Les Néo-Ruraux Tome 1: Le Berger. Wolfgang Bendick

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Название Les Néo-Ruraux Tome 1: Le Berger
Автор произведения Wolfgang Bendick
Жанр Сделай Сам
Серия Les Néo-Ruraux
Издательство Сделай Сам
Год выпуска 0
isbn 9783750218888



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j’enlevai une partie du talus à la pioche, coulai une dalle armée de 2,5 X 3,5 mètres. J’y construisis un grand bac avec des parpaings, environ 1,50 mètres de haut, que, une fois crépi et sec, j’enduisis avec du goudron pour fondations. Celui-ci allait servir en alternance comme fosse à purin pour les vaches ou comme réserve pour la future turbine. Nous couvrîmes le haut avec une couche d’arbres et entassâmes le fumier des vaches au-dessus. Le purin traversait la cour dans une rigole et se déversait dans le bac. Immédiatement les poules se mirent à tout éparpiller. Devions-nous les enfermer ? Nous préférâmes clôturer le tas de fumier, laissant les poules courir partout pour les serpents. Quand elles en voyaient un, un tressaillement rapide du cou et le serpent se trouvait dans le bec. Puis deux moitiés du serpent tombaient par terre, tout de suite attrapées par les autres poules qui accouraient de partout, et encore coupé en deux… La poule qui avait trouvé le serpent avait du mal à avoir sa part du butin ! Même si la tête du serpent essayait de mordre la poule, cet effort désespéré échouait systématiquement à cause du plumage des poules qui faisait office d’armure. Malheureusement la plupart des reptiles transformés en œufs étaient des orvets de couleur cuivre en non pas des vipères. Parfois nous surprenions au jardin ou sur le terrain des serpents vert clair d’une longueur de 1,50 mètres ou plus. D’après Jean-Paul ceux-ci n’étaient pas dangereux.

      Afin de garder les poules un peu éloignées de la maison et de ne pas toujours avoir leur fiente sous les semelles, notre nouveau chien, baptisé Frodo, s’avéra très utile. Il nous démontra qu’il avait hérité de l’instinct du chien de troupeau en poussant les poules devant lui. Mais quand nous le surprîmes en train de mâcher une poule morte avec ses dents de lait, il nous fallut intervenir d’un point de vue éducatif. Jean-Paul qui venait juste de se pointer nous conseilla d’enfermer tout de suite chien et poule dans un sac à patates et de bien taper le sac un bon moment avec un bâton en criant « non ! » Ça corrigera le chien une fois pour toutes ! C’est ce que nous fîmes, en l’absence des enfants bien sûr ! Le chien nous faisait pitié. Mais nous dûmes le faire, tout de suite, sinon il serait trop tard ! Quand enfin nous libérâmes le chien et la poule et posâmes la poule à côté de lui, il détourna la tête. Nous laissâmes la poule un moment dans la cour et observâmes le chien en cachette. Il ignorait la poule et faisait un détour autour d’elle, quand il traversait la cour. Le soir venu nous enterrâmes la poule. Notre méthode « orthodoxe » avait-elle donc fonctionné ?

      *

      Pour les marchands de bestiaux du coin, il semblait que nous étions une aubaine. Il y en avait un dans chaque village. Souvent il était aussi paysan. Pour les marchés et leurs transactions ils se mettaient une blouse noire et ressemblaient plutôt aux pompes funèbres. Ils étaient joviaux, invitaient à boire un verre et ne parlaient de leurs bêtes qu’en passant. Ne connaissant pas le prix et étant incapables de déterminer l’âge d’une bête, ils croyaient qu’ils auraient la vie facile avec nous. Peut-être était-ce notre méfiance subconsciente qui leur faisait croire que nous nous y connaissions en animaux ! Les chèvres et les brebis n’avaient pas de papiers ou de médailles dans les oreilles. Par contre, les vaches avaient un papier d’accompagnement, le « carton », et une boucle avec un numéro dans une oreille qui fit place, plus tard, à un tatouage d’abord dans une, puis dans les deux oreilles, et qui devait correspondre avec le numéro se trouvant sur le carton. Là, au moins, on pouvait trouver l’âge de la bête. Mais il était possible de tricher, car on pouvait faire faire des papiers pour une vache qui n’en avait pas. Là on pouvait donner n’importe quelle date de naissance. Avec les chevaux c’était pareil. Heureusement, Jean-Paul ou son père Elie étaient souvent avec nous quand nous cherchions des animaux. Ils nous soufflaient à l’oreille quel prix était correct ou quel défaut un animal portait. Car nous en étions conscients : une bonne bête, on ne la vend pas, on la garde !

      Maurice, qui habitait le village plus bas, était un de ces maquignons. Il avait dans les 60 ans. Avec des aides européennes accordées à des éleveurs de montagne, il avait fait construire deux grands hangars pouvant contenir facilement 400 brebis. Pour gérer un tel nombre de bêtes, il avait besoin d’un domestique, Claude, qui faisait tout sauf conduire le tracteur. Dans la vallée, on racontait que Claude avait rejoint la police quand il était jeune, afin de sortir de la misère paysanne. Il avait même été muté dans la capitale où il avait été affecté à la circulation. Depuis toujours il aimait la boisson et la convivialité. Un jour, il avait été convoqué chez son supérieur, qui lui reprocha de ne pas rédiger de PV. La police devait vivre de quelque chose, tout de même ! Il fallait que ça change ! Il devait intervenir plus énergiquement et ne plus céder aux discussions ! C’était assez clair et il le prit à cœur.

      Le lendemain, alors qu’il réglait la circulation, une limousine noire traversa le carrefour à toute allure sans se soucier de ses instructions et ne s’arrêta même pas quand il siffla. Il nota le numéro et déposa une plainte. Quelques jours plus tard, il fut de nouveau convoqué au bureau du chef. Se réjouissant, il entra dans l’attente de félicitations. Mais son chef était furieux ! Il avait déposé une plainte contre l’ambassadeur d’Allemagne. On lui demanda de retirer immédiatement la plainte ! Il refusa d’après le principe : « Devant la loi, tout le monde est égal ! » Pourquoi accorder des droits spéciaux à l’ambassadeur allemand ? Ce fut la fin de sa carrière dans la police. Bientôt il fut de retour dans son village natal et donnait des coups de main aux voisins. « Paris ? Laisse tomber ! On n’est mieux nulle part ailleurs qu’ici, dans la Belleverte ! »

      *

      Le maquignon qui nous avait vendu la première vache nous fit savoir par Jean-Paul qu’il avait le cheval idéal pour nous. Jeune, dressé et en plus prêt à faire son petit ! « Calina » était son nom. Nous nous y rendîmes le soir même pour la voir car nous avions besoin d’un animal de trait et de somme afin de ne pas toujours devoir transformer la motofaucheuse en treuil. Elle était de robe baie, de taille moyenne, pas très large. Mais assez forte et surtout calme, ce qui était important à cause des enfants. Dressée était exagéré, mais elle compensait ce manque par son caractère doux et son intelligence. Jamais elle ne s’effarouchait et elle faisait des efforts pour nous satisfaire. Elie nous donna un collier et une barre de trait. J’achetai des chaînes à la foire et nous fîmes les premiers essais de transport. Tout allait à merveille ! Peut-être que mes expériences étant enfant y étaient pour beaucoup, car chez les voisins tous les gros travaux étaient faits avec un cheval. Bientôt elle mit au monde un poulain que nous baptisâmes Claudius.

      Mes préoccupations principales étaient les terres et les animaux. Doris, quant elle, s’occupait des enfants, de la maison, du jardin. Ici il y avait un peu plus de terre qu’au champ. Sans doute, dans le passé, il avait été mieux fertilisé, étant situé en contrebas de l’étable. Nous brûlâmes aussi l’immense tas de bois issu de la démolition pour avoir plus de surface disponible. Un malaise nous envahit lorsque les flammes jaillirent dans le ciel, seulement à quelques mètres devant la maison ! Le bois sec brûlait comme une allumette ! Nous avions préparé quelques seaux d’eau et le tuyau d’arrosage. Finalement, la transpiration d’angoisse fut la seule eau que nous fîmes couler ! A cet endroit, le sol se laissait travailler facilement et bientôt, nous y récoltâmes les premiers radis et salades. Nous ramassions du pissenlit et de l’oseille dans les prés. Marcelle, la mère de Jean-Paul nous montra l’ail et les asperges sauvages, qui poussaient à certains endroits. Coupés en petits morceaux, ils amélioraient notre quotidien.

      Autour de nous, sur les grises pentes boisées, commençaient à briller les premiers merisiers, semblables à des torches blanches. Suivirent les épines noires et les prunes sauvages avec leurs voiles blancs. Bientôt nous aperçûmes ci et là, comme un souffle, le premier vert tendre des bouleaux. Comme si les autres arbres avaient attendu ce signal, ils commencèrent petit à petit à déplier leurs feuilles de sorte que, après une bonne semaine, les flancs des coteaux autour de nous scintillaient de toutes les nuances de vert. Les oiseaux migrateurs étaient de retour et nous réveillaient à la première lueur du jour. Nous ouvrîmes les fenêtres pour les écouter. Ici leur chant nous semblait plus intense ! Bientôt nous entendîmes le premier coucou, pendant que le vert continuait de se propager vers le haut de la montagne.