Les bases de la morale évolutionniste. Spencer Herbert

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Название Les bases de la morale évolutionniste
Автор произведения Spencer Herbert
Жанр Философия
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Издательство Философия
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sommes très familiarisés aujourd'hui avec l'idée d'une évolution de structures à travers les types ascendants de l'animalité. Nous nous sommes aussi familiarisés à un haut degré avec cette pensée qu'une évolution de fonctions s'est produite pari passu en même temps que l'évolution des structures. Faisant un pas de plus, il nous reste à concevoir que l'évolution de la conduite est corrélative à cette évolution de structures et de fonctions.

      Il faut distinguer avec précision ces trois cas. Il est clair que les faits établis par la morphologie comparée forment un tout essentiellement indépendant, bien qu'on ne puisse l'étudier en général ou en détail sans tenir compte des faits qui appartiennent à la physiologie comparée. Il n'est pas moins clair que nous pouvons appliquer exclusivement notre attention à cette différenciation progressive de fonctions et à cette combinaison de fonctions, qui accompagnent le développement des structures, – que nous pouvons dire des caractères et des connexions des organes seulement ce qu'il faut pour parler de leurs actions séparées ou combinées. La conduite forme elle-même un sujet distinct du sujet des fonctions, moins que celui-ci ne l'est du sujet des structures, mais assez cependant pour constituer un sujet essentiellement séparé. Ces fonctions en effet, qui se combinent déjà de diverses manières pour former ce que nous regardons comme des actes corporels particuliers, sont recombinées encore d'un nombre indéfini de façons pour former cette coordination d'actes corporels désignée sous le nom de conduite.

      Nous avons affaire aux fonctions dans le vrai sens du mot, quand nous les considérons comme des processus qui se développent dans le corps; et, sans dépasser les limites de la physiologie, nous pouvons traiter de leurs combinaisons, tant que nous les regardons comme des éléments du consensus vital. Si nous observons comment les poumons aèrent le sang que le coeur leur envoie, comment le coeur et les poumons ensemble fournissent du sang aéré à l'estomac et le rendent ainsi capable de remplir sa tâche; comment ces organes collaborent avec diverses glandes de sécrétion ou d'excrétion pour achever la digestion et pour éliminer la matière qui a déjà servi; comment enfin tout ce travail a pour effet de maintenir le cerveau en état de diriger ces actes qui contribuent indirectement à la conservation de la vie, nous ne traitons ainsi que des fonctions. Alors même que nous étudions la manière dont les parties qui agissent directement autour du tronc, – les jambes, les bras, les ailes, – font ce qu'elles doivent faire, nous nous occupons encore des fonctions, en tant qu'elles sont physiologiques, aussi longtemps que nous limitons notre examen à leurs processus internes, à leurs combinaisons internes.

      Mais nous abordons le sujet de la conduite dès que nous étudions les combinaisons d'actions des organes sensoriels ou moteurs en tant qu'elles se manifestent au dehors. Supposons qu'au lieu d'observer les contractions musculaires par lesquelles convergent les axes optiques et s'adaptent les foyers oculaires (ce qui est du domaine de la physiologie), qu'au lieu d'observer la coopération des nerfs, des muscles, des os, qui permet de porter la main à telle place et de fermer les doigts (c'est encore du domaine de la physiologie), nous observions ce fait qu'une arme est saisie par une main que les yeux ont guidée. Nous passons alors de la pensée d'une combinaison de fonctions internes à la pensée d'une combinaison de mouvements externes. Sans doute, si nous pouvions suivre les processus cérébraux qui accompagnent ces mouvements, nous trouverions une coordination physiologique interne correspondante à cette coordination extérieure d'actions. Mais cette hypothèse s'accorde avec cette affirmation que, lorsque nous ignorons la combinaison interne et faisons attention seulement à la combinaison externe, nous passons d'une partie de la physiologie à une partie de la conduite. On pourrait objecter, il est vrai, que la combinaison externe donnée comme exemple est trop simple pour être légitimement désignée par le nom de conduite; mais il suffit de réfléchir un moment pour voir qu'elle se lie par d'insensibles gradations à ce que nous appelons la conduite. Supposons que cette arme soit prise pour parer un coup, qu'elle serve à faire une blessure, que l'agresseur soit mis en fuite, que l'affaire fasse du bruit, arrive à la police, et qu'il s'ensuive tous ces actes variés qui constituent une poursuite judiciaire. Evidemment l'adaptation initiale d'un acte à une fin, inséparable de tout le reste, doit être comprise avec ce reste sous un même nom général, et nous passons évidemment par degrés de cette simple adaptation initiale, qui n'a pas encore de caractère moral intrinsèque, aux adaptations les plus complexes et à celles qui donnent lieu à des jugements moraux.

      Négligeant toute coordination interne, nous avons donc ici pour sujet l'agrégat de toutes les coordinations externes, et cet agrégat embrasse non seulement toutes les coordinations formées par des hommes, les plus simples comme les plus complexes, mais encore toutes celles que produisent tous les êtres inférieurs plus ou moins développés.

      4. Nous avons déjà implicitement résolu cette question: en quoi consiste le progrès dans l'évolution de la conduite, et comment pourrons-nous le suivre depuis les types les plus humbles des créatures vivantes jusqu'aux plus élevés? Quelques exemples suffiront pour mettre la réponse dans tout son jour.

      Nous avons vu que la conduite se distingue de la totalité des actions en ce qu'elle exclut les actions qui ne tendent pas à une fin: mais dans le cours de l'évolution cette distinction se manifeste par degrés. Chez les créatures les plus humbles, la plupart des mouvements accomplis à chaque instant ne paraissent pas plus dirigés vers un but déterminé que les mouvements désordonnés d'un épileptique. Un infusoire nage au hasard çà et là, sans que sa course soit déterminée par la vue d'aucun objet à poursuivre ou à éviter, et seulement, selon toute apparence, sous l'impulsion de diverses actions du milieu où il est plongé; ses actes, qui ne paraissent à aucun degré adaptés à des fins, le conduisent tantôt au contact de quelque substance nutritive qu'il absorbe, tantôt au contraire dans le voisinage de quelque animal par lequel il est lui-même absorbé et digéré. Privés des sens développés et de la puissance motrice qui appartiennent aux animaux supérieurs, quatre-vingt-dix-neuf pour cent de ces animalcules, qui vivent isolément quelques heures, disparaissent en servant à la nutrition d'autres êtres ou sont détruits par quelque autre cause. Leur conduite se compose d'actions si peu adaptées à des fins que leur vie continue seulement tant que les accidents du milieu leur sont favorables.

      Mais si, parmi les créatures aquatiques, nous en observons une d'un type encore peu élevé, supérieure cependant à l'infusoire, un rotifère par exemple, nous voyons en même temps que la taille s'accroît, que la structure se développe et que le pouvoir de combiner des fonctions s'augmente, comment il se fait aussi un progrès dans la conduite. Nous voyons le rotifère agiter circulairement ses cils, et attirer pour s'en nourrir les petits animaux qui se meuvent autour de lui; avec sa queue préhensive, il se fixe à quelque objet approprié; en repliant ses organes extérieurs et en contractant son corps, il se soustrait aux dangers qui peuvent de temps à autre le menacer. En adaptant mieux ses actions à des fins, il se rend ainsi plus indépendant des faits extérieurs et assure sa conservation pour une plus longue période.

      Un type supérieur, comme celui des mollusques, permet de marquer encore mieux ce contraste. Lorsque nous comparons un mollusque inférieur, comme l'ascidie flottante, avec un mollusque d'une espèce élevée, comme un céphalopode, nous trouvons encore qu'un plus haut degré de l'évolution organique est accompagné d'une conduite plus développée. A la merci de tout animal marin assez gros pour l'avaler, entraînée par les courants qui peuvent au hasard la retenir en pleine mer ou la laisser à sec sur le rivage, l'ascidie n'adapte que fort peu d'actes à des fins déterminées, en comparaison du céphalopode. Celui-ci, au contraire, tantôt rampe sur le rivage, tantôt explore les crevasses des rochers, tantôt nage dans la mer, tantôt attaque un poisson, tantôt se dérobe lui-même dans un nuage de liqueur noire à la poursuite d'un animal plus gros et se sert de ses tentacules soit pour se fixer au sol, soit pour tenir sa proie plus serrée; il choisit, il combine, il proportionne ses mouvements de minute en minute, aussi bien pour échapper aux dangers qui le menacent que pour tirer parti des hasards heureux; il nous montre enfin toute une variété d'actions qui, en servant à des fins particulières, servent à cette fin générale: assurer la continuité de l'activité.

      Chez les animaux vertébrés, nous suivons également ce progrès de la conduite parallèlement au progrès des structures et des fonctions. Un poisson errant çà et là à la recherche de quelque