Название | Les Néo-Ruraux Tome 1: Le Berger |
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Автор произведения | Wolfgang Bendick |
Жанр | Сделай Сам |
Серия | Les Néo-Ruraux |
Издательство | Сделай Сам |
Год выпуска | 0 |
isbn | 9783750218888 |
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Là où aucun tracteur ne pouvait plus circuler, les paysans fauchaient leur herbe à la faux ou au moyen de motofaucheuses fortement élargies, souvent équipées de roues jumelées ou en fer, dont les crampons devaient les empêcher de glisser ou de se renverser. Parfois quelqu’un marchait au-dessus, sécurisant la faucheuse par une corde. Ou encore marchait en-dessous, la soutenant avec une fourche à foin. Le fanage du foin se faisait à la main ou avec des accessoires spéciaux qui se fixaient par brides sur le bloc moteur de la motofaucheuse. Au lieu de retourner le foin, on le descendait en ratissant petit à petit pour finir de le sécher afin de le presser dans un endroit plus plat, ou on le rentrait à la grange en paquet, sur la tête. Ce paquet ou fagot, « fayot » en patois, était formé soit avec une grande toile en lin dans laquelle on enfermait le foin en nouant les coins ensemble, soit avec une longue corde, qui passait à travers un bout de bois d’environ 40 cm. On posait la corde en U sur le sol afin que se trouvent d’un côté la pièce en bois, polie par des usages fréquents, et de l’autre côté les deux bouts de la corde. Le foin était alors posé soigneusement en couches sur les cordes parallèles, de manière à ce qu'il dépasse de façon égale de chaque côté, jusqu’à obtenir un bon tas. Puis on faisait passer les deux bouts de la corde par-dessus le tas et autour de la pièce en bois en les serrant le plus possible. Ensuite on nouait les cordes autour du bois, de la même façon qu’on arrimait un bateau à un taquet. Le fagot était alors saisi et soulevé par deux hommes pour permettre au porteur, reconnaissable à un morceau de tissu noué autour de la tête et qui descendait par-dessus les épaules, de se poser dessous et de prendre les cordes avec les mains. Une fois en équilibre, les autres lâchaient leur prise et le porteur s’éloignait en titubant en direction de la grange pour s’y appuyer de dos devant l’entrée surélevée. Là on le débarrassait de son fardeau.
Des bruits aigus sonnaient à travers la vallée quand un paysan martelait sa faux. Quand une faux ne taillait plus, malgré l’affûtage à la pierre (une pierre oblongue, d’un grain fin, dans notre vallée souvent en ardoise), portée dans le « coupet », une corne de vache, autour du ventre, il fallait taper la lame. On se mettait à l’ombre et plantait l’enclumette dans la terre. Dans la région c’était une pièce oblongue en fer forgé, équipée dans son tiers inférieur d’une rosace métallique, afin qu’elle ne s’enfonce pas dans le sol, dont le haut formait une étroite enclume, légèrement arrondie. On s’asseyait au sol, les jambes étirées et écartées, afin que l’enclume se trouve devant soi. Puis on y posait la lame de la faux, si possible démontée du manche, la partie courbée vers le haut, le tranchant vers soi. A l’aide des cuisses on pouvait stabiliser la lame. Moyennant un marteau légèrement convexe, on frappait la tôle fine du tranchant afin de l’aplatir et de la rendre coupante. Au moins en trois passages, d’un bout à l’autre. Au premier il ne se passe pas grand-chose. Mais ensuite on s’aperçoit que la lame s’affine, plus fine qu’une lame de rasoir, et s’élargit. A chaque passage, il faut procéder doucement et éviter d’aplatir trop à la fois, car sinon la lame peut se fissurer ou s’onduler. Mieux vaut s’exercer d’abord sur une vieille faux ou une faux cassée, car une bonne faux coûte très cher ! Quand le tranchant se plie sous la pression d’un ongle, le martelage a été parfait ! Un petit passage avec la pierre à aiguiser et on continue ! Mais pour faucher à la faux il y a la même règle que pour le martelage ou l’affûtage : c’est en faisant qu’on apprend ! A partir du moment où l’on arrive à se détendre on fait du bon travail ! Pas de gros efforts, pas de précipitation ! Que de la patience…
Moi-même je préférais taper la faux à la maison, assis sur une souche aménagée spécialement pour cette tâche. C’était plus confortable et l’enclumette ne pouvait pas s’enfoncer dans le sol. Au début on est crispé. Mais avec le temps la main devient plus légère et on entend au son de la frappe si la lame est bien positionnée et si on tape bien. Le martelage de la pointe de la faux demande plus d’efforts que le reste.
Dans d’autres régions l’enclumette est large et le marteau étroit. Dans ce cas il faut poser la faux avec la courbe vers le bas et le tranchant vers soi. Je possédais les deux systèmes, mais préférais le premier, celui avec l’enclumette étroite.
Au remontage de la faux il faut faire en sorte que sa pointe B se trouve environ 3 cm plus bas que le « talon » C. Pour le réglage on pose la faux par terre. On place un objet par terre au « talon », l’endroit le plus large de la lame. Puis on pose le pied sur la poignée au bout du manche afin de faire un pivot et on bouge la faux vers la droite, afin que sa pointe arrive à l’objet placé auparavant. Ensuite il faut régler la pointe de sorte qu’elle arrive 3 à 4 cm plus bas que cet objet, puis procéder au serrage de la bride.
Selon la taille du faucheur il faut régler l’angle de la lame par rapport au manche. Soit en mettant des cales, soit en aplatissant le bout du manche avec une râpe. Le fauchage est plus facile le matin quand l’herbe est mouillée par la rosée ! Il fait aussi plus frais. Sur les talus, il faut avancer parallèlement à la pente et faucher vers le bas. Les cailloux et les taupinières sont très mauvais pour la faux. Quand la faux taille mal et qu’il ne reste plus grand-chose à couper, on peut « booster » la faux en urinant dans le « coupet », la corne qui contient la pierre.
A cause de nos bêtes nous devions être à la ferme matin et soir. En dehors de ces périodes, nous étions, surtout moi, pendant les trois semaines à venir chaque jour au village pour donner des coups de main. Car ce n’était pas seulement Elie qui avait « pris possession » de moi, mais aussi d’autres paysans demandaient mon aide, car soi-disant aucune motofaucheuse au village n’était en état de marche. Souvent on m’invitait pour manger et on me payait pour le travail, malgré mon refus. Bien sûr que nous avions besoin d’argent, car on en dépensait plus qu’on en gagnait !
Nous apprenions que dans la haute vallée, normalement on ne fait qu’une coupe. On n’en faisait une deuxième que dans les fonds de vallée. En haut on faisait paître les animaux dans l’herbe poussant après le foin, le « regain », quand ceux-ci revenaient de la montagne. Et nous qui avions cru qu’ici on pouvait faire quatre coupes comme en Bavière ! Je me mis à calculer : en Bavière on comptait deux vaches par hectare, en faisant quatre coupes. Ici on n’en faisait qu’une. Ça signifiait qu’il nous fallait quatre hectares pour nourrir deux vaches ou deux hectares par bête ! Ayant environ vingt hectares de surface, cela nous permettait, en théorie, de garder dix vaches. Mais lentement des doutes m’envahissaient ! C’était probablement le cas plus bas, où l’herbe était épaisse. Mais pas chez nous, où on pouvait compter les brins ! Je demandai à Esther, qui était originaire d’en dessous de chez nous, ce qu’elle en pensait. Elle réfléchit un moment, puis elle demanda : « Voulez-vous