Le Leurre Zéro. Джек Марс

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Название Le Leurre Zéro
Автор произведения Джек Марс
Жанр Современные детективы
Серия Un Thriller d’Espionnage de L'Agent Zéro
Издательство Современные детективы
Год выпуска 0
isbn 9781094306407



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honorés lors d’une cérémonie plus intime avec la famille proche. Ces obsèques étaient celles auxquelles assisteraient les chefs d’États, la noblesse saoudienne et les leaders industriels, celles qui se dérouleraient dans la cour dorée et marbrée du palais royal de Riyad. Ou, plus exactement, l’un des palais royaux, se rappela Joanna tandis qu’elle se tenait solennellement parmi les personnes endeuillées présentes, têtes baissées avec révérence et fronts perlant de sueur sous le soleil saoudien éclatant.

      Elle était la représentante des États-Unis, mais ne pouvait s’empêcher d’avoir l’impression de  ne pas être entièrement à sa place avec son blazer noir, son chemisier de soie noir au col impeccablement plié et sa jupe crayon noire. Combinée au fait que la température extérieure atteignait les vingt-six degrés, toute cette cérémonie était étouffante, même à l’ombre. Elle fit de son mieux pour n’en rien laisser paraître.

      Joanna Barkley était une femme pragmatique aussi bien dans ses idées que dans sa garde-robe. Elle était parfaitement consciente de cet aspect de sa personnalité, même si parfois les autres en doutaient. Adolescente, son ambition de devenir sénatrice de l’État de Californie avait été perçue comme une chimère, aussi bien par ses professeurs que par ses camarades et même par son procureur de père. Mais Joanna avait une idée très précise du chemin à parcourir et quelle était la trajectoire logique qui lui permettrait d’atteindre son objectif. C’était tout simplement écrit. Et à l’âge de trente-deux ans, elle avait réalisé son rêve – ou son objectif, selon elle – et avait été élue au Congrès des États-Unis comme la plus jeune sénatrice de l’histoire.

      Quatre ans plus tard, et un peu plus de deux mois auparavant, elle entra une seconde fois dans l’histoire lorsque le président Jonathan Rutledge la nomma vice-présidente. À trente-six ans, Joanna Barkley devint non seulement la première femme vice-présidente des États-Unis mais aussi la plus jeune à égalité avec John C. Breckinridge.

      Bien que profondément sensée et pragmatique, Joanna était toutefois perçue comme une douce rêveuse. Ses décisions politiques étaient accueillies avec la même dérision que l’avaient été ses aspirations de jeunesse – aspirations qu’elle avait réalisées et bien plus encore. Pour elle, la réforme du système de santé n’était pas impossible, mais nécessitait simplement une minutieuse planification et une mise en place incrémentale pour qu’elle soit couronnée de succès. Se retirer des conflits au Moyen-Orient, maintenir la paix, favoriser le commerce équitable, et même, pourquoi pas, prendre place dans le Bureau Ovale… rien de tout cela n’était impossible ou irréalisable.

      Du moins, pas à ses yeux. Ses détracteurs et rivaux, qui étaient assez nombreux, ne voyaient pas les choses de la même façon.

      Finalement la cérémonie touchait à sa fin et se clôturait par l’intervention d’un homme de grande stature, à la barbe grise et au nez crochu, qui murmurait une prière en arabe puis en anglais. Il était vêtu de blanc des pieds à la tête ; un prêtre, supposait Joanna, ou quelle que soit l’appellation qu’ils se donnaient. Elle n’avait pas les connaissances approfondies de la culture islamique qu’elle se devait d’avoir, et cela d’autant plus qu’à présent le succès de ces visites et missions diplomatiques étaient de sa responsabilité. Mais deux mois avaient été à peine suffisants pour se préparer, et son mandat avait été jusqu’alors un tourbillon d’événements, dont celui, non des moindres, qui avait été d’unifier la paix entre les États-Unis et les pays du Moyen-Orient.

      Le roi Ghazi d’Arabie Saoudite avait perdu sa longue bataille contre une maladie tenue secrète, que la famille royale n’avait pas tenu à dévoiler. Joanna supposait qu’il s’agissait de quelque chose pouvant être perçu comme une honte ou une disgrâce, susceptible de ternir son nom, et n’avait pas voulu imaginer de quoi il pouvait s’agir. Alors que la prière touchait à sa fin, le cortège des dirigeants, diplomates, et magnats de l’industrie se retira silencieusement dans le sanctuaire (et l’air conditionné) du Palais Royal, à distance de la presse et des objectifs des caméras. Chose plutôt curieuse, pensa Joanna, lorsqu’on considérait à quel point la famille royale semblait être discrète.

      Mais avant qu’elle ne puisse entrer, une voix l’interpella.

      « Madame la Vice-Présidente. »

      Elle s’arrêta. Cette voix n’était autre que celle du prince Basheer, ou plutôt, roi Basheer dorénavant, le fils aîné des sept enfants du défunt roi. Il était grand et large d’épaules, peut-être même bombait-il légèrement le torse, selon elle. Il était entièrement vêtu de blanc, un peu à la manière du prêtre, exception faite de son couvre-chef – comment appelait-on cela déjà ? Se reprocha-t-elle – aux motifs à carreaux rouge et blanc, qui, elle devait bien le reconnaître, lui rappelait une nappe de pique-nique. Sa barbe, taillée ras et dont le bout pointait vers le bas telle une flèche, était noire mais déjà parsemée de gris malgré son relatif jeune âge de trente-neuf ans.

      « Roi Basheer. » Elle inclina légèrement la tête tout en se félicitant de s’être rappelée son titre exact. « Mes condoléances, votre Altesse. »

      Ses yeux révélèrent son sourire, bien que sa bouche soit restée une ligne serrée. « Je dois reconnaître que s’habituer à ce titre se révèle difficile. » L’anglais de Basheer était excellent mais Joanna remarqua qu’il claquait les lèvres à chaque consonne dure. « J’ai cru comprendre que votre visite serait de courte durée. J’espérais pouvoir avoir un mot en privé. »

      C’était exact, le plan de vol était déjà enregistré. Elle souhaitait être revenue dans le jet dans l’heure qui suivait. Mais la diplomatie voulait qu’elle ne rejette pas l’offre d’un fils en deuil, un roi nouvellement intronisé et potentiellement un allié – et cela d’autant plus que le gouvernement américain ne savait pas véritablement vers qui allait la loyauté du roi Basheer.

      Joanna opina gracieusement de la tête. « Bien sûr. »

      Le roi Basheer lui indiqua le chemin à suivre. « Par ici. »

      Elle hésita, se reprenant juste à temps pour ne pas s’écrier : « Maintenant ? » Son regard se posa à nouveau brièvement sur la procession toujours en cours. Basheer venait juste de mettre son père en terre, il avait certainement des choses plus importantes à faire que de parler avec elle.

      Un nœud d’appréhension lui noua l’estomac tandis qu’elle le suivait, légèrement en retrait, à travers le palais jusqu’à une pièce de réception de la taille d’un modeste gymnase, destinée à recevoir les dignitaires. Tandis que les serviteurs servaient des rafraîchissements à d’autres visiteurs, Joanna les contourna pour arriver dans une petite antichambre. Elle remarqua un mouvement à la périphérie de ses yeux, le grand prêtre en blanc la suivait silencieusement.

      Plus qu’un simple prêtre, pensa-t-elle. Un conseiller, peut-être ? Bien que dans leur culture ils puissent très bien être les deux. Elle lutta pour se remémorer le terme utilisé pour ce type de personne, un Imam, non ?

      Quoi qu’il puisse être, le grand prêtre (comme elle le surnommait désormais) ferma les épaisses doubles portes de l’antichambre derrière lui. Ils n’étaient que tous les trois dans cette pièce ; de façon assez surprenante pas un seul serviteur ou garde n’étaient présents. Des divans et des coussins aux couleurs vertigineuses étaient disposés dans une sorte d’ambiance, le-feng-shui-rencontre-le-Moyen-Orient, et même les fenêtres étaient parées de velours épais.

      C’était une pièce où des secrets étaient échangés, à l’abri des oreilles indiscrètes. Bien qu’elle ne sache pas ce dont ils allaient parler, Joanna Barkley savait que c’était exactement la raison pour laquelle elle avait souhaité rentrer au plus vite à Washington.

      « Je vous en prie », lui dit Basheer, en lui présentant d’un large geste de la main les fauteuils de la pièce. « Asseyez-vous. »

      Ce qu’elle fit, sur un divan couleur crème, mais sans toutefois s’adosser ou se mettre à son aise. Joanna