pas, appliqua son papier sur lune des traces et commença à découper. Il eut ainsi une semelle de papier dun contour très net, et me la donna en me priant de ne pas la perdre.

      Il se retourna ensuite vers la fenêtre et, montrant au père Jacques, Frédéric Larsan qui navait pas quitté les bords de létang, il sinquiéta de savoir si le policier nétait point venu, lui aussi, «travailler dans la Chambre Jaune».

      «Non! répondit M. Robert Darzac, qui, depuis que Rouletabille lui avait passé le petit bout de papier roussi, navait pas prononcé un mot. Il prétend quil na point besoin de voir la «Chambre Jaune», que lassassin est sorti de la «Chambre Jaune» dune façon très naturelle, et quil sen expliquera ce soir!

      En entendant M. Robert Darzac parler ainsi, Rouletabille – chose extraordinaire – pâlit.

      «Frédéric Larsan posséderait-il la vérité que je ne fais que pressentir! murmura-t-il. Frédéric Larsan est très fort… très fort… et je ladmire… Mais aujourdhui, il sagit de faire mieux quune oeuvre de policier… _mieux que ce quenseigne lexpérience! … il sagit dêtre logique, _mais logique, entendez-moi bien, comme le bon Dieu a été logique quand il a dit: 2 + 2 = 4…! IL SAGIT DE PRENDRE LA RAISON PAR LE BON BOUT!»

      Et le reporter se précipita dehors, éperdu à cette idée que le grand, le fameux Fred pouvait apporter avant lui la solution du problème de la «Chambre Jaune!»

      Je parvins à le rejoindre sur le seuil du pavillon.

      «Allons! lui dis-je, calmez-vous… vous nêtes donc pas content?

      – Oui, mavoua-t-il avec un grand soupir_. Je suis très content_. Jai découvert bien des choses…

      – De lordre moral ou de lordre matériel?

      – Quelques-unes de lordre moral et une de lordre matériel. Tenez, ceci, par exemple.»

      Et, rapidement, il sortit de la poche de son gilet une feuille de papier quil avait dû y serrer pendant son expédition sous le lit, et dans le pli de laquelle il avait déposé un cheveu blond de femme.

      VIII

      Le juge dinstruction interroge Mlle Stangerson

      Cinq minutes plus tard, Joseph Rouletabille se penchait sur les empreintes de pas découvertes dans le parc, sous la fenêtre même du vestibule, quand un homme, qui devait être un serviteur du château, vint à nous à grandes enjambées, et cria à M. Robert Darzac qui descendait du pavillon:

      «Vous savez, monsieur Robert, que le juge dinstruction est en train dinterroger mademoiselle.»

      M. Robert Darzac nous jeta aussitôt une vague excuse et se prit à courir dans la direction du château; lhomme courut derrière lui.

      «Si le cadavre parle, fis-je, cela va devenir intéressant.

      – Il faut savoir, dit mon ami. Allons au château.»

      Et il mentraîna. Mais, au château, un gendarme placé dans le vestibule nous interdit laccès de lescalier du premier étage. Nous dûmes attendre.

      Pendant ce temps-là, voici ce qui se passait dans la chambre de la victime. Le médecin de la famille, trouvant que Mlle Stangerson allait beaucoup mieux, mais craignant une rechute fatale qui ne permettrait plus de linterroger, avait cru de son devoir davertir le juge dinstruction… et celui-ci avait résolu de procéder immédiatement à un bref interrogatoire. À cet interrogatoire assistèrent M. de Marquet, le greffier, M. Stangerson, le médecin. Je me suis procuré plus tard, au moment du procès, le texte de cet interrogatoire. Le voici, dans toute sa sécheresse juridique:

      Demande. – Sans trop vous fatiguer, êtes-vous capable, mademoiselle, de nous donner quelques détails nécessaires sur laffreux attentat dont vous avez été victime?

      Réponse. – Je me sens beaucoup mieux, monsieur, et je vais vous dire ce que je sais. Quand jai pénétré dans ma chambre, je ne me suis aperçue de rien danormal.

      D. – Pardon, mademoiselle, si vous me le permettez, je vais vous poser des questions et vous y répondrez. Cela vous fatiguera moins quun long récit.

      R. – Faites, monsieur.

      D. – Quel fut ce jour-là lemploi de votre journée? Je le désirerais aussi précis, aussi méticuleux que possible. Je voudrais, mademoiselle, suivre tous vos gestes, ce jour-là, si ce nest point trop vous demander.

      R. – Je me suis levée tard, à dix heures, car mon père et moi nous étions rentrés tard dans la nuit, ayant assisté au dîner et à la réception offerts par le président de la République, en lhonneur des délégués de lacadémie des sciences de Philadelphie. Quand je suis sortie de ma chambre, à dix heures et demie, mon père était déjà au travail dans le laboratoire. Nous avons travaillé ensemble jusquà midi; nous avons fait une promenade dune demi-heure dans le parc; nous avons déjeuné au château. Une demi-heure de promenade, jusquà une heure et demie, comme tous les jours. Puis, mon père et moi, nous retournons au laboratoire. Là, nous trouvons ma femme de chambre qui vient de faire ma chambre. Jentre dans la «Chambre Jaune» pour donner quelques ordres sans importance à cette domestique qui quitte le pavillon aussitôt et je me remets au travail avec mon père. À cinq heures, nous quittons le pavillon pour une nouvelle promenade et le thé.

      D. – Au moment de sortir, à cinq heures, êtes-vous entrée dans votre chambre?

      R. – Non, monsieur, cest mon père qui est entré dans ma chambre, pour y chercher, sur ma prière, mon chapeau.

      D. – Et il ny a rien vu de suspect?

      M. STANGERSON. – Èvidemment non, monsieur.

      D. – Du reste, il est à peu près sûr que lassassin nétait pas encore sous le lit, à ce moment-là. Quand vous êtes partie, la porte de la chambre navait pas été fermée à clef?

      Mlle STANGERSON. – Non. Nous navions aucune raison pour cela…

      D. – Vous avez été combien de temps partis du pavillon à ce moment-là, M. Stangerson et vous?

      R. – Une heure environ.

      D. – Cest pendant cette heure-là, sans doute, que lassassin sest introduit dans le pavillon. Mais comment? On ne le sait pas. On trouve bien, dans le parc, des traces de pas qui sen vont de la fenêtre du vestibule, on nen trouve point qui y viennent. Aviez-vous remarqué que la fenêtre du vestibule fût ouverte quand vous êtes sortie avec votre père?

      R. – Je ne men souviens pas.

      M. STANGERSON. – Elle était fermée.

      D. – Et quand vous êtes rentrés?

      Mlle STANGERSON. – Je nai pas fait attention.

      M.