Le Coeur Brisé D'Arelium. Alex Robins

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Название Le Coeur Brisé D'Arelium
Автор произведения Alex Robins
Жанр Героическая фантастика
Серия
Издательство Героическая фантастика
Год выпуска 0
isbn 9788835427940



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les grappins. Les deux utilisations sont aussi importantes l'une que l'autre.

      Aldarin équilibra sans effort le manche de sa hache massive sur la paume d'une main, admirant la façon dont les deux lames incurvées captaient la lumière.

      — En tant que chevalier de l'Ordre de Brachyura, je suis formé pour construire et je suis formé pour combattre. Il semblerait que la seconde partie de ma formation nous sera plus utile que la première. Vous m'avez demandé pourquoi j'ai été envoyé ici. C'est parce que le fondateur de mon Ordre a construit le mur, et nous avons toujours ressenti une responsabilité envers les hommes qu'il a choisi pour le défendre, les hommes maintenant connus sous le nom de « Vieille Garde ».

      La nuit était tombée et Reed pouvait sentir son corps endolori lui indiquer qu'il était temps de se reposer.

      — Mais pourquoi maintenant ? dit-il en étouffant un bâillement. Où étaient les Chevaliers des Douze pendant tout ce temps ? Qui vous a envoyé ? Où sont les autres membres de votre Ordre ?

      — Il est préférable de laisser certaines choses de côté pour l'instant, répondit Aldarin. Nous aurons le temps de parler de ces questions sur le chemin d'Arelium.

      Il se leva soudainement.

      — Je prendrai le premier quart, ami Reed, vous pouvez dormir en toute sécurité.

      Reed hocha la tête avec reconnaissance et étendit sa cape près du feu. Fermant les yeux, il réfléchit à tout ce qu'Aldarin lui avait dit, les pensées et les questions tournant en rond dans sa tête comme un essaim de guêpes en colère. Quelque chose le dérangeait, mais il n'était pas sûr de quoi, quelque chose qu'Aldarin avait dit. Il était en train de s'assoupir quand il se rappela.

      — Aldarin, murmura-t-il, pourquoi l'avoir appelée « la Fosse du Sud » ?

      Il n'y eut pas de réponse, seulement le crépitement des flammes.

      Le sommeil le terrassa peu après.

      *

      Reed se réveilla le lendemain matin en se sentant bien reposé et frais. Il se rendit compte avec culpabilité qu'Aldarin l'avait laissé dormir et avait monté la garde seul toute la nuit. Il utilisa sa lance pour se soulever du lit de fortune et alla soulager sa vessie pleine. Aldarin était assis sur une bûche tombée à proximité, penché sur sa hache, son bras passant la pierre à aiguiser sur les lames en de longs gestes caressants. Il était déjà entièrement paré de son armure et fredonnait une chanson ou un psaume tout en travaillant.

      — Bonjour à vous, Sire Chevalier, dit Reed. Merci beaucoup de m'avoir laissé dormir, je ferai de même pour vous demain soir si vous souhaitez vous reposer.

      Il frotta ses membres raides. Le sol avait été dur sous sa cape.

      Aldarin leva les yeux, avec un large sourire.

      — Bonjour, ami Reed ! Ne vous inquiétez pas pour des choses aussi triviales. Pendant mon séjour au temple, j'ai passé de nombreuses nuits blanches à m'entraîner avec mes camarades initiés ; car l'ennemi se moque que nous soyons éveillés ou non, il attaque quand il est prêt, de jour ou de nuit.

      Il enfila soigneusement le manche de sa hache dans les larges anneaux sur son dos et jeta le sac de toile sur une épaule.

      — Je propose que nous levions le camp, dit-il. Les Greylings n'auront pas chômé la nuit dernière. Plus vite nous serons réapprovisionnés, plus vite nous pourrons atteindre Arelium.

      Le deuxième jour de voyage fut aussi peu excitant que le premier : le même terrain plat et monotone, le même vent froid et mordant. Reed essaya plusieurs fois d'engager la conversation avec le chevalier, mais Aldarin resta silencieux, répétant qu'il s'expliquerait davantage une fois qu'ils seraient en route vers le nord.

      Ils finirent les restes de viande et de pain juste après midi, assis l’un contre l’autre pour s'abriter. Après avoir parcouru quelques kilomètres de plus, des volutes de fumée apparurent à l'horizon.

      — Jaelem, s’écria Reed avec un sourire soulagé.

      Au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient, les formes vagues devenaient des huttes de chaume regroupées autour d'un grand bâtiment en pierre et protégées par une palissade en bois de trois mètres de haut. Une large porte permettait d'entrer dans le village, flanquée de part et d'autre de tours de guet carrées à toit plat. Sur le côté sud, un grand bosquet d'arbres avait poussé près de la palissade. Non pas des acacias broussailleux qu'ils avaient vus si nombreux ces derniers jours, mais de grands chênes vénérables, dont les larges branches abritaient un petit lac. Reed crut distinguer deux petits bateaux de pêche en peau de vache se balançant sur l'eau.

      Revoir Jaelem libérait en lui un flot de souvenirs refoulés : pêcher et découper des filets de poisson avec sa mère, grimper et se cacher dans les chênes quand une bande d'enfants plus âgés cherchait quelqu'un à tourmenter, poursuivre la fille du forgeron sur la place du village et, à l’adolescence, lui voler un baiser une nuit où ils étaient allongés ensemble au bord du lac à regarder les étoiles. Et une dernière image, vague et floue, d'un homme barbu aux yeux plissés et au sourire facile lui montrant comment enfiler une ligne sur une canne à pêche ; l'un des seuls souvenirs de son père qui lui restait.

      Pour la deuxième fois en bien des jours, il se demanda s'il avait fait le bon choix de partir avec le recruteur de la Vieille Garde, se demanda ce qu'aurait été sa vie s'il avait choisi de rester au village. Peut-être aurait-il trouvé le courage de demander au vieux forgeron la main de sa fille, et d’inviter sa mère à résider avec eux. Il aurait peut-être même élevé une famille.

      Il sentit une main lourde sur son épaule.

      — C'est un bel endroit, dit Aldarin, semblant lire dans les pensées de Reed. Je suis sûr que nous trouverons ce que nous cherchons ici. En avant !

      Il s'avança d'un pas assuré jusqu'à la palissade, bras tendus, mains levées au-dessus de sa tête dans le langage universel de la paix.

      — Braves hommes et femmes de Jaelem, lança-t-il de sa voix puissante et profonde qui s’élevait facilement à travers le vent.

      — Je suis Sire Aldarin, Chevalier des Douze, et j'ai besoin de votre aide.

      Il leva les yeux vers les tours de garde, inoccupées, avec un léger froncement de sourcils.

      Quelques instants plus tard, un jeune homme se précipita vers eux, essayant à la fois de boutonner sa tunique rembourrée et d'attacher la mentonnière de son casque conique rouillé. Il ne réussit ni l'un ni l'autre, trébuchant sur le lacet de sa propre botte et mordant la poussière devant les deux voyageurs avec un glapissement étouffé.

      Reed tenta sans succès d'étouffer son hilarité qui frôlait dangereusement le rire, avant d'exploser de sa bouche sous la forme d'un profond gloussement. Aldarin leva un sourcil sévère, mais Reed pouvait voir que ses yeux pétillaient. Ils attendirent tous deux poliment que le jeune homme se relève.

      — Bonne journée à vous deux, dit-il en réajustant son casque posé de travers. Vous êtes les bienvenus. Si vous voulez bien me suivre, je vais vous escorter jusqu'à notre maire. Il est impatient de vous rencontrer.

      Ils passèrent les portes, et entrèrent dans le village proprement dit. Le chemin de terre rugueux débouchait sur une grande place grouillante d'activité. Reed voyait des vanniers, des chaumiers, des charpentiers, des tanneurs, et des pêcheurs vaquer à leurs occupations. Une large variété de chariots et de caravanes s'alignait sur un côté de la place : des commerçants d'autres villages venus pour échanger du poisson du lac ou du bois des chênes. Dans le coin le plus éloigné, deux nomades de Da'arra déchargeaient des rames de soie colorée des sacoches d'un chameau à l'air galeux.

      Aldarin recevait quelques regards superficiels, mais rien de plus, presque comme si la présence d'un Chevalier des Douze était un évènement quotidien. Après des jours de silence, la cacophonie était écrasante ; le brouhaha des négociations entre marchands, des ouvriers