" A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle. Группа авторов

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Название " A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle
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Жанр Документальная литература
Серия Biblio 17
Издательство Документальная литература
Год выпуска 0
isbn 9783823302285



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compte la quatrième et dernière partie. Cette partie ne restitue que très partiellement la richesse des apports du congrès dans le domaine des humanités numériques puisqu’il s’est agi, pour la plupart des contributeurs et contributrices, de présenter des sites et des bases de données, souvent en cours de construction. En s’emparant des corpus textuels du XVIIe siècle, ils apportaient la preuve de la vitalité de ces nouvelles pratiques éditoriales. Temps fort de la réflexion scientifique, ces approches numériques disent beaucoup d’une modification de nos rapports aux textes et de nos réflexes méthodologiques qui a animé l’ensemble du congrès.

      La priorité donnée au livre et à la librairie à cette occasion produit d’ores et déjà ses effets dans nos pratiques de littéraires tant sur le plan scientifique que pédagogique. Dans sa conférence, Jean-Dominique Mellot n’a pas hésité à qualifier le congrès de « moment historiographique » dans la mesure où le « postulat de symbiose » entre les historiens de la littérature et les historiens du livre était, selon lui, « proprement impensable il y a quelques décennies » encore. Ces propos formalisent une tendance de la recherche en vigueur depuis quelques années dans les études littéraires d’Ancien Régime. Ils désignent un nouveau courant de critique littéraire, ainsi que de nouvelles frontières, expansives, à la catégorie de « littérature » et aux objets, comme aux méthodes, dont les études littéraires peuvent se saisir. C’est à cette dynamique que ce volume d’actes, dans le sillage du congrès dont il est issu, entend donner visibilité, cohésion et légitimité.

      Présentation1

      Jean-Dominique MELLOT

      Bibliothèque nationale de France / École pratique des Hautes Études

      Je mesure d’autant plus l’honneur qui m’est fait d’ouvrir ce volume d’actes du 47e congrès de la North-American Society for Seventeenth-Century French Literature (NASSCFL), que j’ai conscience de partir avec deux handicaps de taille pour m’acquitter de pareille mission2. Tout d’abord, appartenant à la « corporation » des historiens du livre et en même temps à celle des conservateurs de bibliothèque, je ne me considère pas moi-même comme un spécialiste de littérature, même si – mes publications peuvent en témoigner – la littérature au sens large, celle du XVIIe siècle notamment, a toujours figuré au premier rang de mes intérêts. Second handicap, au moins aussi lourd : je suis le contraire de ce qu’on appelle dans le langage du sport un « régional de l’étape ». Dans un colloque tenu à Lyon, et évoquant entre autres sujets l’importante histoire éditoriale de la ville, je suis plutôt l’incongru de service dont les travaux ont montré que l’édition provinciale au Grand Siècle, l’édition littéraire en particulier, est, à bien des égards, illustrée par Rouen davantage que par Lyon. Il faut croire néanmoins qu’aux yeux des organisateurs et organisatrices, ce plaisant paradoxe n’était nullement rédhibitoire et que nous pouvons très bien dépasser un tel handicap apparent, et même peut-être en faire un gage d’ouverture, de confluences (Lyon est un lieu tout indiqué en matière de confluences), mais aussi un gage de maturité de nos recherches.

      De fait, je suis particulièrement honoré de présenter un colloque aussi riche et divers – près de 130 communications et de 150 participants si j’ai bien compté –, aussi international, aussi bien articulé thématiquement, et qui témoigne d’un tel dynamisme de la recherche. Et puis, surtout peut-être, comment ne pas se réjouir qu’un congrès organisé par une association internationale pour la littérature française du XVIIe siècle s’intitule Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle ? Le titre choisi lui-même atteste que nous atteignons là un véritable moment historiographique, et il n’est pas indifférent que ce moment historiographique advienne dans un colloque consacré au XVIIe siècle. Cela échappera peut-être aux plus jeunes d’entre nous, mais pour quelqu’un de ma génération, un tel intitulé, un tel postulat de symbiose entre « littéraires » et « historiens », entre histoire du littéraire et histoire du livre, était proprement impensable il y a encore quelques décennies.

      Pour mesurer le chemin parcouru – et ce de façon tout à fait subjective, avec le regard d’un historien du livre –, je crois qu’il n’est pas inutile de remonter un peu le fil du temps, et d’évoquer d’abord ici ce que les historiens du livre, précisément, ont coutume d’appeler les « tensions fondatrices » qui ont marqué l’émergence de leur discipline. Avant même la publication en 1958 de L’Apparition du livre de Lucien Febvre (1878-1956) et Henri-Jean Martin (1924-2007), ouvrage reconnu comme fondateur de l’histoire du livre3, Febvre, dans un texte célèbre de 1952 introduisait un article de Martin sur l’édition parisienne au XVIIe siècle dans les Annales, en déplorant que l’histoire du livre soit encore « terra incognita ». Selon lui,

      des historiens « littéraires » [ceux qu’il surnommait péjorativement les « textuaires »], [pouvaient] disserter à longueur de journée sur « leurs » auteurs sans se poser les mille problèmes de l’impression, de la publication, de la rémunération, du tirage, de la clandestinité, etc., qui [auraient fait] descendre leurs travaux du ciel sur la terre.4

      Sous l’influence de l’école des Annales, l’histoire et les sciences humaines, « troisième culture » s’autonomisant entre les lettres et les sciences dites exactes, élargissaient alors leurs questionnements et leurs territoires. Elles posaient des exigences nouvelles vis‑à‑vis d’un domaine et d’un objet – le livre – dont Henri-Jean Martin a fort bien dit plus tard qu’il était perçu jusque-là comme « sans histoire » et « allant de soi5 », comme un simple vecteur obligé de la littérature, des idées, des informations. Et le livre « allait de soi » même chez ceux qui, comme Gustave Lanson (1857-1934) sous la Troisième République, avaient tenté de lancer une approche sociologique de l’histoire littéraire6.

      Les nouvelles exigences de l’histoire du livre naissante, on les identifie bien en tout cas dans les travaux qui ont suivi L’Apparition du livre. H.-J. Martin, dans l’introduction de sa grande thèse, constatait en premier lieu « combien avait été négligé[e] [l’étude de] l’aspect matériel » de la production et de la vie même du livre. Et puis, ajoutait-il,

      ayant feuilleté et classé des milliers de livres anciens à la Bibliothèque nationale, j’avais eu […] ample occasion de constater que la plupart des chercheurs consacraient leurs efforts à une même petite partie de la production conservée, comme si le reste ne représentait du passé rien ou presque [… Or] comment comprendre l’esprit d’un siècle sans posséder au moins quelques notions sur l’ensemble de la production imprimée de celui-ci [et non seulement sur] quelques auteurs ou […] quelques savants ?7

      Même constat d’insatisfaction devant les laborieuses tentatives de mise en contexte d’œuvres littéraires, qui abordaient avec maladresse ou ignoraient carrément la prise en compte des conditions éditoriales de l’époque. Dans les mêmes années, l’historien Alphonse Dupront (1905-1990) se faisait l’écho d’une insatisfaction analogue dans sa postface à la grande enquête Livre et société dans la France du XVIIIe siècle, en 1965, en appelant à combler une lacune alors majeure :

      le dénombrement des libraires, les déterminations approximatives de leurs spécialités, la fixation de leurs réseaux […] autant de clartés sur un monde secret que trop d’histoire purement littéraire a le plus souvent négligé et qui demeure l’une des forces maîtresses […] de la dynamique du livre […]. Composition et action des [corporations], rivalités entre les clans, conflits d’intérêts, tout cela importe à la vie du livre, non seulement pour la circulation mais aussi pour l’orientation à terme de l’édition. L’impression n’est risquée que si marché il y a.8

      Il est donc clair que l’histoire du livre, revendiquée comme « histoire sociale du livre9 », se développait à cette époque en tournant le dos aux approches qui avaient été celles de la théorie littéraire et de l’histoire des idées.

      De même, d’ailleurs, l’histoire du livre émergeait